Algérie

SAMUELE PORSIA, DIRECTEUR DE L'INSTITUT POUR LE COMMERCE EXTERIEUR ITALIEN, AU QUOTIDIEN D'ORAN «On veut mettre le paquet»



2006, une année charnière pour l'Italie en Algérie avec des exportations algériennes vers l'Italie de 8 milliards d'euros. « Un record historique» dit le directeur de l'ICE dans cet entretien. Le Quotidien d'Oran: Les sociétés italiennes en sont où en matière de présence sur le marché algérien ? Samuele Porsia: L'année 2006 a été vraiment une année charnière pour les échanges entre l'Algérie et l'Italie. Nos échanges ont augmenté considérablement. Avec une augmentation de 30% des importations des hydrocarbures par l'Italie, cette année, on a eu un record historique pour l'Algérie en matière d'importations italiennes globales, l'équivalent de 8 milliards d'euros. Nous avons ainsi confirmé notre position de deuxième client de l'Algérie pour une balance commerciale affichant 9,6 milliards d'euros, excédentaire en faveur de l'Algérie. Il est vrai que 99,2% c'est l'achat du gaz naturel et les produits pétroliers, mais on est le principal importateur des déchets ferreux, le liège, le cuir, on a commencé le poisson, certains produits agricoles comme la pomme de terre. Ce qui est intéressant par exemple pour le cuir, les Algériens achètent les machines italiennes pour transformer les peaux en semi-produits qu'ils exportent vers l'Italie pour les transformer en produits finis pour être vendus en Italie et même réexporter vers l'Algérie. C'est-à-dire qu'il y a une intégration de la chaîne de production du cuir. Q.O.: L'Algérie continue donc de vendre la matière première pour être transformée ailleurs pour lui être revendue à des prix forts... S.P.: Mais elle fait déjà une première transformation chez elle avec des machines italiennes. Q.O.: Le tout ne peut pas être fait ici ? S.P.: Il faut des finitions telles, il faut un savoir faire... Q.O.: Que l'Algérie n'a pas ? S.P.: Toujours pas. Q.O.: Mises à part les hydrocarbures, l'Italie importe de l'Algérie des produits qui posent problème comme les déchets ferreux, le liège... S.P.: Même le cuir en est un. Il a été suspendu par le ministère du Commerce pour régulariser sa commercialisation. Maintenant, il y a un nouveau cahier des charges qui permettra d'en identifier les vrais exportateurs algériens. Q.O.: Mais avant, les Italiens n'avaient pas de problème pour acheter ces produits ? S.P.: Non. Nous savions qu'il y avait de gros problèmes de fraude mais nous, nous importions de la façon la plus légale possible. Et encore ! Parce que les déchets ferreux, c'est très particulier. Mais nous avons beaucoup besoin de ces produits. Q.O.: Qu'en est-il des importations algériennes de l'Italie ? S.P.: Les exportations italiennes vers l'Algérie ont aussi augmenté de 17% pour la première fois dans l'histoire de nos échanges. C'est donc aussi un record historique. Elles équivalent près de 1, 6 milliards d'euros. On n'a jamais autant exporté vers l'Algérie. Pour la première fois, l'Algérie est la troisième destination des marchandises et services italiens. On a dépassé le niveau de nos partenaires traditionnels telle que la Libye et l'Egypte. L'Algérie se place presque ex æquo avec l'Afrique du Sud et devant la Tunisie. Q.O.: Qu'est-ce qui a provoqué ce changement au point de laisser en rade vos partenaires traditionnels ? S.P.: Je crois qu'en premier, c'est l'intérêt grandissant des sociétés italiennes à celles du bassin méditerranéen.    Ces dernières années, nous, en tant que ministère italien du Commerce international, avons fait de gros efforts de promotion des échanges pour que des missions soient organisées ici et en Italie. Mais je pense aussi que ces augmentations sont dues au grand plan de relance économique engagé par le gouvernement algérien et à l'essor des entrepreneurs privés algériens. Q.O.: Il y a surtout cette disponibilité de l'argent avec le lancement du programme quinquennal... S.P.: Il y a tous les financements qui ont été accordés dans l'agriculture, dans la pêche et dans d'autres secteurs pour le lancement de la PME. Il y a comme je l'ai dis cet argent du secteur privé qui veut acheter de