Sabrina Mervin chargée de recherches au CNRS et spécialiste du chiisme Deux spécialistes s'expriment

L'intervention militaire US en Irak en 2003 a-t-elle donné, selon vous, un coup d'accélérateur au conflit sunnites-chiites '
Sabrina Mervin : L'intervention US en Irak, en 2003, a permis aux chiites d'accéder au pouvoir par les urnes, donc sur la base de leur supériorité démographique. Ce qui a entraîné des changements internes, mais aussi dans les relations que l'Irak entretient avec ses voisins, notamment l'Iran. D'où les craintes de certains dirigeants arabes que les chiites montent en puissance au niveau régional et dans d'autres pays où ils sont présents. Ces craintes ont été formulées par l'expression « croissant chiite », même si ce croissant n'était pas vraiment chiite puisque parmi les alliés de l'Iran ainsi regroupés, il y avait le Hamas, sunnite. Une peur du chiite est en tout cas née des bouleversements survenus en Irak, sur fond de lutte pour l'hégémonie régionale entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
Le printemps arabe a-t-il accentué ce « conflit » dans certains pays (Syrie, Irak) et créé un conflit « musulmans-chrétiens dans d'autres '
Les soulèvements arabes et leurs conséquences, dans les différents pays concernés, ont entraîné d'autres profonds bouleversements. Les cartes sont redistribuées. Dans ce contexte, l'une des lignes de fracture est le facteur religieux ou confessionnel ou communautaire. Chaque cas est à examiner en fonction de la situation locale : les tensions entre chrétiens et musulmans ne sont pas de même nature en Egypte et en Syrie, par exemple. Les tensions entre chiites et sunnites ont des causes bien différentes en Irak et en Syrie, sans parler du Bahreïn ou de l'Arabie saoudite.