Algérie

Salim Bachi, écrivain, à L'Expression «L'invention du désert est le meilleur roman de Tahar Djaout»



Publié le 08.06.2024 dans le Quotidien l’Expression
L'écrivain Salim Bachi, auteur du roman «Le chien d'Ulysse» (Gallimard), prix littéraire de la Vocation, prix Goncourt du premier roman, Bourse de la découverte Prince Pierre de Monaco et de l'essai «Dieu, Allah, moi et les autres», Prix Renaudot de l'essai, ainsi que de plus d'une dizaine de romans, nous parle du regretté Tahar Djaout et de son oeuvre, à l'occasion du 31ème anniversaire de son assassinat.
L'Expression: En tant qu'écrivain ayant réussi à vous imposer très tôt, peut-on savoir ce que vous pensez de l'oeuvre de Tahar Djaout?

Salim Bachi Une question difficile. D'abord une petite précision, je n'ai pas l'impression de m'être imposé très tôt ni même de m'être imposé du tout, mais je vous remercie de le croire. Ce que je pense de l'oeuvre de Tahar Djaout ne peut être, pour moi en tous cas séparé de la vie de Tahar Djaout et de sa fin tragique. Comme si son itinéraire de poète, de romancier et de journaliste avait conduit, par une sorte de fatalité, à sa mort. En ce sens, Tahar Djaout est emblématique et son destin se confond avec celui de l'Algérie. J'ai souvent pensé à Tahar Djaout en écrivant mes deux premiers romans.

Djaout est à la fois poète et romancier. Le fait d'être poète influe -t-il directement sur ses romans?

Je n'en suis pas certain pour ma part. J'ai l'impression, mais je me trompe peut-être, que la recherche poétique très exigeante de Tahar Djaout ne se retrouve pas forcément dans ses romans qui demeurent très accessibles même si tout le monde prétend le contraire. Je sais que «Solstice barbelé» et «Pérennes» sont des recueils poétiques majeurs qui n'ont malheureusement pas été repris par les éditions du Seuil ni par les éditeurs algériens.

Par quoi se distingue l'oeuvre poétique de Tahar Djaout par rapport aux autres écrivains algériens?

Par sa force poétique justement. Par sa recherche linguistique et formelle très exigeante qui ne contrarie en rien son lyrisme, ce qui est très rare dans la poésie contemporaine française où le lyrisme est souvent évacué par le travail sur la langue. Ce qui n'est jamais le cas chez Tahar Djaout.

Selon de nombreux avis, les textes de Tahar Djaout, à l'exception de son roman «Les vigiles», sont difficiles, ce qui ne les met pas à la portée des lecteurs de niveau moyen, pouvez-vous nous parler de cet aspect?

Il faut arrêter avec ce prétexte de la difficulté d'une oeuvre. D'abord je ne vois rien de difficile dans les romans de Tahar Djaout qui, je le dis encore, ne sont pas aussi exigeants ni complexes que sa poésie, poésie qui reste, elle aussi, accessible en raison de son lyrisme. Le lecteur moyen ne m'intéresse pas. Pas plus que l'écrivain moyen.

Selon vous quel est le meilleur roman de Djaout?

«L'Invention du désert» parce que l'écrivain «coincé» à Paris et tentant de répondre à une commande d'éditeur me touche beaucoup. J'aime beaucoup cette recherche historique sur les Almoravides et de son destructeur Ibn Toumert qui obsède le narrateur écrivain à la recherche d'un livre qui lui échappe.

Est- ce que vous pouvez nous dire quels ont été les romanciers qui ont beaucoup influencé Djaout, d'après vous?

Je ne sais pas. Je suppose qu'il fait partie de cette génération influencée par Jean Sénac pour la poésie. Pour les romans, il me semble que Tahar Djaout est assez singulier même s'il se range quelque part dans la lignée de Kateb, Mohammed Khaïr-Eddine et peut-être Driss Chraïbi.

Aomar MOHELLEBI



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