la technologie, qui veut se développer par une mise à niveau de ses entreprises. Pour ce qui est du programme, le cas des produits sidérurgiques par exemple, c'est très lié à la croissance du bâtiment, des travaux publics en Algérie. En 2003, ces produits étaient importés de façon presque systématique de l'Ukraine et de la Turquie. En 2006, il y a un retour vers le produit italien parce qu'on s'est rendu compte que la qualité italienne n'a rien à voir avec celle de ces produits là. Donc, on est passé à une augmentation de 300%, soit 320 millions d'euros. Ce qui veut dire que près de 20% des exportations italiennes sont des produits sidérurgiques. On a eu aussi une augmentation de nos exportations d'équipements, tout ce qui est machines, outils qui constituent 50% de nos exportations vers l'Algérie. Ce qui veut dire que l'Italie est en train de confirmer une position de leadership sur le marché algérien. Les produits alimentaires italiens sont aussi plus disponibles en Algérie. Les valeurs sont certes, encore marginales -20 millions d'euros- mais c'est une augmentation de 60% par rapport à l'année dernière. Q.O.: Ce n'est pas un peu le gaz qui laisse l'Italie se rapprocher davantage de l'Algérie ? S.P.: ..... Il faut partir d'un principe, le gaz est un produit stratégique pour l'Italie avec tout ce qui est ressource énergétique. De ce point de vue là, l'Algérie est déjà stratégique pour l'Italie. Ça va de soi que l'investissement dans ce secteur attire beaucoup d'autres entreprises. Tous les sous-traitants qui viennent avec, l'exploitation des gisements, la pose de conduites, des revêtements des tubes, il y a le problème de l'électricité qui veut que les entreprises spécialisées viennent. Avant, on pensait que les ressources énergétiques, c'est quelque chose à part. Ce n'est pas le commerce. Mais en réalité non, ça permet de découvrir un pays et ça permet aux grandes sociétés d'amener avec elles ces sous-traitants dans de nouveaux marchés. Q.O.: C'est en fait, toute une industrie qui se déplace... S.P.: Exactement ! Je pense à la pétrochimie..., tout est lié. Ce bilan positif de 2006 s'est traduit aussi par exemple par la présence de sociétés italiennes qui se sont installées en Algérie. Q.O.: Elles vendent ou elles fabriquent ? S.P.: (Rires). Elles ouvrent des filiales. Ce sont les grandes sociétés de construction qui ont travaillé suite à des avis d'appels d'offres. Maintenant, ce ne sont plus des bureaux de liaisons mais elles ont ouvert des filiales. Toute la gamme entreprise construction italienne est présente en Algérie. Q.O.: Mais ce sont les Chinois qui l'emportent... S.P.: Si vous faites allusion à l'autoroute est-ouest, oui, les Chinois l'emportent. Surtout aussi dans le bâtiment. Mais l'expertise italienne est dans tout ce qui est barrages, tunnels, maîtrise d'arts. Q.O.: Mais le bâtiment est important dans la réalisation du programme économique additionnel. Les Chinois y sont en force parce qu'ils écrasent les prix ? S.P.: Absolument. Il n'y a pas de concurrence possible pour la réalisation. Mais je ne pense pas qu'ils ne peuvent pas tout faire. Par exemple, les Italiens vendent le rond à béton aux Chinois qui travaillent en Algérie. Pour l'autoroute est-ouest, il y a des sociétés italiennes qui ont signé des accords de sous-traitance avec les Japonais et bientôt avec les Chinois. Q.O.: Pourquoi n'êtes-vous toujours pas porté sur la production en Algérie? S.P.: C'est déjà un petit peu plus délicat. On est en train de tenter des expériences d'assemblage, de voir comment on peut opérer sur le marché algérien. Quoique dans le secteur énergétique, on produit. L'ENIE est là ainsi que d'autres grandes entreprises. Q.O.: Vous ne le faites toujours pas dans la construction automobile. S.P.: Non. Ce n'est pas prévu bien que le marché algérien est important. Q.O.: Vous contribuez à la création de l'emploi ? S.P.: Absolument ! La Banque d'Algérie a déclaré qu'en 2006, nous avons presque totalisé 65 millions d'euros d'investissements directs en Algérie. Nous occupons ainsi la 8è place. Etant donné que nous avons 120 entreprises italiennes présentes en grande partie dans