Les salaires ont
augmenté et à des niveaux appréciables dans le secteur public. Et avec des
rappels de deux à trois ans.
Le secteur privé
qui semblait, à qualification égale, mieux rémunérateur pour les classes
moyennes est dépassé par les dernières évolutions.
Les récentes et
importantes augmentations de salaires dans le secteur public qui ont concerné
successivement les enseignants du secondaire et du supérieur, différentes
catégories de fonctionnaires, les policiers et plus récemment les douaniers, ainsi
que les employés de Sonatrach
- la liste n'est ni close ni exhaustive – soulèvent différentes interrogations.
Les premières sont liées à l'importance des augmentations accordées. Le niveau
des hausses, cela a été souvent relevé par les commentateurs, a surpris, surtout
à l'extérieur des secteurs concernés. Cette observation est renforcée par le
fait que ces augmentations de salaires ont été le plus souvent accompagnées
d'un effet rétroactif sur deux voire trois années. Le principal « risque »
associé à ce processus d'augmentation des revenus des salariés du secteur
public est d'abord celui d'une contagion. Pourquoi ces catégories de
fonctionnaires là et pas les autres ? Pourquoi les policiers et pas les
douaniers ? Pourquoi Sonatrach et pas Sonelgaz ? Les augmentations ciblées et octroyées jusqu'ici
au coup par coup vont-elles céder la place à des augmentations généralisées
sous les pressions multiples qui semblent se manifester au cours des derniers
mois. Le gouvernement ne devrait –il pas et ne sera-t-il pas amené, à la fois
par souci de justice sociale et pour éviter la multiplication des conflits
sociaux, à envisager une nouvelle augmentation du salaire minimum ainsi que de
l'ensemble des salaires de la fonction publique ?
Risque
inflationniste
De nombreux
commentateurs ont déjà soulevé par ailleurs le problème du risque
inflationniste que représentent de telles injections de revenus dans le circuit
économique. Risque renforcé par le fait que ces augmentations de salaires et
ces «rappels» importants ont bénéficié la plupart du temps à des fonctionnaires
qui par définition ne produisent pas en contrepartie de biens et de services
marchands, mais plutôt des services publics dispensés de façon gratuite à la
population. Le risque était envisagé à la mi-avril par le ministre des Finances
lui-même. M. Karim Djoudi notait que «c'est grâce à
un effet de stérilisation d'une partie des revenus distribués par l'Etat que
nous pouvons escompter en 2011 un taux d'inflation contenu aux environs de 4%».
Selon le ministre, l'augmentation de la demande interne de consommation
résultant du versement des salaires au titre des régimes indemnitaires et
statuts particuliers avec rappel sur 2008, 2009 et 2010, «suppose un risque
inflationniste». Cependant, «les risques d'inflation associés seront fortement
atténués par les opportunités d'épargne pour l'accès au logement et à
l'investissement productif». L'augmentation spectaculaire des importations de
véhicules depuis le début de l'année en cours ne semble pas pour l'instant
donner raison à M. Djoudi…
Le nouvel eldorado
Les évolutions
récentes en matière de distribution de revenus n'ont bien sûr pas que des
aspects négatifs ou inquiétants. Elles peuvent également être porteuses de
quelques espoirs. Il y a quelques mois, le premier responsable d'une banque
privée nous confiait : «Chez nous la rémunération moyenne d'un cadre se situe
aux alentours de 100 000 dinars.
Ce sont des entreprises comme les nôtres, grâce
au niveau des salaires que nous distribuons, qui contribuent au développement
des classes moyennes». Depuis de nombreuses années, il semblait en effet
généralement admis que la reconstitution des classes moyennes algériennes, laminées
depuis le début des années 90 par l'effondrement du secteur public productif et
la stagnation des rémunérations dans la fonction publique, ne pouvait venir que
du secteur privé national. Dans son compartiment national aussi bien que dans
son segment étranger, ce dernier semblait seul capable de rompre avec
l'égalitarisme traditionnel du secteur public algérien et de rémunérer la
qualification professionnelle de ses cadres suivant des standards comparables
aux pays voisins, souvent cités en exemple dans ce domaine. Ce pronostic semble
en partie déjoué par les évolutions des toutes dernières années voire des
derniers mois. Maître de conférences dans une grande école publique de création
récente, Malek B, la cinquantaine, ne nous cache pas que ses revenus «
dépassent largement 150 000 dinars mensuels, compte tenu de quelques extras
dans le secteur privé qui représentent environ un quart de ce montant ». La
revalorisation substantielle des salaires dans l'enseignement supérieur , pour
ne prendre que cet exemple,permet à près de 40 000 enseignants d'accéder à un
niveau de revenu qui est désormais égal ou supérieur dans beaucoup de cas aux
salaires versés, à qualification égale, dans le secteur privé. Le mouvement
amorcé au début de la décennie écoulée en faveur des cadres supérieurs des
administrations centrales semble dans la période récente s'élargir aux
effectifs beaucoup plus nombreux des cadres des secteurs publics de
l'enseignement, de la santé, de la justice voire à certaines catégories de
fonctionnaires. Les classes moyennes algériennes devront-elles finalement leur
salut au secteur public ?
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Posté Le : 03/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Taleb
Source : www.lequotidien-oran.com