Publié le 12.09.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Cherif Ali
Pas de répit encore moins de congé pour Brahim Merad !
Après avoir contribué au succès électoral remporté de haute lutte par Abdelmadjid Tebboune, le revoilà parti au front pour y apporter soutien et réconfort aux populations de Béchar touchées par les inondations qui se sont produites céans !
Dès l'arrivée du ministre de l'Intérieur, une opération de recensement des familles dont les habitations ont été affectées par les inondations et des dégâts matériels provoqués par les pluies torrentielles qui se sont abattues, samedi et dimanche, sur la wilaya de Bechar a été lancée lundi dans la commune éponyme, a-t-on appris auprès des services de la wilaya.
L'opération a pour objectif d'identifier en urgence, les familles dont les habitations ont été inondées ou partiellement détruites pour qu'elles puissent bénéficier d'un soutien de l'Etat.
Le Président Tebboune a donné 48 heures aux responsables pour apporter confort et soutien aux familles sinistrées, encadrées pour la circonstance par des éléments de la Protection civile, du Croissant-Rouge et des détachements de l'ANP équipés de toute la logistique nécessaire.
Il faudrait dire que, depuis la nuit des temps que le phénomène se reproduit, an après an, à l'été finissant, et les augustes collectivités locales n'en semblent retenir aucune leçon, le rappelait un journaliste. Et c'est toujours, dans l'urgence des inondations -aux premières pluies- que la municipalité se met au curage des avaloirs caniveaux et autres ouvrages d'assainissement à la finition bâclée au départ. Pour cause de triche - tous azimuts- dans leur édification. Plus encore, dans la malversation - corruptive- dans les passations de marchés et autres consultations juteuses, loin de tous les standards !
Dans notre pays au climat semi-aride, voire aride dans la majeure partie, la survenance d'inondations ne peut-être qu'un paradoxe, mais quand cela se produit, l'impact est dramatique autant sur les personnes que sur les biens.
Si certaines régions, comme la capitale ou l'est du pays, sont concernés par ce risque, tout le territoire est, en définitive, sensible à ce genre de catastrophes naturelles. Il n'y a aucune wilaya prémunie contre ce risque!
Le nombre de communes (APC), confrontées à ce danger et présentant un risque élevé, dépasse 950 sur 1.541, c'est-à-dire plus de 60%. Ceci sans oublier de rappeler que tout le territoire : Est, Ouest, Nord, Sud et même le grand Sud, demeurent menacés par ces phénomènes spatio-temporels ! De fortes chutes de pluie ont affecté le sud du pays et d'importantes crues d'oueds ont été signalées, en plusieurs endroits. En quelques jours, il a plu l'équivalent de plusieurs années en temps normal. Serait-ce une réactivation d'un cycle humide au Sahara, semblable à celui qui s'est produit, il y a environ 1,4 million d'années ?
En tout cas, ce point soulève la curiosité des scientifiques et des médias. Cette hypothèse, qui a fait l'objet d'une discussion approfondie, dans un article du Washington Post', repose sur des observations et des modèles climatiques suggérant que les conditions actuelles pourraient être le prélude à une transformation climatique majeure dans la région saharienne. Ce phénomène est d'autant plus surprenant qu'il intervient après une longue sécheresse aggravée par le changement climatique. Face à ce bouleversement météorologique, les experts se posent une question cruciale : ces phénomènes sont-ils transitoires ou annoncent-ils un changement climatique plus profond et durable ?
Le Sahara, aujourd'hui synonyme d'aridité et de vastes étendues désertiques, n'a pas toujours été ainsi. Il y a plusieurs millions d'années, ce vaste désert était périodiquement traversé par des phases humides, également appelées «périodes humides africaines» ou «Sahara vert». Durant ces phases, la région abritait des lacs, des rivières, et une végétation luxuriante, attirant une grande diversité d'espèces animales et végétales ainsi que des populations humaines. Il y a environ 10.000 ans, pendant l'Holocène, le Sahara était un vaste territoire de savanes, où les hommes chassaient et vivaient en harmonie avec une nature verdoyante.
Ces thèses sont confortées par les scènes dessinées sur les parois des grottes, dans le Tassili, qui montrent des modes de vie et des activités de chasse propres aux savanes. Cette transformation climatique s'inscrivait dans un cycle naturel, régi par des phénomènes complexes comme les variations de l'orbite terrestre, les oscillations climatiques et les changements dans la circulation des courants océaniques.
