Algérie

Saâdane



Saâdane
«Je ne commenterai pas le choix d'affronter la Slovénie plutôt que le Portugal» «Heureusement que nous avons des émigrés qui nous viennent formés, mais ça ne peut pas durer»L'ancien sélectionneur national Rabah Saâdane était, hier, l'invité du forum de Deca News. Une occasion pour lui d'évoquer l'actualité du football algérien et, surtout, celle de la sélection nationale appelée à préparer le Mondial-2014. A ce sujet, il n'a pas voulu enquiquiner le sélectionneur actuel, Vahid Halilhodzic : «Qu'on laisse le sélectionneur préparer le Mondial tranquillement ! Il ne faut pas perturber le travail qui est en train de se faira ni influer négativement sur le moral des joueurs. Le coach national sait ce qu'il a sous la main et ce qu'il a à faire. Laissons-le travailler en paix. Si jugement il y aura, ce sera après la Coupe du monde.»«Je ne commenterai pas le choix d'affronter la Slovénie plutôt que le Portugal»Questionné sur le choix fait par la Fédération algérienne de football d'affronter la sélection de Slovénie en amical, au mois de mars prochain, alors qu'il y a possibilité de jouer contre une sélection plus forte, celle du Portugal, Saâdane a refusé de se mouiller, au risque de voir ses propos être mal interprétés : «Je ne commenterai pas ce choix. Il y a un sélectionneur et des responsables au sein de la FAF qui sont libres de préparer la Coupe du monde comme ils l'entendent. Ils savent très bien ce qui convient à l'équipe. Après le Mondial, on pourra faire le bilan du travail accompli.»«En 2010, la forte pression m'a poussé à changer sept joueurs» Au cours de ce forum, l'ancien sélectionneur est revenu sur un épisode marquant de la préparation de la Coupe du monde 2010 : la sélection de sept nouveaux joueurs à la place de sept anciens pour le tournoi final. Il l'a évoqué avec une pointe de regret dans la voix : «En toute franchise, la pression m'avait beaucoup affecté. Quand une personne est sous pression, elle perd de sa lucidité et est amenée parfois à faire des choix peu judicieux. J'aurais aimé prendre quelques-uns des anciens en Afrique du Sud, au regard de leur contribution effective lors des éliminatoires, mais les choses n'ont été faciles pour moi.»«Certains jouaient un rôle important dans la stabilité du groupe»L'absence de ces anciens -du moins certains d'entre eux- n'a pas été sans conséquences, selon les aveux de Saâdane : «Il y en avait parmi eux qui jouaient un grand rôle au sein du groupe dans l'entretien de la bonne ambiance et de l'harmonie entre les pros et les locaux. Même si leur niveau technique n'était pas très élevé et ne leur permettait pas de participer à une Coupe du monde, leur influence sur la stabilité du groupe était grande. Cela dit, mon intention à l'époque était également de rajeunir la sélection et préparer la relève et cela se vérifie aujourd'hui en voyant que ces jeunes que j'avais ramenés apportent beaucoup à la sélection actuelle. Donc, ce changement opéré a eu quand même ses côtés positifs.»«En Algérie, les entraîneurs locaux sont constamment sous pression, contrairementaux étrangers qui travaillent en toute quiétude»Evoquant le pression terrible dont il faisait l'objet avant la Coupe du monde 2010, Saâdane a fait le parallèle avec ce que vivent les entraîneurs étrangers exerçant en Algérie : «Les entraîneurs locaux sont constamment sous pression. On ne les laisse pas travailler en paix. En revanche, les entraîneurs étrangers travaillent en toute quiétude et tous les moyens qu'ils demandent leur sont réunis. C'est une discrimination flagrante qui illustre le peu de considération dont jouit l'entraîneur algérien.»«Si nous ne revenons pas à la Réforme sportive,le football algérien ne se relèvera pas»Le directeur technique actuel de l'ES Sétif a beaucoup parlé de la réalité du football algérien et des voies et moyens de le redynamiser, afin de relancer la formation. Pour lui, le remède est simple et clair : «Il faut revenir à la Réforme sportive (système ayant régi le football de 1978 à 1989, ndlr). Le problème du football algérien et du sport algérien de manière générale réside dans la faiblesse de la formation. Nous n'arrivons plus à former des footballeurs de haut niveau et c'est ce qui a mis le football algérien dans son état actuel. Si nous ne revenons pas à la Réforme sportive, le football algérien ne se relèvera pas.»«Heureusement que nous avons des émigrés qui nous viennent formés, mais ça ne peut pas durer»Pour Saâdane, ce serait une erreur de prendre la sélection nationale comme étalon pour porter un jugement sur le niveau du football algérien : «Il ne faut pas se fier à l'image que nous renvoie la sélection qui est constituée en majorité de joueurs évoluant à l'étranger. Heureusement, d'ailleurs, que nous avons des émigrés qui nous viennent d'Europe prêts et bien formés et on les remercie, mais cela ne peut pas durer. Nous ne formons pas et nous ne pouvons même pas préparer une nouvelle génération capable de reprendre le flambeau. Cette mentalité ne nous mènera pas loin. Le football algérien doit être construit autour de fondements solides dont le footballeur local doit être la pierre angulaire. Si nous voulons que l'Algérie fasse partie du gotha mondial de manière continue, il faudra former des joueurs de haut niveau.»