Algérie

Rym Takoucht croit à l'espoir malgré « la noirceur » des temps présents THEATRE



Assise entre une caisse verte et une souche d'arbre, dans une forêt imaginaire, Ghalia, une fille qui a mal vécu son adolescence, pense à sa mère, à sa naissance, au vrai faux amour d'un homme qui ouvre la porte, qui marche et qui reste invisible. « Traître ! », lance Ghalia.
Annaba
De notre envoyé spécial

Elle n'a jamais cru aux yeux doux des hommes et des mots tendres d'amoureux qui ne cherchent que le plaisir passager, le sentiment vaporeux.« Tu es la plus belle femme du monde, tu es mon c'ur, ma passion, je t'aime, j'irai mourir sur l'autoroute pour toi », lance Ghalia dans «El saouad fil amal » (« la noirceur dans l'espoir »), monodrame mis en scène par Djamel Garmi sur un texte de Hocine Nadir, présenté, jeudi soir, au théâtre Azzeddine Medjoubi de Annaba, à la faveur du premier Festival national culturel de la production théâtrale féminine.
Ghalia se rappelle de Si Tahar, ancien maquisard, relégué au dernier plan après l'indépendance. Les autres, ceux qui n'ont pas tiré une balle contre l'occupant, rien dit pour dénoncer l'oppression ' « Des mange tout ! Ils s'échangent des slogans, des médailles et des chèques. Et, ils disent à Si Tahar, on va te construire un monument après ta mort », ironise Ghalia.
« On n'écrit pas l'Histoire avec la craie »
Elle prend un livre, « Nissyan Com » (« votre oubli » publié au Qatar en 2011) de Ahlem Mosteghanemi. La romancière algérienne y évoque un thème délicat, voir explosif, dans une Algérie qui oublie presque de célébrer le cinquantième anniversaire de son indépendance. « On n'écrit pas l'Histoire avec la craie. Ou plutôt écrivez et effacez autant de fois que vous voulez ! »,plaisante-t-elle le ton sérieux.
A lire les manuels scolaires, la guerre de libération nationale ne comptait que des héros ! Ceux qui gouvernent à Alger, grâce à des coups d'Etat déclarés ou masqués, ne sont-ils pas tous « des anciens combattants » avec cartes et décorations ' ! En Algérie, il est presque sûr que le Parlement ne fera aucune loi pour « criminaliser » la falsification de l'Histoire.
Reste le roman pour en parler, donc ! Soudain, un loup hurle. Ghalia n'éprouve aucune peur. « Cela fait trois ans qu'il revient, il ne change pas d'habits, je vais lui donner à manger. Il ne m'a jamais menacé », dit elle confiante. Ghalia lit d'autres livres : « La connaissance de soi », « La bataille de Bizerte »'Et, puis elle évoque Sidi Bouzid (le lieu où a démarré la révolte contre le régime de Ben Ali en Tunisie en décembre 2010), l'Egypte, la Libye, la Syrie' « Et le champs est ouvert ! » promet-t-elle.
Même s'il est quelque peu forcé, le clin d il aux révoltes arabes contre les dictatures ne gène pas forcément dans ce mélodrame. La musique de Mourad Guechoud aide le spectateur a suivre « le parcours » scénique, trop limité à priori, de Ghalia. La scénographie Smail Laamech est juste ce qu'il faut pour monodrame d'approche minimaliste. « Réveillez-vous gens de la villes, sortez de vos trous. Réveillez-vous gens de la ville, la barque s'est reversée en haute mer, sortez reconnaître vos enfants ! », chante Ghalia.
Tout est là ou presque : passivité face à l'arbitraire, silence sur les violations en tous genres, misère sociale, chômage, harga, soumission'Cet encombrement, cette volonté de vouloir dire des choses, trop de choses à la fois, n'est-ils pas risqué ' Rym Takoucht l'assume : « Le mélodrame est porteur d'une ensemble de sujets que je voulais évoquer. Je suis une comédienne et je n'aime pas le théâtre classique basé sur une seule idée », a-t-elle déclaré, lors d'un débat, après le spectacle.
Entre la mémoire tourmentée et les racines, Ghalia, qui peut symboliser une certaine idée de la liberté, de la franchise et de la justice, tente de trouver la voie dans une forêt. Mais, Ghalia ne semble perdre pas espoir, elle qui se révolte contre tout et qui tente de tordre le cou à l'hypocrisie sociale. L'Aube reviendra-t-il ' Rym Takoucht y croit. « Malgré tout ce que nous avons vécu, la bougie est toujours allumée. D'où mon insistance sur l'idée de « tant qu'il ya vie, il y a espoir ». Garder le sourire est vital », a-t-elle dit.


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