L'article du Washington Post évoque la fréquence croissante des événements de pluie intense dans des régions du Sahara où les précipitations sont habituellement rares. En effet, ces dernières années, des tempêtes inhabituelles ont provoqué des inondations massives dans des zones telles qu'In Salah en Algérie ou l'Adrar des Ifoghas au Mali. Il y a une semaine, c'était Djanet ; hier, c'était Béchar! (1)
En conséquence, la problématique des inondations doit être, à l'orée de cette basse saison, une priorité pour le gouvernement et, par extension, une urgence pour les walis et les maires qui seront au premier plan, en termes de prévention, d'intervention et de secours aux populations menacées par ces catastrophes naturelles. Les communes sont-elles, pour autant, préparées à ces échéances ? La réponse nous a été donnée, en partie, par un responsable du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales qui avait fait la déclaration suivante : « quelque 600 communes sur les 1.541 que compte le pays, nécessitent des opérations de mise à niveau en matière de moyens d'intervention et de lutte contre les risques majeurs ».
Le même responsable, poursuivant son propos, a ajouté : « Les inondations survenues à Bechar, par exemple, auraient pu être évitées si l'on avait pris la précaution de curer et de nettoyer l'oued qui traverse la ville !» Citant des recommandations onusiennes, le même responsable à tenu aussi à rappeler que « l'investissement dans la prévention des risques représente 1/10 des pertes, selon des analyses chiffrées, et s'agissant des inondations survenues dans le pays depuis les années 2000, le coût des dégâts est estimé à 2.700 milliards, dont 200 milliards ont été consacrés, en 2012, à Ghardaïa, Bab El-Oued et Béchar ».
Autrement dit, les multiples plans d'action visant à protéger les villes algériennes contre, notamment, les inondations sont restés lettre morte ! Tout comme les BMS (bulletins météo spéciaux) émis en pure perte à voir la réaction de certains walis et autres maires qui ne prennent pas les dispositions préventives qui s'imposent en matière d'alerte ou de réquisition des moyens d'intervention et de secours !
Pourtant, nos maires avaient bénéficié d'une formation de 5 semaines à l'Ecole Nationale d'Administration, en matière de management opérationnel et de gestion des risques !
On leur avait demandé, alors, qu'elles « devraient fonctionner comme des entreprises ».
C'est dans cet objectif qu'on avait décidé de les doter de tous les équipements et autres engins à même de leur permettre tout d'abord de suivre et de réaliser leurs projets d'équipement et de développement local, mais aussi, en cas de besoin, pouvoir intervenir pour dégager les voies de circulation et réaliser les opérations de secours ! En plus de ces dotations importantes et combien utiles, les 1.541 communes du pays ont bénéficié du renforcement de leurs ressources humaines d'encadrement grâce à l'apport de cadres techniques de haut niveau : 5.000 architectes et ingénieurs ont été, ainsi, recrutés et déployés dans les collectivités locales : allez savoir dans quel placard, ils ont été enfermés par certains de nos édiles, connus pour être réfractaires à tout ce qui symbolise l'intelligence et l'innovation !
Aujourd'hui, force est de constater qu'en l'absence de toute stratégie d'intervention des communes à moyen et à long termes, les mêmes erreurs et les mêmes défaillances se reproduisent de manière cyclique, avec leur lot de drames humains et de dégâts matériels. Le laisser-aller, l'absence parfois de plans Orsec et les interventions conjoncturelles d'un personnel non formé pour la circonstance aggravent la situation, quand la catastrophe se produit. Les opérations d'entretien préventif, quand elles ont lieu, ne doivent pas, en principe, s'inscrire dans un calendrier saisonnier, dans la mesure où les calamités sont imprévisibles, n'ont cessé de répéter tous les spécialistes de la question qui, par ailleurs, font remarquer qu'en matière d'intervention, la coordination interministérielle doit revêtir, obligatoirement, un caractère intersectoriel, ce qui n'est pas souvent le cas et les résultats s'en ressentent.
Il y a aussi le manque d'informations concernant la consistance et l'état des moyens à mobiliser à l'échelon national et aussi des ressources humaines à réquisitionner quand la catastrophe touche une ou plusieurs wilayas, ce qui laisse perplexe les responsables en charge de coordonner les secours, en l'absence d'un fichier central informatisé et mis à jour par le ministère de l'Intérieur.
Dans ce registre, un responsable du ministère des Ressources en eau avait annoncé, il y a quelque temps, « qu'un Plan national de protection des villes contre les inondations avait été établi, dans le cadre d'une stratégie allant jusqu'à 2030 ». Pourquoi n'a-t-il pas été vulgarisé, rendu public ou diffusé dans les collectivités locales ? La question reste sans réponse. Plus encore, on a entendu parler « d'une étude sur le phénomène des inondations en Algérie et les moyens de réduire leur impact», financée par l'Union européenne pour un coût de 1,2 million d'euros, qui sera, a-t-on dit, bientôt lancée et ses conclusions devaient être rendues publiques. Simples effets d'annonces ou projets concrets, toujours est-il qu'au jour d'aujourd'hui, les inquiétudes demeurent et l'esprit des citoyens est encore hanté par :
1. Les inondations de Bab El-Oued (10 novembre 2001) et les torrents de boue qui se sont déversés dans l'oued principal du Frais-Vallon faisant 1.000 victimes et aucun responsable n'a été inquiété !
