S'adapter à la reconfiguration de l'industrie pétrolière

Par : Kamel Aït Cherif
Expert en économie d'énergie
Dans un paysage économique mondial en mutation, un nouvel ordre pétrolier est en train de se dessiner. Au niveau international, la recherche de synergies et la maîtrise des coûts sont à l'origine de fusions, de regroupements et de partenariats entre compagnies. Dans cette reconfiguration stratégique du marché énergétique mondial, et compte tenu des conséquences économiques de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus, l'environnement économique international va subir des transformations importantes dans l'industrie pétrolière (amont et aval).
Dans ce paysage économique, il est inévitable d'entendre les appels lancés en faveur d'une approche réductrice des coûts et plus protectionniste dans le monde développé et en développement. Dans un tel contexte, quelles mesures appropriées devrait prendre Sonatrach pour y faire face ' Comment doit-elle s'y pendre face à ces chocs considérables ' Face à ces mutations profondes et à l'effet de s'y adapter, il est impératif pour Sonatrach de redéfinir ses objectifs à moyen et long terme et de mettre en place une stratégie où l'optimisation des coûts, la rationalisation des dépenses et la réduction des charges d'exploitation prennent davantage d'importance.
A l'instar de l'ensemble des compagnies pétrolières internationales où les coûts ont toujours eu une place prépondérante dans les réflexions stratégiques, Sonatrach ne pouvait développer une stratégie efficace et efficiente sans y intégrer la dimension "maîtrise des coûts", qui constitue aujourd'hui, à la fois, un facteur de changement, et un levier de création de valeur. L'amélioration de la performance et de la compétitivité de l'entreprise passe, non seulement par l'accroissement des ventes et du chiffre d'affaires, mais également par sa capacité à maîtriser les coûts et à dégager des économies.
L'ambition de Sonatrach de se positionner sur le marché international, d'une part, et la nécessité de développer des relations de partenariat avec des compagnies étrangères, d'autre part, lui impose d'accorder aux coûts une place plus importante dans sa stratégie. Pour atteindre les objectifs stratégiques que se donne la compagnie nationale, il ne suffit plus d'identifier ces coûts, mais, il s'agit de les analyser, d'en modifier la structure et de les maîtriser. Gérer les coûts, ce n'est plus simplement les comptabiliser, mais de repérer les niches de coûts, d'agir sur les gisements d'économie et surtout d'anticiper et d'exploiter les synergies, car plus on maîtrise les coûts, plus on maximise les profits. La gestion des coûts ne produira les effets attendus que si un statut nouveau est accordé à la fonction de calcul des coûts. Celui-ci doit accompagner, mais surtout précéder, chaque action, chaque fois que l'on envisage ou que l'on évalue des options nouvelles.
S'exprimer dans le langage des coûts
Dans la perspective d'un marché pétrolier mondial de plus en plus compétitif et concurrentiel, il est judicieux pour Sonatrach d'établir des bases de références et de comparaisons entre les coûts de sa production et les prix imposés par la concurrence internationale. Quelle est la structure de ces coûts ' Quelle est l'incidence de ces coûts sur le producteur ' Et, quelle est leur sensibilité aux variations des volumes de production etc. ' Ces indices constitueront un critère de mesure de progrès et un facteur important pour accroître la rentabilité, gagner en avantage concurrentiel par le biais d'une rationalisation des coûts de production.
En contexte de crise et/ou d'ouverture économique, on ne peut gagner des parts de marché que si l'on gagne la bataille de la compétitivité. Le nouvel environnement économique international impose à Sonatrach de définir des stratégies appropriées de son processus d'affaires (en amont et en aval), afin de s'intégrer résolument et d'évoluer activement dans ce nouveau contexte. Ainsi, face au nouvel environnement économique mondial, Sonatrach ne peut plus continuer à fixer des objectifs à moyen et à long termes. L'entreprise se doit d'être très attentive et réactive tant sur les facteurs exogènes qu'endogènes et en fonction desquels, elle réajuste l'approche devant conduire vers des objectifs à moindres coûts.
Dans la nouvelle économie, seules les entreprises qui sauront optimiser leur processus d'affaires (la chaîne de valeur amont et aval), pourront améliorer leur productivité, réduire leurs coûts et tirer leur épingle du jeu. Les entreprises qui savent s'adapter à ce nouveau contexte survivent. La maîtrise et l'optimisation des coûts au niveau de l'amont et de l'aval pétrolier constituent une condition sine qua non pour affronter la concurrence sur le marché pétrolier. Il s'agit donc d'améliorer les coûts et booster l'efficacité peut aboutir à rehausser sensiblement les performances économiques et commerciales de Sonatrach. Les responsables de l'entreprise doivent aujourd'hui maîtriser les concepts et mécanismes économiques de base de formation des coûts et leurs méthodes de calcul et comprendre leur variabilité et leur sensibilité. Le schéma d'organisation de Sonatrach doit aussi permettre de penser et de s'exprimer dans le langage des coûts.
Par conséquent, il est indispensable de mener au sein de toutes les structures d'activité de Sonatrach et ses filiales, ainsi qu'au niveau de toutes les entreprises algériennes, une large action de sensibilisation sur la maîtrise des coûts et sur la nécessité de leur rationalisation, à l'effet d'impliquer toutes les couches organisationnelles et de responsabiliser toutes les fonctions.
La culture économique algérienne occulte toujours la notion de coûts. Le côté coûts et dépenses a été toujours marginalisé, jugé peu pertinent. Et nos entreprises n'en tiennent pas compte. Alors que leur salut n'est pas dans la recherche de l'accroissement des ventes, mais dans la réduction des coûts !