Algérie

Salim Saâdi Un monument s’en est allé…



Salim Saâdi Un monument s’en est allé…
Publié le 02.07.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Kamel Bouchama

L’Algérie vient de perdre un monument !.. . Ainsi, le substantif qui le qualifie est bel et bien à sa place. Non seulement parce que c’est un cadre supérieur de la nation qui a tout donné à son pays, mais surtout un grand Homme qui s’est distingué par des actions héroïques durant la Guerre de Libération nationale
Le chapelet s'égrène doucement, assurément, pareil à cette horloge qui nous compte les heures et les retire invariablement de notre existence. Ainsi, comme l'éternel sablier de notre vie, qui est retourné toujours à nouveau, la mort, cette vérité incontournable et cette leçon continue de la nature, nous apprend chaque jour, chaque instant que fait Dieu notre Créateur, la disparition d'un des nôtres. Et cette fois-ci, c'est l'un de nos militants, d'une trempe exceptionnelle. Ce jour-là, lundi 26 juin, ce fut encore une triste nouvelle qui nous venait avec une grande charge d'émotion, nous informant que notre frère Salim Saâdi, cet inlassable combattant de la cause nationale depuis l'ALN, et puis en tant qu'officier supérieur de l'ANP, ensuite plusieurs fois ministre, a rejoint les Jardins célestes du Seigneur.

Homme de grande valeur
Pour la générosité de ce militant d'une rare fidélité à son pays, de cet Homme profondément révéré par les siens, tous les cadres de la nation, et ceux qui l'ont connu de près ou de loin, notre président de la République, Abdelmadjid Tebboune, connaissant sa valeur et son attachement aux principes qui régissent notre État, lui a adressé un brillant hommage, dans son message à titre posthume, et à sa noble famille de moudjahiddine, ses sincères et fraternelles condoléances. Mais qui est cet Homme de grande valeur, que l'on doit écrire forcement en majuscule? C'est le Moudjahid Salim Saâdi qui, après avoir accompli dignement sa mission dans les rangs de notre glorieuse Armée de Libération nationale, a compris qu'il était nécessaire de poursuivre son engagement, avec les autres forces vives de la nation, celles qui oeuvraient dans tous les domaines pour la continuité de la révolution, en assumant ses responsabilités dans l'armée, pour ce qui le concernait. Ainsi, après avoir honoré son impératif devoir au sein de l'ALN avec son frère Salih - ou ils furent tous deux blessés de guerre - il a été chargé, dès l'indépendance, de mettre sur pied les transports militaires, tout en assurant leur commandement. Il sera ensuite directeur des armes de combat, de même que chargé de mettre sur pied des unités de transport de blindés, d'artillerie, de défense anti-aérienne et d'infanterie. En somme, celles qui constituent le corps de bataille de toute armée.
Cependant, Salim Saâdi, celui qui n'a jamais désemparé devant certaines circonstances d'alors - soit en perdant ses moyens ou en se donnant ce sentiment d'abandon - a poursuivi son dynamisme, avec enthousiasme, au sein de cette ANP qu'il aimait tant et qu'il voulait à la hauteur des exigences de la nation.
De là, il sera, à l'époque du président Houari Boumediene, commandant de la 3e Région militaire, ayant pour siège Béchar. Puis, à l'avènement du président Chadli Bendjedid, il sera ministre de l'Agriculture de 1979 à 1984, ministre de l'Industrie lourde de 1984 à 1986, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales de 1993 à 1994, et enfin du temps du président Bouteflika, il sera ministre des Ressources en eau de 1999 à 2001 et ministre des Transports de 2001 à 2002. Quel magistral parcours, que celui de notre frère Salim Saâdi!
En effet, et l'Algérie vient de perdre un monument!... Ainsi, le substantif qui le qualifie est bel et bien à sa place. Non seulement parce que c'est un cadre supérieur de la nation qui a tout donné à son pays, mais surtout un grand Homme qui s'est distingué par des actions héroïques durant la Guerre de Libération nationale et par d'inlassables efforts pour améliorer les conditions de vie des 50 000 hommes qui étaient sous sa responsabilité, lorsqu'il commandait la 3e Région militaire. Pour cela ses compagnons d'armes, et ils sont nombreux, ont tenu à lui rendre de vibrants hommages pour saluer son parcours honorable durant la Révolution armée et après l'indépendance du pays. Quant a moi qui l'ai bien connu dans les années 80, dans le cadre du Comite central du FLN, l'originel - je veux dire le vrai - et plus encore dans le gouvernement, j'écris cet hommage non seulement pour remémorer mon grand frère Salim Saâdi, mais également pour le faire revivre à cette jeunesse qui ne connait pas ses responsables et ses héros qui lui ont permis de vivre aujourd'hui dans l'aisance d'une liberté retrouvée.
Le défunt en fait partie, puisque jeune à l'époque, il s'est engagé dans la bataille de Libération, aux côtés de hauts dirigeants, en cette époque qui gardera la saveur d'une épopée et qui témoignera de l'une des périodes les plus engagées et les plus brillantes de la lutte du peuple algérien. En effet, Salim Saâdi, cet homme de principe, pétri de qualités dont la sagesse, le dévouement et l'esprit d'initiative, ne pouvait s'arrêter au beau milieu du chemin.

