Algérie

Safaris pacifiques



Les lecteurs algériens connaissent bien Alberto Moravia. Ce grand écrivain italien, né à Rome en 1907 et décédé en 1990, a laissé une œuvre considérable et remarquable. On lui doit près de quarante ouvrages, entre romans, essais et récits, et ce, sans compter ses pièces de théâtre. Le cinéma a rendu hommage à ses œuvres en adaptant plusieurs d’entre elles. On citera notamment La Ciociara (1960) de Vittorio de Sica, ou encore Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard.
Il a été également journaliste, et, à la faveur de ses reportages, il a porté un regard attentionné sur le monde et ses bouleversements, en tirant des essais ou en utilisant cette «matière» pour ses œuvres littéraires. L’Union soviétique et la Chine l’ont particulièrement intéressé du fait de ses sympathies politiques, ainsi que l’Inde qui l’avait fasciné, comme tant d’autres écrivains. Mais on ignore souvent la passion et la curiosité qui l’ont animé envers le continent africain et on avait oublié ses livres sur le sujet et le fait, qu’à près de 80 ans, il continuait à voyager, allant souvent en Afrique. C’est d’ailleurs sur ce continent qu’il a trouvé le décor et la trame de son dernier roman La Femme-léopard. Les éditions Arléa viennent de publier un livre de voyage d’Alberto Moravia consacré à l’Afrique et jusque-là inédit en français. Il s’agit de Promenades africaines (1993). Une belle initiative éditoriale qui rend justice à l’amour de l’écrivain pour l’Afrique. Ces carnets de voyages relatent ses séjours et pérégrinations, mais nous invitent aussi à un safari pacifique dans l’esprit de l’écrivain italien.
Il décrit, bien sûr, les paysages, les villes et villages ainsi que les personnages, rapporte des anecdotes, relate des faits, etc. Mais son regard ne se limite pas à la surface des choses et des êtres. Il embrasse dans son écriture la littérature sur l’Afrique, notamment dans Lettres du Sahara, où Moravia va révisiter l’œuvre de Joseph Conrad en empruntant le même itinéraire des années après, ce qui lui permet de décortiquer et l’homme et l’œuvre. Mais Conrad n’est pas le seul écrivain à «partager» les voyages d’Alberto Moravia. Il «emmène» avec lui de nombreux autres collègues comme Baudelaire, Karen Blixen, Defoe, Dante, Hemingway ou encore en compagnie du peintre Gauguin. Mais il rend réellement visite aux créateurs africains avec lesquels il découvre des visions intérieures du continent. On le retrouve ainsi avec le cinéaste ivoirien Désiré Ecaré ou l’écrivain kenyan Ngugi Wa Thiongo, au moment où celui-ci vient d’abandonner l’écriture en anglais pour sa langue natale (voir Arts & Lettres du 2/7/11).
Moravia s’en prend au tourisme qu’il oppose au voyage. L’univers de Moravia est un beau mélange de réalités visitées et de valeurs intérieures. 
 


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