Algérie

Saïd Haddouche «Trois grands axes pour redresser notre football»


Au lendemain de la prestation de l'EN face à l'Argentine au Nou Camp, Saïd Haddouche, l'expert algérien qui exerce au sein de la fédération belge de football, était au consulat d'Algérie à Bruxelles et on l'a questionné sur ce match. Ses réponses ont étonné plus d'un. «Oui, je les ai surpris en affirmant que la suite allait être pénible et que la catastrophe allait survenir au stade du 5 Juillet en leur confirmant, sans gaieté de coeur, que nous n'aurions aucune chance de nous qualifier». Tel est Saïd Haddouche qui a eu l'amabilité de répondre aux questions que nous lui avons posées. Ses avis sont pertinents et sans aucune complaisance. Le Quotidien d'Oran: Quel commentaire faites-vous à propos de l'élimination de l'EN de la CAN 2008 ? Saïd Haddouche: Notre élimination est la conséquence de notre optimisme qui fait que nous croyons que les compétences caduques d'un sélectionneur et le talent individuel de nos joueurs sont suffisants pour pouvoir atteindre l'objectif tracé. Au lieu de répondre par un jeu collectif, l'équipe nationale a toujours fait appel à la technique, au physique et au mental de nos pros dont le niveau certes est au-dessus de la moyenne, mais insuffisant et peu efficace face à la rigueur collective adverse. Elle fait essentiellement appel à l'instinct et à l'improvisation de nos joueurs et non aux solutions collectives travaillées à l'entraînement. Cela a causé un préjudice énorme à notre équipe qui, au cours de chaque match, a montré d'énormes lacunes. Q.O.: Sommes-nous les seuls à connaître des difficultés ? S.H.: Non, la France éprouve des difficultés face aux Iles Féroé ou la Suisse, pourquoi l'Algérie n'en éprouverait-elle pas face à la Gambie ? Mais la différence, c'est que dans ces pays, on se remet en question et on utilise le vrai parler. On ne peut pas changer l'état d'une situation sans faire une évaluation et une recherche d'éléments capables de changer les choses. Gérard Houllier, le nouveau DTN de la FFF, déclare que l'axe principal de son travail sera la formation des entraîneurs. Il a bien précisé que l'entraîneur français est apte à encadrer une équipe sur le terrain, mais pour ce qui est de l'animation offensive, il y a des lacunes à combler dans le futur. Voilà un langage franc et la sincérité d'un cadre technique qui cherche à assumer sa responsabilité et à développer le football de son pays. Q.O.: Quelles sont, d'après vous, les faiblesses du football algérien ? S.H: Notre problème est d'ordre culturel. Notre football possède en 2007 les critères, les comportements et les attitudes du football des années 80. On forme dans les clubs des joueurs de demain sans tenir compte des critères de haut niveau. On choisit des cadres techniques sans connaître les profils que le jeu exige. On veut développer un jeu moderne sans avoir déterminé les exigences et les nécessités. On pratique un football sans tenir compte des principes de jeu, comme si on jouait aux cartes sans respecter les règles. Je m'exprime avec l'humilité, la passion et la sincérité qui m'ont toujours caractérisé, ma seule ambition est la réussite du football de mon pays. Mes propos à la TV ou dans la presse peuvent choquer certaines personnes, mais désolé, j'ai toujours dit ce que je sais. Q.O.: Vous parlez d'intelligence collective. Précisez votre pensée. S.H: La philosophie du jeu pratiqué aujourd'hui est basée essentiellement sur le collectif et les principes de jeu. Le football est un jeu d'équipe. Il est défini aujourd'hui comme un jeu cérébral (basé sur la réflexion dans le jeu), comme un jeu dynamique (basé essentiellement sur des mouvements imprévisibles pour surprendre l'adversaire) et comme un jeu collectif nécessitant une interaction et collaboration entre les joueurs et non basé sur les actions individuelles. Q.O.: Nombreux sont ceux qui sont contre l'apport massif des pros... S.H: C'est une réaction émotionnelle et non une analyse rationnelle servant les intérêts du pays. Dans une démarche de constitution d'un collectif, on ne fait pas appel à un joueur, à sa notoriété, mais à ses qualités que l'on va intégrer dans le dispositif afin d'atteindre un objectif. Les seuls critères du choix sont la cohérence du dispositif, l'efficacité du collectif, la complémentarité entre les joueurs et non l'origine du joueur. Q.O.: Préférez-vous un entraîneur local ou un étranger ? S.H.: En ce qui concerne l'entraîneur, qu'il soit «local» ou étranger, cela n'a pas d'importance, car le plus important est qu'il doit posséder les compétences d'un «constructeur de jeu». Un entraîneur-formateur est évalué aujourd'hui sur ses connaissances qui doivent être actualisées, sa didactique (manière d'enseigner), ses méthodologies (constructions et progressions dans ses entraînements), son coaching d'entraînement et de match, mais pas sur son CV comme c'est devenu une coutume. L'Algérie possède de bons entraîneurs locaux capables de prendre en charge le football national, le seul problème, c'est qu'ils oublient que les savoirs et les compétences du football sont temporels, vite périmés et responsables de la faiblesse et de la pauvreté du jeu lorsqu'ils ne sont pas actualisés. Donnez des médicaments périmés et vous constaterez les dégâts ! Q.O.: Quelles sont les clés pour sauver notre football ? S.H.: Pour le développement et le redressement de notre football, il faut s'appuyer sur trois grands axes de travail: a) La création d'une direction technique nationale qui aura comme tâches la recherche, l'analyse, la formation et le développement du football. b) La formation du joueur et de l'entraîneur-formateur doit être adaptée au football de haut niveau c) Création de deux équipes nationales. Une première équipe composée essentiellement de «pros» pour les échéances à court terme (mieux préparés pour une compétition de plus haut niveau que les locaux). La deuxième équipe sera formée de locaux qui recevront une préparation exceptionnelle d'une durée d'un an dans un but de création d'un collectif. Elle sera complétée plus tard par des pros qui auront le désir de s'investir dans l'équipe nationale de demain. Voilà une démarche qui pourrait faire passer notre football de son statut d'émergent à celui d'évolué.
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