Algérie

Sadedine Merzoug, le juge banni



Au terme de plusieurs heures d'audition et d'interminables questions des juges du Conseil supérieur de la magistrature, la sanction est tombée dimanche, en fin de journée : le juge Sadedine Merzoug radié du corps de la magistrature."C'était attendu, de toute façon", aurait-il confié à son entourage, peu après le "verdict". Comme devant un jury d'une chambre criminelle, Sadedine Merzoug a fait face, dimanche, à une vingtaine de magistrats, dont certains désignés par le pouvoir politique. Ses avocats évoquent un homme déterminé et surtout droit dans ses bottes. Sans se déjuger, le porte-parole du Club des magistrats, un syndicat qui regroupe des centaines de fonctionnaires mais jamais agréé "par une administration qui n'était pas prête à cela", selon les termes de l'avocat Abdelhak Mellah, a démonté toutes les accusations portées contre lui.
Ces accusations vont de la critique du pouvoir politique que les autorités ont considérée comme une "violation de l'obligation de réserve" jusqu'à la dénonciation des conditions entourant l'élection avortée du 4 juillet 2019, en passant par la publication de faux communiqués attribués au syndicat des juges. Sur toutes ces questions, Merzoug s'est montré constant. Il est allé jusqu'à confondre les juges par un communiqué du Conseil constitutionnel qui estimait que les élections prévues en juillet 2019 ne remplissaient pas "les critères de régularité".
Mais les membres du CNM n'ont visiblement pas tenu compte de ces faits. Même lorsque le jeune juge a défié ses contradicteurs de lui fournir une signification à "l'obligation de réserve" en dehors des informations pouvant être liées à un dossier en instruction, les membres du jury ont préféré, semble-t-il, regarder ailleurs.
Pour Abdelhak Mellah, un des membres du collectif d'avocats et ancien magistrat qui a lui-même connu des déboires avec le CSM avant de se reconvertir en avocat, le procès "n'était pas régulier". Cela a commencé par la composante du CSM dont une bonne partie des membres n'ont pas été renouvelés depuis au moins une année.
"Sur la vingtaine de membres, au moins 8 n'ont pas été renouvelés", s'insurge un des avocats présents devant un jury impassible, peu soucieux du respect des formes. "C'est une situation anormale. Il s'agit quand même d'une institution constitutionnelle qui n'est pas conforme à la Constitution", relève Abdelhak Mellah.
Mais eu égard au parcours de Sadedine Merzoug, ces faits s'apparentent à des détails. "Cela fait 5 fois qu'il est auditionné. Ce n'est pas normal parce qu'on a l'impression qu'on s'acharne sur lui", conclut Mellah. L'avocat fait référence à deux autres auditions dans lesquelles Merzoug a été entendu. Relaxé dans un des dossiers, il a écopé de 6 mois de suspension dans un autre. Une preuve supplémentaire que ce juge, qui a décidé de descendre dans l'arène pour se battre d'abord comme syndicaliste en lançant en 2016 le Club des magistrats, puis comme "citoyen" en s'alignant clairement avec le mouvement populaire de Février 2019, est dans le collimateur de la chancellerie. Et c'est visiblement cet engagement militant qui a poussé le ministère de la Justice à faire de Sadedine Merzoug un exemple. À travers lui, "le pouvoir souhaite visiblement tuer dans l'?uf la protestation dans le corps des magistrats", résume Abdelhak Mellah.
Toutefois, la sentence du Conseil supérieur de la magistrature n'est pas définitive. Les avocats souhaitent que Sadedine Merzoug se pourvoie en cassation auprès du Conseil d'Etat. Mais selon son entourage, le concerné souhaite "passer à autre chose". "Il ne se fait plus d'illusion", résume un ami qui assure qu'"il a assez donné" !
Ali Boukhlef


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