Dans cet entretien, Sabah El Islah M'rakach, psychologue clinicienne, revient sur la place de la femme dans la société algérienne et son épanouissement en tant que personne travailleuse. Elle met également en avant l'existence du premier centre de thérapie familiale en Algérie, situé à Dély Ibrahim, où nombre de familles et de couples algériens s'y rendent pour traiter leurs difficultés relationnelles.
Entretien réalisé par Sarah Raymouche
Soirmagazine : Comment la femme a allié travail et gestion de son foyer '
Sabah El Islah M'rakech : Au grand bonheur des dames, cette thématique est aussi enthousiasmante que complexe ! Cette question inclut sept angles à prendre en considération. Nous pouvons les énumérer de la manière suivante : - La femme (sujet) au sens clinicien du terme, la femme comme «homme social» au sens psychosocial du terme, le travail, avec ses composantes «physique», «mentale » et «environnementale», la femme «épouse» et son investissement psycho-affectif dans sa relation à l'homme, la performance, puisqu'il s'agit d'interpeller une réflexion sur les résultats professionnels, que la femme algérienne réalise, les interactions générées de cette réussite sur le plan humain, social et dual. La femme est dans tout cela un individu à part entière, pensante mais aussi subjective, car chacune son vécu, son développement, ses angoisses, ses peurs, et de là, ses motivations, ses échecs, ses succès, son mode d'investissement, dans ses deux cercles si enchevêtrés : son chez-elle et sa société.
Donc, il s'agit là d'un investissement immatériel…
Tout à fait, on n'évoque pas un investissement financier, mais un investissement immatériel, psychosocial, dont les enjeux se conjuguent à tous les temps. D'autant qu'il s'agit de gagner sa vie, indépendamment du mari, contrairement à autrefois, sinon plus, voire avec davantage de trophées, un meilleur statut et autres perspectives. La poire est, bien entendu, coupée en deux, car ce gain, qui, d'une part, la valorise et d'autre part, la met sur un autre défi, notamment celui de garder son rôle d'épouse et de mère. Il ne s'agit pas seulement de gagner un statut (le statut professionnel et/ou intellectuel). Mais aussi et surtout ne pas perdre l'éternel, et le culturellement correct qui est le statut familial.
En somme, elle doit assumer un autre statut social…
Sa percée dans la vie active lui confère une reconnaissance sociale, et ce, en plus de la reconnaissance qu'on lui attribue déjà, pour son rôle de maman protectrice, d'épouse fidèle et autres qualificatifs confinés dans son rôle familial. D'ailleurs, il paraît même, d'après certaines références scientifiques, d'origine neurobiologiques, qu'il n'est pas vraiment utile de citer ici, que la femme est fidèle parce qu'elle matérialise sa «subsistance» ou «son instinct de survie» par la grossesse. Elle touche, elle ressent la vie qu'elle va donner, censée lui succéder, d'où l'angoisse relative à l'horloge biologique. Contrairement à son alter ego, qui, lui, va chercher à «prolonger» sa vie, à travers d'autres reproductions, et depuis des ères, par le labeur ! Il assure le gain en s'assurant un statut dans la société pour subvenir aux besoins de sa famille, et cette utilité est autant vitale à sa famille, à sa femme, qu'à son propre équilibre psychologique, Dans son livre L'envers et l'endroit, Camus parle des heures de travail : «(...) Ces heures contre lesquelles nous protestons si fort et qui nous défendent si sûrement contre la souffrance d'être seul.»
Leur réussite professionnelle est-elle possible sans conséquences sur leur vie privée '
La femme algérienne n'est point seule, recherchant coûte que coûte son épanouissement, et tout aussi fière de son époux, ne cherchant point à le détrôner. Elle renverse pourtant la vapeur et met sa moitié à rude épreuve. Il faut avouer que ce n'est pas très évident pour ce mâle non plus, que de s'adapter à cette nouvelle vision du monde. Encore peut-être plus chez nous, parce que influencés aussi par des codes socioculturels, qui se trouvent bousculés et révisés à plusieurs niveaux.
Comment réagit l'entourage '
L'entourage familial de la femme algérienne, qui décroche des postes à haut risque et/ou à grandes responsabilités, est généralement assez admiratif, car la notion de travail elle-même a changé et est encore en mutation, La notion d'interaction nous renvoie à l'école Palo Alto pour qui une «personnalité» ne peut être définie en faisant abstraction de son réseau complexe de relations interpersonnelles, qu'entretient la personne (homme ou femme) dans son quotidien. Rappelons que ce courant est notamment à l'origine de la thérapie familiale et de la thérapie brève. Parmi ses fondateurs, les grands : Bateson, Jackson et Paul Watzlawick. Et parmi les réussites au féminin, dans ce domaine richissime, ces thérapeutes et formatrices qui ont contribué, sous la direction du Pr Kacha, à la mise en place du premier centre de thérapie familiale en Algérie (Dély-Ibrahim) où nombre de familles et de couples algériens se rendent pour traiter leurs difficultés relationnelles, dans une approche qui implique la femme et l'homme comme sujets protagonistes, non antagonistes.
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Posté Le : 02/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Soir d'Algérie
Source : www.lesoirdalgerie.com