2. Celles de Ghardaïa, en 2008, quand des pluies diluviennes se sont abattues sur la région pendant 48 heures. En amont, elles ont trouvé comme réceptacle des oueds et de là, les eaux ont déferlé, débordé et emporté tout sur leur passage, à travers huit communes, dont celle située dans la vallée du M'zab, Ghardaïa. Le bilan s'est soldé par 49 morts, des dizaines de blessés et autant de personnes traumatisées. Aucun responsable n'a eu à rendre compte !
Les autorités locales ont été très vite débordées par la catastrophe. Même si, par la suite, l'Etat, faut-il le dire, a mobilisé tous les moyens ainsi que ceux des autres wilayas solidaires dont les premiers convois de médicaments, couvertures et autres produits de consommation ont été acheminés, en urgence, à destination du M'zab et des communes sinistrées.
Tout était à reconstruire à Ghardaïa où 3.000 maisons ont été endommagées tout comme les vestiges historiques qui, semble-t-il, ont été définitivement perdus; les inondations ont détruit les cultures, mais également les commerces dont seulement 5 propriétaires sur les 500 recensés étaient assurés, pour dire que les citoyens se passent, non seulement, d'assurance pourtant obligatoire comme la CATNAT, mais n'hésitent pas aussi à se débarrasser de leurs gravats, au nez et à la barbe des autorités communales, n'importe où, ce qui a pour effet de boucher toutes les conduites d'évacuation, d'aggraver la situation et partant, alourdir le bilan de la catastrophe !
Certains, élus de leur état, ont déclaré« qu'il y a eu une responsabilité humaine dans les inondations qui ont touché Ghardaïa ! » ; selon eux, « l'effondrement d'une retenue collinaire construite en 2005 à l'oued Laadhira, dans la région de Djaref, à 20 km du chef-lieu de wilaya, serait à l'origine de cette catastrophe, les normes requises n'auraient pas été respectées dans la construction de ladite retenue, faite en gabionnage ». Cette accusation, faut-il le rappeler, n'a pas été prise en compte par les pouvoirs publics d'alors !
Faut-il alors ne retenir que le « déchaînement des éléments » comme responsable de ce qui s'est passé à Ghardaïa, mais aussi à Bab El-Oued, à Chlef ou encore à Boumerdès où des cités « flambant neuves » se sont affaissées suite aux séismes, telles des châteaux de cartes, sans que la responsabilité des promoteurs, du CTC ou encore d'autres décideurs locaux ne soit engagée ?
En Algérie, pas de procès, encore moins de jugement car, en définitive, tout le monde est responsable mais personne n'est coupable dans ce type d'affaires !
Mais si, à Dieu ne plaise, il venait à se produire une quelconque catastrophe dans une région où on aurait fermé les yeux sur des habitations édifiées sur des conduites de gaz, ou des bâtisses construites dans des lits d'oueds, ou plus encore des travaux de réalisation ou de réfection bâclés par des entreprises non compétentes et qui auraient impacté, gravement, sur des citoyens ou leurs biens, les walis et les maires ainsi que chaque responsable, direct ou indirect, de cette situation auront à répondre de leur gestion, pour ne pas dire négligence.
Les walis et les maires doivent veiller à la protection des personnes et des biens à l'entame de cette saison automnale qui a annoncé la couleur en matière d'intempéries et de crues !
Deux dispositions du code communal leurs sont directement opposables :
1. La première est contenue dans l'article 145 qui stipule : « Toute décision prise par le président de l'Assemblée populaire communale, ne tenant pas compte des avis, dûment exprimés par les services techniques habilités, entraînant des préjudices au citoyen, à la commune et/ou à l'Etat, font encourir à son auteur les sanctions prévues par la législation en vigueur ».
2. La seconde est libellée dans l'article 147 qui précise : « qu'en cas de catastrophe naturelle, la responsabilité de la commune n'est pas engagée à l'égard de l'Etat et des citoyens s'il s'avère que la commune a pris les précautions prévues à sa charge par la législation et la réglementation en vigueur ». La leçon à apprendre par cœur est que les catastrophes imposées par cette dernière ère aux immenses apparats géologiques enseignent par leurs larges corrosions que les hommes se sont trop attardés à se convaincre de leurs différences. La conviction alimentée, sans cesse, depuis des siècles s'avoue finalement fausse. Et on n'est pas loin de penser, loin de toutes les philosophies et aléatoires dogmes arrêtés, que la nature s'est érigée en tribunal pour rendre justice (2). Des soucis en perspective, pour les maires et les walis dont la carrière ne tient, peut être, qu'à un simple «BMS» non pris en compte !
1- « Pluies au Sahara : est-ce le retour du cycle de 1,4 million d'années ? » Maâmar Farah (le Soir d'Algérie)
2- « Croyances et discordances » Abdou Benabbou (Le Quotidien d'Oran)
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Posté Le : 15/09/2024
Posté par : rachids