Transmettre aux jeunes
Son serment était de transmettre aux jeunes, du temps où il était dans la fournaise de la Guerre de Libération nationale, aux côtés de valeureux combattants, l'impérieuse nécessité de poursuivre la révolution jusqu'au progrès, jusqu'au bien-être. Ainsi, l'idée d'évoquer le souvenir des nationalistes et des combattants de la lutte de Libération nationale est une oeuvre salvatrice pour l'Histoire de notre pays. Comment cela? Eh bien, parce que ne pas rappeler au bon souvenir des militants la mémoire de ces héros qui ont fait la Révolution et ne pas éclairer la jeunesse sur le combat du peuple algérien qui nous a permis de recouvrer notre souveraineté nationale, c'est débiter des «moments», pourtant forts, avec une désagréable monotonie. Ne pas raconter le parcours de Salim Saâdi, entre autres, et ne pas faire état de sa riche expérience au cours d'un long passé - et c'est ce que je démontre dans ce modeste écrit -, c'est conter l'Histoire d'un peuple qui a été confronté à son destin..., la conter avec beaucoup de désinvolture, jusqu'à ce qu'elle paraisse aux yeux des jeunes comme une histoire (avec un petit h) sans saveur, sans âme et, peut-être, sans «ressources» Pour toutes ces raisons, et concernant l'Histoire particulièrement, j'aimais débattre avec mon ainé Salim Saâdi. Parce qu'avec lui, nous nous enfoncions dans les sujets d'actualité brûlants, et nous nous sentions à l'aise en ouvrant divers dossiers. C'est pour cela que j'évoque, avec beaucoup de respect, cet homme qui joignait à son bon esprit l'énergie du caractère. C'est alors que j'ai du plaisir a l'évoquer encore, tout en liant certaines de ses appréhensions à l'écriture de l'Histoire, cette action qui nous permettra d'ouvrir un volet, incontestablement indispensable et nécessaire
pour les jeunes, pour l'ensemble de notre société, mais aussi pour notre postérité. En effet, Salim Saâdi, avait une haute considération pour l'Histoire, et son écriture et ses interprètes, c'est-à-dire ses acteurs. Il savait qu'un examen attentif des faits historiques ne peut être possible que lorsqu'il existe une volonté politique et que les intellectuels, et parmi eux les historiens, soutiennent les activités créatives de l'esprit avec courage et lucidité, loin des complaisances et de la démagogie. C'est dans ce registre qu'était l'inlassable natif de Sétif, la capitale des Hauts-Plateaux, et qui avait l'Algérie dans les entrailles.
Et ainsi, par ces modestes expressions qui véhiculent ma sincère reconnaissance, je ne sais si j'ai utilisé l'idiome et la sémantique qui conviennent à sa personnalité, à son caractère, et qui, en même temps, reflètent notre grand et profond respect pour lui, mais il saura m'en excuser si j'ai failli parce qu'enfin, je reste comme beaucoup d'autres, son élève qui a encore beaucoup à apprendre. Par ces mêmes expressions, je ne veux pas le pleurer, même si les larmes demeurent le seul remède pour apaiser notre incommensurable douleur, mais je préfère me recueillir dans le calme et la solidarité, les deux principales qualités des militants, en ayant à l'esprit qu'il a laissé une partie de lui-même en chacun de nous. Aujourd'hui, il nous a quittés pour rejoindre «Dar El Baqa», la maison de l'éternité.
Il nous a quittés dans un linceul immaculé car il a été, tout au long de son existence, comme disait le poète, «presqu'à l'image d'un prophète qui a transmis son message».
Son message
Alors, le message, le sien, a fait de ceux qui l'ont approché, des hommes armés d'une solide culture et d'une personnalité qui ne saurait faillir devant les contraintes et les vicissitudes de la vie. Et ainsi, nous les militants de cette Algérie que nous aimons tant, nous disons au frère Salim Saâdi, Dieu, Tout-Puissant, nous éclaire sur la destination finale de ceux qui ont tout donné pour leurs pays, pour leurs prochains..., ces croyants qui ont oeuvré inlassablement pour le bien et les bonnes causes, de vrais musulmans: «Ô toi âme apaisée! Retourne vers ton Seigneur satisfaite et agréée. Entre donc parmi Mes serviteurs et rentre dans Mon paradis» (L'aube (Al-Fajr), versets 27, 28, 29 et 30).

Kamel BOUCHAMA



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