Algérie

Samedi soir, l'Olympia était algérienne



De la scène au public, la salle mythique de l'Olympia a été, l'espace d'une soirée, celle du samedi 13 janvier, aux couleurs de l'Algérie, pour célébrer le rire et l'humour.Kamel Abdat, Abdelkader Secteur, Melha Bedia (s?ur du comédien Ramzy), Farid Chamekh, Mohamed Nouar, Réda Seddiki et Wahid ont animé cette soirée, qui a été accompagnée en seconde partie d'un concert de Amazigh Kateb, en pleine forme, et qui a donné toute la mesure de son talent, et de son groupe musical Gnawa Diffusion.
Les humoristes, hormis Abdelkader Secteur, appartiennent globalement à la nouvelle génération algérienne et franco-algérienne. Ils ont, chacun dans son style, présenté l'Algérie telle qu'elle est, avec ses tabous, ses contradictions, ses interdits, mais aussi tout ce qui fait qu'elle est profondément aimée.
La France n'a pas été épargnée non plus. Un fil conducteur commun : la déconstruction des clichés de quelque bord qu'ils viennent, des idées reçues, des préjugés, par la dérision. Les messages sont les mêmes : l'amour et la fraternité, le respect des uns et des autres dans ce qui caractérise et est propre à chaque être humain. Kamel Abdat, fin connaisseur de la société algérienne ? qu'il parodie en kabyle, en arabe dialectal et en français ?, nous affirme qu'il devient difficile d'aborder certains sujets sensibles : «d'un côté, il y a la censure officielle, de l'autre, celle des islamistes», déplore-t-il.
Son sketch sur l'islamiste qui a détruit la statue de Aïn El Faouara, à Sétif, a fait polémique. Et de constater qu'en Algérie, «il y a deux publics, un public tolérant et permissif, et un public avec lequel il faut prendre des précautions». Ces contraintes, l'artiste les ressent particulièrement depuis un an, contrairement à la Tunisie où il se produit régulièrement et où il a collaboré pour la chaîne de télévision Nessma.
La littérature qu'il enseigne à l'université d'Alger est sa grande passion, avec le théâtre. Ces deux passions sont personnalisées par Kateb Yacine, qu'il affectionne particulièrement. Réda Seddiki, 26 ans, né à Tlemcen d'une mère architecte et d'un père enseignant, est arrivé en France il y a quatre ans pour un master en mathématiques appliquées. C'est dans ce pays qu'il donne la pleine mesure de son talent d'humoriste.
Une fois son diplôme universitaire obtenu, il préfère la scène. L'humoriste travaille minutieusement ses textes, forcément, il est très attiré par la littérature. Son répertoire, il le puise dans le quotidien de la société algérienne, la littérature algérienne et étrangère sont une importante source d'inspiration pour lui. Il aime les auteurs qui font de l'humour, comme Amin Maâlouf ou Hanoch Levin, un dramaturge israélien.
Il aurait aimé travailler avec le défunt Abdelkader Alloula. Réda Seddiki s'est produit en Algérie. Il est en ce moment à la Nouvelle Scène, à Paris. Il est l'auteur et l'interprète de Lettre à France, qui s'est développée en Deux mètres de liberté. Abdelkader Secteur n'est plus à présenter. Star de la soirée, le public était plié de rire à son écoute. Youyous, applaudissements, répliques ont accompagné la prestation des artistes sur scène. Une ambiance bon enfant, joyeuse et festive portée par un public familial, toutes générations confondues, des grands-parents aux petits-enfants.
Des organisateurs comblés prêts à renouveler l'initiative
Le succès de cette soirée a comblé ses initiateurs, surpassant leurs prévisions les plus optimistes de la vente des 2000 places, de la salle clôturée trois jours avant le spectacle jusqu'à l'accueil extrêmement enthousiaste qui lui a été réservé. A telle enseigne que Jean-Marc Dumontet, producteur du Festival du rire de Paris, et Billal Chegra, cheville ouvrière et initiateur du projet, s'engagent à rééditer la soirée l'année prochaine et de l'élargir à d'autres artistes. Billal Chegra, directeur artistique de France Algérie histoire d'en rire, a indiqué que des pourparlers sont en cours pour réaliser une initiative similaire en Algérie.
A rappeler que cette soirée était inscrite dans la troisième édition du Festival d'humour de Paris (du 10 au 22 janvier 2018 en 10 soirées avec 100 artistes), représentant une nouveauté dans sa programmation. Cette soirée à l'Olympia, le producteur de spectacles, Jean-Marc Dumontet, la voulait comme «un marqueur de confiance et de volonté de mettre en lumière» la culture algérienne à partir de l'humour (El Watan du 19 décembre 2017). Le producteur affirmait, à la faveur d'une conférence de presse, le 16 décembre dernier, qu'il considère que «l'humour et le spectacle c'est le partage», que «la culture sert à créer des liens».
Et d'ajouter : «Je veux banaliser notre relation avec l'Algérie, ce pays frère.» Après avoir fait le constat que «nos deux pays se regardent sans se regarder. On n'arrive pas à panser les plaies. On va tous y contribuer». Et «l'humour est un vrai vecteur fédérateur qui réussit parfois là où le politique échoue. C'est une belle opportunité». Billal Chegra, directeur commercial de Jean-Marc Dumontet Productions relève qu'«il y a une vraie culture de l'humour algérien», mais qu'«elle est méconnue en France». D'où cette résolution de mieux la faire connaître des Français.
La soirée du 13 janvier a été en ce sens un premier pas. Au-delà de cette soirée, «notre volonté est d'ouvrir un créneau pour l'humour algérien» aux humoristes algériens qui viendraient en France «dans un de nos théâtres», précise Jean-Marc Dumontet, «Nous sommes en train de tisser une histoire au long cours». Et de caresser l'idée d'un festival du rire en Algérie. Baisser de rideau avec cette promesse des organisateurs.


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