Entre l'impératif
du sursaut national, l'aspiration profonde et sincère au changement, les
velléités de maintien du statu quo, les bouleversements du contexte régional et
les louvoiements de l'ingérence étrangère, notre marge de manÅ“uvre n'est pas si étroite qu'on pourrait le croire.
Elle le serait
peut-être d'autant moins que nous ferions l'effort d'écouter les pulsions
profondes de notre passé. Et le défi pourra être relevé mais il faut désormais,
au peuple, faire confiance. Le passé nous rappelle que la nuit fut longue et
froide. Nous venions tout juste de retrouver la lumière que nous eûmes mal aux
yeux. Mais la liberté reconquise, les poètes pouvaient déjà croquer la lune. Et
nous étions, semble-t-il, déjà mal partis. Nous nous entredéchirions quand nous
voulions juste étancher notre soif. Nous enterrions nos morts et comptions nos
orphelins. Certains pansaient leurs blessures, d'autres faisaient déjà
ripaille. Nos souffrances et nos douleurs ne purent empêcher ni les
convoitises, ni les divisions. La nature humaine reprit ses droits et nous
étions déjà devenus vulnérables. Nous fûmes soudain aveugles et la machine à
remonter le temps sembla déjà enclenchée. Et nous oubliâmes trop tôt nos luttes,
nos combats, le destin commun, la faim, le froid, le pain partagé, le sel,
notre sang mêlé et les larmes de nos veuves. Tout vola subitement en éclats. Et
le peuple comprit la manÅ“uvre. Allions-nous, peut-être, reproduire nous-mêmes
ce dont nous avions tant souffert et que nous avions tellement combattu ? Il
décréta que nous devions continuer à être frères mais son cri ne fut pas
entendu. Et vinrent le feu, la peur et le sang et quelques années plus tard,
l'espoir s'essouffla et les sourires carnassiers d'une longue nuit d'été
enveloppèrent d'un linceul nos rêves d'une blanche patrie. Certains nous
quittèrent, d'autres désespérèrent ou connurent l'exil. Puis nous fûmes enchainés par nos propres certitudes. Bien avant tout le
monde, la peur avait déjà son camp. Ce fut celui des pauvres gens, des plus
faibles et des plus démunis. Mais nos sublimes contrées refusèrent de mourir.
La parole du juste fut vite oubliée. La vérité martyrisée et nous ne nous
rappelions même plus comment cueillir les fruits que nos arbres ne portaient
déjà plus. Et le corps refusa d'abdiquer. Ses convulsions sonnèrent le glas des
marchands du désespoir. Nos montagnes et nos plaines gémirent et réveillèrent
nos consciences endormies. Ainsi, aussi loin que remonte notre mémoire, l'appel
de nos ancêtres fut pressant. Ils nous prédirent la joie, le feu, le sang puis
enfin la lumière. La lumière qui vient.
Et de dénis en
mépris, de mécontentements en douleurs, d'injustices en abus, de crimes
d'honneur en martyrs, de lieux sombres en sévices, de révoltes en
désobéissances, de luttes fratricides en bain de sang, la dignité se fit colère
et la parole devint muette. Et nous vîmes naître les rancunes, les rancÅ“urs,
les sombres desseins, les coups tordus, les sales besognes, les choix naïfs, le
lien ombilical à la terre dénoué, les idées qui n'étaient pas toujours les
nôtres, les vérités occultées, l'histoire travestie et parfois le mensonge.
Mais aussi la joie d'être ensemble, l'espoir tenace qui fuse, le bonheur, les
justes, le respect de la parole donnée, l'enthousiasme, la marche vers des
jours meilleurs, ce qui fut construit et ce qui ne pu l'être. Puis vinrent les
courtes éclaircies, l'espoir d'un nouveau départ ou le moment d'une joie
partagée, la parole enfin retrouvée, l'apprentissage de l'autre et du respect.
Mais la folie récurrente, héritée de nos lointains traumatismes, souilla le
soleil et s'emballa de nouveau. Et ce fut encore, une fois de plus, la nuit. Le
désenchantement et l'embrasement dévastateur séchèrent nos cÅ“urs et nos larmes.
La malédiction nous poursuivit et il n'y a hélas aucun effet, ni fait qui
n'aient déjà eu une cause.
Et ce pays, béni
du ciel et drapé de son histoire millénaire, ne plia pas. Il rit aux éclats de
ceux qui le trahirent, le pillèrent, le malmenèrent ou le blessèrent. Et il rit
aussi de ceux qui n'ont jamais su qu'il portera toujours en lui la part et
l'honneur des humbles et de ceux qui devront naître.
Et maintenant Il
faut vite renaître. Le temps passe et vite. Le désespoir est visible et nous
guette. Il est l'ennemi. Il est au plus profond de nous-mêmes. Il faut vite lui
substituer l'espoir et l'envie de vivre avant que nous soyons tous engloutis.
Et il faut renaitre car d'autres sont déjà là et nos
rêves deviendront leurs certitudes. Ils porteront notre espérance car ils ont
déjà vingt ans. Par eux, nous vivrons libres. Ils auront une gouvernance juste
et équitable. Ni l'invective et ni la haine. Plus personne ne volera leurs
richesses. Notre pays sera défendu et ils refuseront l'abandon, la désespérance,
la désinvolture, la corruption, l'incurie, l'injustice, les sévices, la peur et
la tentation totalitaire. Et il y aura toujours, dans ces belles contrées qui
depuis toujours nous servent de refuge, du pain et de l'eau pour tous. Et la
foi pour apaiser les cÅ“urs. Et profusion d'idées et de richesses et des femmes
et des hommes qui se lèveront toujours tôt pour continuer de vivre à la sueur
de leurs fronts. Nous étions les meilleurs et bien avant les autres, nous
rêvions déjà. De nos malheurs, nous avons appris et nos forces nous reviennent.
Nous étions si souvent seuls. Nous porterons ce pays avec notre souffle et nous
puiserons dans nos entrailles l'énergie du retour. Il n'y aura point de
renoncement. Certains déjà nous attendent. Et d'autres sans doute ne nous
oublieront pas. Ils veulent déjà nous porter aide mais nous ne les invoquerons
pas. Nous les entendons déjà nous dire les vertus de ce que nous aurions du
faire, eux qui nous coupèrent les ailes et semèrent l'amertume. Il y a aussi
ceux qui par dépit, colère ou désillusion, voudront quitter la route mais nous
savons qu'ils seront là car ils savent eux aussi que même les combats les plus
nobles ont parfois besoin de répit pour mieux cueillir l'espérance. Il nous
faut maintenant écrire une nouvelle page comme nous avons toujours su si bien
le faire. Des pages lues et apprises par ceux qui maintenant prétendent vouloir
nous dire des choses, après avoir tant appris de nous et a
qui nous avons tant donné. Et ils ont bien ri de nos mésaventures.
Et si nos
douleurs sont réelles, les convulsions de notre patrie, elles, le sont encore
plus. Elles nous sollicitent et interpellent nos consciences. Et le temps
inéluctablement fera son Å“uvre. Et il faudra nous retrouver au confluent du
souvenir, de l'espoir et de l'avenir. Nous ne sommes plus égarés et ces chemins
qui montent, il nous faut les finir. Et au-delà des cimes, il y aura les
youyous des femmes et ce printemps qui vient... Alors, courage !
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Posté Le : 01/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim METREF
Source : www.lequotidien-oran.com