Algérie - Salim Iles

Salim Iles, champion malgré lui



Salim Iles, champion malgré lui
VENDREDI 17 MAI 2002

Le palmarès de Salim Iles aurait de quoi faire pâlir d’envie bien des nageurs. Premier nageur algérien à rivaliser avec les plus grands, Salim Iles a prouvé que l’Afrique avait une place à défendre dans les championnats internationaux. Et ouvert la voie à toute une génération montante. Presque malgré lui.

Le palmarès de Salim Iles aurait de quoi faire pâlir d’envie bien des nageurs. Demi-finaliste au 100 mètres au Championnat du monde du Japon et aux Jeux olympiques de Sydney l’année dernière, médaille de bronze au Championnat du monde de Moscou cette année. Pour ne prendre que les résultats les plus récents. Salim Iles est le premier nageur africain à se hisser à ce niveau de compétition. Et le seul pour l’instant en mesure de rivaliser avec les meilleurs mondiaux. Un pionnier de la natation algérienne.

De hasard en hasard

Et pourtant qui aurait parié sur un nageur venu d’Algérie ? Un pays qui s’illustre en football ou en athlétisme, mais n’a aucune tradition en natation. Pas même Salim lui-même. " Je n’envisageais pas vraiment de faire une carrière de nageur. Je faisais du sport en plus de mes études. Simplement parce que c’est sain. " A l’écouter, sa carrière exceptionnelle, ses succès seraient le fruit du hasard. Des parents oranais, désireux de lui apprendre très tôt à nager pour qu’il profite de la mer toute proche. Et qui l’inscrivent par hasard dans le meilleur club de natation du pays.

Là, il est repéré très vite par l’entraîneur et dispute sa première compétition à huit ans et sa première sélection en équipe nationale à douze. De fil en aiguille, il gravit les échelons, de l’initiation à l’entraînement élite, accumule les performances. Toujours en dilettante.

Métamorphose

Mais tout le monde ne l’entend de cette oreille. Son entraîneur lui conseille de partir s’entraîner à l’étranger. Et ses parents applaudissent à cette idée. Lui, en revanche, n’est pas très emballé. La plage, les copains, une famille unie... A Oran, rien ne manque à son bonheur. Et même lorsqu’à contrecoeur, il débarque à Paris en 1993 et contacte Stéphane Bardoux, l’entraîneur de Stéphane Caron, c’est encore avec la ferme intention de poursuivre ses études à Paris.

Bref, tout le monde y croit sauf lui. Surtout son nouvel entraîneur qui reconnaît immédiatement son potentiel physique et sa puissance. En dépit de toutes ses lacunes techniques. " Quand Salim est arrivé, il était brut. Il fallait le façonner, lui apprendre la rigueur et rattraper son retard technique. Ce n’était pas sa faute. L’Algérie a d’autres priorités que le sport. Mais on ne devient pas champion par hasard. C’est le fruit de choix faits au bon moment et d’une rencontre entre un athlète et un entraîneur. "

Rencontre fructueuse. Aujourd’hui, avec le recul, Salim ne regrette rien. Et reconnaît que cette rencontre a tout changé. Parce que Stéphane Bardoux a toujours cru en lui. Et parce qu’il lui a permis de prendre conscience de son potentiel. Dont il n’a plus jamais douté." Si j’étais resté à Oran, je n’en serais jamais arrivé là. Pas à cause du club, mais de mon investissement personnel. J’étais à 53 secondes au 100 mètres en 1993, je suis maintenant à 49. Ce sont deux mondes de natation différents, la natation moyenne et l’élite. Et je suis un des rares nageurs à progresser encore aujourd’hui. "

Relations mouvementées avec l’Algérie

Et pourtant le choix de la France ne s’est pas fait sans mal. Et lui a même valu quelques tensions avec la Fédération algérienne qui tantôt se désintéressait de son sort, tantôt lui reprochait d’abandonner son pays. Jusqu’à ce qu’il envisage en 1996 de prendre la nationalité française. De quoi faire réagir l’Algérie, qui se décide enfin à soutenir la natation. Et lui rend hommage aujourd’hui : " Vous avez réussi en sport ce qu’on échoue à faire en politique : créer une vraie coopération franco-algérienne ", a déclaré l’ambassadeur algérien aux derniers championnats du monde de Moscou.

Car Salim Iles a ouvert une porte en Algérie. Dans laquelle l’élite des nageurs algériens n’a pas tardé à s’engouffrer. Elle bénéficie aujourd’hui de bourses que Salim Iles a eu tant de peine à obtenir. Et à sa suite plusieurs jeunes nageurs promis à un brillant avenir arrivent en France. Mais il n’est pas ingrat, et compte bien faire profiter les Algériens de son expérience. Et construire un complexe sportif capable d’accueillir des grands championnats internationaux. Un peu plus tard. Pour l’heure, il a encore des titres à disputer. Une médaille aux prochains championnats du monde de Barcelone et une finale aux Jeux Olympiques 2004. " Des objectifs à sa portée ". Foi d’entraîneur.


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