«Nous n'avons plus participé au Mondial des juniors depuis 1979 !»Pour illustrer le désastre qui frappe le football algérien, l'orateur a cité, comme exemple, le manque de considération accordé aux sélections de jeunes, preuve tangible de l'échec de la politique de formation : «Depuis 1979, nous n'avons plus participé à la Coupe du monde juniors et c'est une aberration ! Les grands pays africains de football, tels le Ghana, le Nigeria, le Cameroun et la Côte d'Ivoire, sont toujours présents dans les Coupes du monde des jeunes car ils n'arrêtent jamais de former des jeunes. En Algérie, les jeunes catégories sont marginalisées et négligées. Qu'y a-t-il à attendre de bon face à une telle situation '»«Il fut un temps où nous avions d'excellents formateurs»Saâdane a beaucoup insisté sur le volet formation au cours de son intervention, car ça lui tient beaucoup à c?ur : «Les responsables doivent donner une plus grande importance à la formation chez les jeunes. C'est le secret de la performance des grandes sélections dans le monde. Les exemples pullulent en la matière. Les jeunes et les enfants ont besoin d'un encadrement et d'un programme spécifiques. Il fut un temps où nous avions d'excellents formateurs, tant et si bien que je me rappelle que dans les années 80, les Français nous courraient après pour que nous leur transmettions le programme spécifique de formation des jeunes que nous avions appris de nos formations en Allemagne de l'Est et en Union soviétique, mais il est étrange de constater qu'il y en a peu aujourd'hui.»«Tout le monde se focalise sur les seniors, cette mentalité conduira à l'échec»L'ancien sélectionneur des Verts n'a pas manqué de pointer du doigt les clubs algériens de football, stigmatisant le peu d'importance qu'ils accordent à la formation : «Après la Coupe du monde, je voulais travailler de nouveau à la base, mais tous ceux qui m'avaient contacté voulaient que je prenne en main leur équipe seniors. Pourtant, je leur expliquais que je voulais travailler comme directeur technique, afin d'aider à la formation des jeunes joueurs. Les responsables des clubs se focalisent uniquement sur les seniors et cette mentalité conduira à l'échec.»«Nous avons foncé vers le professionnalisme sans rien planifier»Au sujet du professionnalisme, régime par lequel sont régis les clubs de l'élite depuis plus de trois ans, il a une opinion pas très flatteuse : «Nous avons foncé vers le professionnalisme sans rien planifier au préalable. Après trois ans, nous constatons que nous n'avons réalisé aucun progrès parce que nous n'avons mis en place aucune stratégie claire pour épouser le professionnalisme comme il se doit. Nous aurions dû à tout le moins prendre exemple sur notre voisin, la Tunisie, qui a appliqué le professionnalisme graduellement, avec plusieurs étapes detransition.»«Il faut dire la vérité : nous n'avons pas des dirigeants de qualité comme jadis»Les dirigeants de club n'ont pas échappé aux critiques de Rabah Saâdane qui remet en cause leur capacité à se montrer à la hauteur des nouveaux défis : «Il faut dire la vérité : nous n'avons plus des dirigeants de club de qualité comme jadis. Les dirigeants actuels ne pensent qu'aux résultats immédiats. C'est insensé ! Le plus grave est que certains d'entre eux ne comprennent même pas ce qu'est une société par actions et d'autres ne savent pas ce qu'est la formation sportive. Même s'il y a de l'argent, cela ne suffit pas car il faut savoir comment l'utiliser. Je pense que les clubs algériens manquent surtout de managers compétents.»«Il est normal de réduire les salaires des joueurs, mais le mal est plus profond»La décision prise par les présidents de club de plafonner les salaires des joueurs a été commentée par Saâdane : «Dès notre entrée dans le professionnalisme, les salaires des joueurs sont montés en flèche car, pour beaucoup, c'était l'essence même du professionnalisme. Aujourd'hui, il y a une volonté de les ramener à un niveau raisonnable, et c'est normal. Cependant, le mal est plus profond et va au-delà des salaires excessifs. Il faut un plan cohérent et bien étudié pour sortir le football algérien de son marasme.»«La gestion n'est pas d'acheter des matchs ni d'octroyer des primes aux joueurs»Saâdane n'a éludé aucun sujet, y compris le corruption qui touche le monde du football : «La gestion n'est pas de faire du business et se remplir les poches ni d'acheter des matchs en corrompant des arbitres. Je m'étonne de ces dirigeants qui achètent un match et poussent l'outrecuidance jusqu'à offrir des primes à leurs joueurs qui, à la base, n'ont pas gagné de manière honnête ! Ces catastrophes existent dans le football algérien et freinent son évolution.»«Si nous avions 100 Académies du Paradou, notre situation aurait été meilleure»Revenant sur la formation, il a salué l'expérience de l'Académie du Paradou qui a eu des succès, en dépit de plusieurs entraves : «Ce qu'a fait le club du Paradou AC est tout à son honneur. Si son Académie n'avait pas rencontré des embuches et des tentatives de marginalisation, elle aurait fait encore beaucoup plus. C'est ce genre d'initiatives qui contribueront à faire relever le football algérien. Il faut que nous ayons au mojns 100 Académies comme celles-là. Si chacune d'elles nous donne un joueur au moins en seniors, cela nous donnera de nombreuses solutions pour la sélection nationale. En résumé, si nous avions cent Académies comme celles du Paradou, notre situation aurait été meilleure.»«J'ai été content de la désignation de Madjer à la tête de la Commission de détection des jeunes talents»Enfin, Rabah Saâdane a exprimé sa satisfaction de voir Madjer désigné à la tête de la Commission nationale du sport de haut niveau et de la détection de jseunes talents : «J'ai été très content de cette désignation. La priorité actuellement est la détection des jeunes talents et la sélection des meilleurs d'entre eux pour les orienter vers des centres de formation de haut niveau afin d'avoir, à terme, des sportifs talentueux à même de pouvoir représenter dignement l'Algérie. Quand cela arrivera, l'ossature des sélections sera locale et on prendra les meilleurs émigrés évoluant en France pour la renforcer.»




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