Algérie

Sa majesté l'informel



A Alger, les autorités semblent avoir décidé que le temps est venu de dégager les trottoirs et les murs occupés par des revendeurs qui se sont «installés» dans la durée. La police est passée à l'action contre des «souks» informels à la suite d'une instruction en ce sens qui aurait été donnée par le ministère de l'Intérieur aux autorités locales. Les plus sceptiques s'attendent à une campagne sans lendemain dont l'effet, au mieux, serait de déplacer les revendeurs de quelques centaines de mètres. Et surtout ces revendeurs trop visibles, trop «exubérants» ou trop «jeunes» peuvent cacher par des opérations de police à la Sisyphe le fond et la gravité du problème. Le plus étonnant est qu'il n'est même pas caché.
De manière très officielle, un ministre de la République a déclaré que la moitié du chiffre d'affaires des opérateurs économiques algériens provient de l'économie informelle. Les jeunes qui revendent sur les trottoirs ou dans des commerces informels ne représentent pas la partie la plus importante ou la plus significative du commerce informel. La vraie question est celle de la volonté et de la capacité de l'Etat à s'attaquer aussi bien par des mesures économiques que par une application de la loi à des pans entiers de gros acteurs de l'informel. Le doute est permis. Après les émeutes de janvier 2011, on avait mis les émeutes sur le compte des «barons de l'informel». Théoriquement, cette capacité à provoquer l'émeute pour préserver des activités informelles - et donc illégales - aurait dû susciter l'alerte générale et provoquer une riposte à la mesure de la menace que représenteraient ces barons. Dans les faits, on est plutôt à un retrait en rase campagne de l'Etat.
Le renoncement officialisé en Conseil des ministres à imposer l'obligation de régler par chèque les transactions supérieures à 500.000 dinars qui devait entrer en vigueur à la fin avril 2011 a été perçu, non sans raison, comme une victoire des grands acteurs de l'informel. Et ces acteurs ne sont pas, quoi que l'on dise, dans les rues en train de revendre du «n'importe quoi» ou dans les voitures en train de «traire» (en bons hallaba) les stations d'essence au niveau des wilayas frontalières. Il ne s'agit pas, bien entendu, de minimiser l'impact de ces «revendeurs» en tout genre, mais il faut bien en relativiser l'importance. Un an après les émeutes de janvier 2011, Ahmed Ouyahia, parlant en tant que secrétaire général du RND, y voyait encore «une manipulation des frustrations réelles de nos jeunes par des intérêts mafieux, menacés par la progression de la transparence et de la loi».
En renonçant à appliquer, pour la seconde fois, l'obligation de recourir au chèque, l'Etat n'avait pas fait avancer la transparence. Le recul sur cette question est tellement flagrant - et grave - qu'il a été mentionné par le rapport du département d'Etat américain sur le terrorisme. Les soucis politiques et notamment l'impératif d'éviter la «contamination» du «printemps arabe» ont joué dans ce renoncement. Mais l'explication est tout de même limite. Il existe des réponses économiques pour traiter l'informel. Mais la volonté politique est un préalable.


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