la construction, l'emploi est important. La communauté italienne qui travaille en Algérie est aussi en train d'augmenter considérablement. Il y a beaucoup d'Italiens qui ont leur permis de travail. Je crois que cette communauté est la plus importante après celle française. Q.O.: Les derniers attentats ne vous ont pas obligé à revoir vos programmes de missions ? S.P.: Pour les sociétés italiennes qui connaissent déjà le marché algérien, ça n'a pas vraiment changé. Elles se sont présentées aux différents rendez-vous économiques et commerciaux tenus en Algérie. On a dû cependant, annuler ou plutôt reporter certaines missions commerciales de celles qui devaient venir pour la première fois en Algérie. Q.O.: Vous prévoyez d'organiser le 4 et 5 juin prochain à Alger, un forum pour les hommes d'affaires italiens ? S.P.: C'est l'ICE qui l'organisera en collaboration avec Confidustria, la grande organisation patronale ainsi que l'association des banques italiennes (ABI). C'est madame la ministre du Commerce, Emma Bonino qui accompagnera les 100 ou 150 hommes d'affaires italiens prévus. Le forum se tiendra à l'hôtel Hilton sous l'égide du ministère algérien du Commerce et de celui de la Participation, en présence de l'ABEF, des organisations patronales, de la CACI. Il aura lieu en même temps que la foire internationale d'Alger (du 2 au 7 juin). Q.O.: Vous faites deux en un. En plus l'Italie est à l'occasion de la foire, l'invitée d'honneur de l'Algérie... S.P.: On veut mettre le paquet. En marge, nous allons présenter dans le pavillon italien une exposition sur le drapeau italien et les différentes transformations qui lui ont été apportées par les artistes italiens. Q.O.: Le forum est le premier du genre. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? S.P.: On a commencé par la Chine, le Brésil... Et maintenant, c'est le Maghreb avec l'Algérie comme dernière destination. On est en train d'exporter le système italien à l'étranger association- commerce extérieur- banques. Nous nous déplaçons tous ensemble pour explorer les marchés. Q.O.: Est-ce que les Italiens viennent avec des projets «prêts à consommer » ? S.P.: On veut proposer des projets dans l'électricité. On pense à la production, la distribution, la gestion et voir si c'est faisable en Algérie. On a des projets pour l'exploitation des mines. On a aussi une dizaine de manifestations d'intérêts en cours de négociation dans les carrières de marbre, le liège, le revêtement des tubes... Q.O.: Pas d'intérêt pour les banques ? S.P.: Non. Mais on a un bureau de représentation de la MPS (MontePaschi Siena). Il y a eu en mars dernier, la visite du PDG de Unicrédit. Il est prévu l'ouverture le 1er juin prochain d'un bureau de la BNL (Banca Nazional Laboro) qui a été rachetée par BNP Paris Bas mais qui reste une banque italienne. Il est fort possible que d'autres grandes banques pensent à s'installer en Algérie. La Banca populare Itali (BPI) est en négociation avec la BADR. Elles négocient des accords interbancaires. Q.O.: D'autres perspectives ? S.P.: Notre objectif est de développer là où on est encore faible, les biens de consommation par exemple des entreprises qui font des investissements directs en produisant sur place comme celles de l'immobilier et l'électroménager. La semaine prochaine, un homme d'affaire italien viendra pour prospecter la confection de l'habillement. Q.O.: L'Algérie a sollicité l'expérience italienne en matière de privatisation, mais on n'a rien vu venir d'un côté comme d'un autre. Pourquoi ? S.P.: Nous déplorons le fait que les négociations soient longues, très longues, jusqu'à deux à trois ans. On ne se met pas déjà d'accord sur la valeur des sociétés à vendre. La négociation commerciale est très lente. Il y a aussi tout le dispositif du personnel qu'il faut prendre en considération. Il y a le problème du foncier pour lequel on se retrouve à chercher le propriétaire légal. Les cahiers des charges ne sont pas non plus très clairs. Il faut diminuer le nombre des centres de décisions pour ne pas avoir affaire à chaque fois à une démarche différente.


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