Algérie

Samir Sayah : «L’augmentation de tout pouvoir d’achat devrait s’adosser à une création de richesses préalable»



Samir Sayah : «L’augmentation de tout pouvoir d’achat devrait s’adosser à une création de richesses préalable»
Samir Sayah, avocat, est aussi associé local de CMS bureau Francis Lefebvre Algérie. Il est très sollicité pour accompagner les entreprises dans l’établissement de dossiers d’investissements étrangers, des projets d’infrastructures ainsi que dans des dossiers touchant au pétrole et au gaz. Il nous apporte, dans cet entretien, des éclairages concernant la revendication de la centrale syndicale UGTA liée à la baisse de l’IRG afin d’améliorer le pouvoir d’achat et la réponse négative du gouvernement.


-Est-il exagéré de la part du gouvernement de dire qu’une baisse de l’IRG risque d’avoir un impact sur le déficit budgétaire ?

Il est avéré que l’IRG constitue, avec la fiscalité pétrolière et la TVA, une des ressources fiscales essentielles au financement du budget de l’Etat. Il constituerait, selon les derniers chiffres communiqués, 20 à 25% de la fiscalité ordinaire. Il est donc normal qu’on puisse soutenir, d’un point de vue «comptable», qu’une reconsidération des niveaux d’une telle recette ait un impact négatif sur la balance budgétaire. Pour autant, il est permis également de se demander si une telle structuration budgétaire autour de revenus «passifs» tels que les salaires des secteurs non productifs a un sens du point vue purement économique. En d’autres termes, est-il raisonnable de maintenir dans le temps en partie un budget à partir de revenus tirés de l’exercice d’activités non industrielles ?

-Est-il normal que l’IRG soit la source majeure de la fiscalité ordinaire ?

Dans une économie normalement structurée, il est tout à fait concevable que les revenus des personnes physiques constituent une source importante, voire même prépondérante, de la fiscalité ordinaire. En effet, la fiscalité tire sa source de la création de richesses assurée notamment par un environnement économique et social garanti par la collectivité. Autrement dit, l’Etat construit un budget pour favoriser la création de richesses et d’emploi et demande en contrepartie une contribution de la population active (première bénéficiaire de cette politique) au financement de l’effort budgétaire.

-Est-ce que les travailleurs algériens payent trop d’impôts proportionnellement à leurs salaires ?

Il est difficile de se prononcer de façon tranchée car les situations diffèrent selon les niveaux de revenus. En effet, le barème de l’IRG étant progressif, il a tendance à protéger les faibles revenus (par exemple, le SNMG est imposé à 0% d’IRG) et peut s’avérer confiscatoire pour les revenus élevés (taux marginal de 35% pour les revenus supérieurs à 120 000 DA/mois). Néanmoins, le barème actuel de l’IRG mériterait d’être réexaminé afin de prendre en considération les salaires des classes moyennes, notamment suite aux récentes revalorisations salariales.

-Une baisse de l’IRG, voire de la TVA, peut-elle agir sur le pouvoir d’achat des Algériens ?

Si l’on raisonne à court terme, la baisse conjuguée de l’IRG et de la TVA peut accroître le pouvoir d’achat de nos compatriotes. En revanche, dans une perspective à moyen et long termes, les effets positifs de cette baisse seraient vraisemblablement annihilés par l’effet inflationniste de la mesure elle-même. Malheureusement, de manière générale, l’Etat algérien est en face d’un véritable dilemme dès qu’il s’agit de satisfaire les revendications sociales des salariés. En effet, l’économie algérienne étant fondée essentiellement sur la rente pétrolière, tout accroissement du pouvoir d’achat de la population génèrerait un coût budgétaire supplémentaire sans contrepartie en revenus. A notre sens, l’augmentation de tout pouvoir d’achat devrait s’adosser sur une création de richesses préalable.

-Les entreprises sont-elles favorisées par rapport aux travailleurs par le système fiscal ?

Tout d’abord, il y a lieu de ne pas confondre la fiscalité applicable aux revenus des entreprises avec celle grevant les dividendes distribués aux actionnaires et/associés soumis à l’IRG. Pour répondre à votre question et bien qu’on puisse noter l’existence dans les textes de certains régimes de faveur, les entreprises subissent en réalité des charges relativement lourdes.
A titre d’exemple, la contribution patronale au régime de Sécurité sociale est supérieure à celle des salariés (26% pour les entreprises vs 9% pour les salariés).A notre avis, il ne faudrait pas opposer l’entreprise aux salariés. Ces deux acteurs économiques sont une source de création de richesses auxquels il convient de réserver un traitement d’ensemble à tous points de vue (fiscal, social, économique, etc.).


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