Salaires et revenus

«Le salaire de l'ouvrier entre par la porte et sort par la cheminée.» Proverbe espagnolCes dernières années on avait l'habitude de se réveiller le 02 Mai et dire: «Le 1er Mai est vite passé.» Les gens ne s'étaient presque pas aperçus de son passage à cause de l'absence de festivités auxquelles s'étaient attachées les masses laborieuses enclines au culte du socialisme spécifique. Cette année, la tension sur le lait en sachet avait monopolisé l'attention des petits revenus sur ce produit devenu indispensable depuis que le petit-déjeuner du matin l'a imposé au menu. Heureusement, des annonces ont quelque peu redonné espoir comme une ondée rafraichissante après une canicule asséchante: ainsi, les retraités ont pu momentanément mettre un léger baume sur leurs blessures d'amour-propre en apprenant le taux d'augmentation de leur maigre pitance qui prend effet, comme par le plus pur des hasards, à partir de cette mémorable fête qui a perdu son lustre d'antan. Bien sûr, il y aura toujours quelques fonctionnaires bien payés qui nous rappeleront que le 1er Mai est une date qu'il ne faut pas oublier. Après avoir été la «fête des travailleurs» et une occasion pour les syndicats de mobiliser leurs troupes et de renforcer leurs rangs, le 1er Mai, après la chute du mur de Berlin, est devenu la «fête du travail» que le patronat mondial fête, avec dans la tête, le sentiment d'une victoire remportée. Mais il n'y a pas que le patronat pour s'empresser de marquer cette date d'une pierre blanche: tous ceux qui vivent du travail des autres lui emboîtent le pas. Alors, le 1er Mai devient le moment idéal pour opérer des inaugurations de quelques ouvrages qui n'attendaient que cette date fatidique.C'est aussi l'occasion pour d'autres personnages oubliés de rappeler qu'ils existent et de brandir d'une façon théâtrale des avantages arrachés par d'autres. L'avalanche des augmentations de salaires, du Snmg, et de pensions annoncées depuis le début de l'année, ne sauraient faire oublier la triste condition du salarié dont le revenu mensuel, s'il est unique dans un foyer de cinq personnes, ne peut leur ouvrir des horizons flamboyants ou les préparer à des lendemains qui chantent.Jusqu'ici, ces opérations de replâtrage faites ici et là pour calmer la grogne de fonctionnaires menés par des syndicats autonomes et combatifs ne sauraient faire oublier la réalité amère que vivent les chefs de famille confrontés aux nécessités du marché. Heureusement qu'une décision salutaire attendue et réclamée depuis plus de deux décennies vient de tomber pour réparer une terrible injustice: l'article 87 bis, qui avait bloqué toute évolution des salaires, vient de rendre l'âme! Tout vient à point à qui sait attendre! On peut s'attendre à un changement radical des opinions sur le «système», d'emplois de termes peu valorisants comme «glaciation» ou «blocages»... D'autres, par contre, expliqueront ce début de «printemps» des salaires comme le résultat bénéfique de l'élection présidentielle qui avait révélé les incohérences de la politique des salaires et les déséquilibres existants entre différents secteurs.Un seul point noir reste encore au tableau: la prime pour la femme au foyer sera-t-elle la même pour tous les ménages qui en bénéficient' Car il apparaît comme un scandale, une terrible ségrégation qu'une catégorie d'épouses soient «plus femmes au foyer» que d'autres!