Algérie

Sadek Tiouane, l'homme qui a surmonté son handicap pour devenir créateur



Surmonter le traumatisme d'une grave blessure, refuser la fatalité du handicap, se réapproprier son corps pour exceller dans un domaine où la dextérité reste le maître-mot, est le parcours inspirant de Sadek Tiouane, de la commune de Rouached (nord de Mila) qui, à force de persévérance, s'est imposé dans le milieu restreint de l'artisanat en créant des objets d'art à partir de vieux matériaux récupérés.Sadek, ancien membre des forces spéciales de l'ANP, âgé aujourd'hui de 48 ans, a vu sa vie basculer au cours de l'année 2000, après que lui et ses compagnons d'armes aient subi une attaque terroriste dans les montagnes de la wilaya de Tizi-Ouzou durant laquelle il se fera amputer d'une bonne partie de son bras droit.
Rencontré par l'APS à la veille de la célébration de la journée nationale des personnes aux besoins spécifiques, qui coïncide avec le 14 mars de chaque année, Sadek a bien voulu se confier sur «sa deuxième vie» et sur cette blessure qui l'a forcé à revoir son plan de carrière.
«Ce fut très difficile d'accepter mon sort ; du jour au lendemain, je suis passé d'homme valide à une personne infirme, j'ai broyé du noir pendant de nombreuses années, mais, grâce à Dieu et au soutien de mon entourage, j'ai repris confiance en moi, notamment en intégrant le monde de l'art et de l'artisanat qui m'a servi d'exutoire.» Et d'ajouter : «J'ai vu que mon environnement pullule de matériaux recyclables ne demandant qu'à être revalorisés. Verre, plastique ou bois, ce qui semble pour les autres insignifiant est, pour moi, une matière à part entière susceptible de se transformer en une pièce d'art unique.»
Doté d'une vaste culture générale, cet artisan autodidacte est revenu sur son choix professionnel et avoue avoir toujours eu un penchant pour l'art. «Depuis ma tendre enfance, j'ai toujours adoré l'art graphique et la calligraphie arabe, en particulier après ce que j'ai vécu. J'ai pris la décision de faire de ma passion mon métier», a-t-il confié. Bien qu'il semble assez gêné d'évoquer sa blessure au bras droit, Sadek affirme vivre son handicap comme un défi à relever chaque jour. «Mon handicap m'a forcé à relever un défi interne depuis que j'ai intégré le monde de l'art en 2015 et je veux absolument laisser mon empreinte en créant des objets qui reflètent ma vision de la créativité qui est celle de redonner une nouvelle vie à de vieux produits dont on ne se sert plus et de les transformer en des objets qui ont de la valeur.»
Les objets réalisés par Sadek expriment généralement la beauté des paysages de la région de Mila tels que les chutes de Tamda de la commune d'Ahmed-Rachedi ou le barrage de Beni Haroun, et ce, malgré la simplicité des matériaux utilisés dans leur fabrication, affirme-t-il. «Mes ?uvres, reprenant la beauté de la région, sont particulièrement appréciées par le public des expositions auxquelles je participe.» Et d'ajouter : «A chaque fois que j'expose mes ?uvres ailleurs que dans la wilaya de Mila, je veille à ce que mes ?uvres d'art reflètent l'identité de ma région et représentent des sites culturels, historiques et naturels. Je suis animé par la conviction que l'artisan se doit d'être le premier ambassadeur de sa culture et de son environnement.»
Sadek qui, à chacune de ses ?uvres, vient confirmer que le handicap physique n'a jamais été un frein à la créativité, se dit prêt à transmettre son savoir-faire aux autres et crie, haut et fort à qui veut bien l'entendre, que «l'art ne peut s'épanouir que dans le partage». Ce qui distingue et différencie Sadek des autres artisans, ce n'est pas tant le fait qu'il a une seule main, mais plutôt cette capacité hors du commun à transformer des choses simples en chefs-d'?uvre, comme créer un bouquet de fleurs ou encore un troupeau de moutons à partir de petits objets récupérés et où précision, créativité et talent subjuguent.
«Ce qui est important pour moi, en tant qu'artisan aux besoins spécifiques, c'est de pouvoir trouver de l'inspiration, de la persévérer toujours et de rester créatif», car, comme le veut le célèbre aphorisme de Lavoisier : «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.»


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