Sulaf Fawakherdji était la star, mardi soir, du Festival de Annaba du film méditerranéen.L'actrice syrienne, Sulaf Fawakherdji, devenue célèbre grâce à ses rôles dans les feuilletons télévisés, tente une nouvelle expérience dans le cinéma avec la réalisation de son premier long métrage Rassayel al karaz (Lettres de cerises). Le film a été projeté mardi soir à la salle du Théâtre régional Azzedine Medjoubi, à l'occasion du premier Festival de Annaba du film méditerranéen en avant-première maghrébine.Le film, tourné dans la région de Quneitra, dans des conditions difficiles, débute avec une naissance, celle de la Syrie indépendante et de Ala (Mahmoud Nasr) en 1946. Le cordon ombilical est enterré à côté d'une maison de couleur blanche et d'un cerisier fraîchement planté dans le plateau du Golan, dans un cérémonial que Sulaf Fawakherdji filme en détail.Le souci de la jeune cinéaste de convoquer le symbolisme est évident. Ensuite, le film, marqué par une forte présence narrative, passe à l'évocation de l'amour entre Ala et Sama (Dana Mardini). Les deux amants, qui dansent entre les arbres, nagent dans la rivière et passent des soirées autour de bougies, rêvent d'une belle vie. Un conte de fées ' Le film prend des allures romantiques. Mais on sent vite que cet amour-là est trop beau, idéalisé.La guerre s'invite avec ses gros sabots. D'abord la débâcle et la blessure arabes de juin 1967, ensuite l'occupation du plateau du Golan par l'armée israélienne, la guerre d'octobre 1973 et enfin la guerre civile en Syrie à partir de 2011. L'amour de Ala et de Sama résiste à l'épreuve du temps et aux drames extérieurs. Sama n'a pas cessé d'écrire des lettres à son amoureux avec de l'encre rouge préparée à base d'un mélange de cerises. Pour Ala, seul un retour à la maison parentale du Golan pourrait faire aboutir cette passion si intense.Mais comment retrouver le chemin du retour vers des terres occupées et entourées de barbelés ' Quelle est donc la signification de l'amour sans terre, sans patrie ' «Le Golan est occupé parce que la région est belle et riche. Il s'agit de terres syriennes volées. Des terres qui reviendront à la Syrie. On peut reconquérir les terres par le sang ou par l'amour. J'ai montré ces aspects dans le film en utilisant des éléments du patrimoine musical folklorique», a relevé Sulaf Fawakkherdji lors de la conférence de presse qui a suivi la projection.La musique est présente dans le film comme un personnage qui porte l'histoire, comme un nuage porte la pluie. La musique accompagne la trame dramatique, mais devient parfois envahissante, ne laissant aucune place à la magie, au silence. «Les peuples arabes sont de culture auditive. J'ai préféré donc utiliser la musique à la place des longs dialogues», a expliqué la cinéaste. Le jeu des comédiens est parfois théâtralisé, rigide. Un choix que Sulaf Fawakherdji assume entièrement. «J'ai demandé aux comédiens de fixer la caméra en face.Le message adressé aux spectateurs est : regardez nous !» , a-t-elle dit. Le film est accompagné de textes poétiques qui évoquent la terre, la patrie, la Palestine, la guerre, le départ...mais un discours direct s'installe parfois d'une manière brutale dans le film, perturbant sa cohérence artistique. Le spectateur n'a-t-il pas le droit de choisir une autre voie, d'imaginer autre chose que ce qu'on veut lui imposer ' Le cinéma syrien de ces cinq dernières années est marqué par l'envahissement du discours forcé, de lectures schématiques et de positions politiquement tranchées.Les effets de la guerre 'De la répression ' De la propagande ' Peut-être tout cela à la fois. Sulaf Fawakherdji a été interpellée par les journalistes sur la scène d'un officier de l'armée souriant après avoir arrêté dans un barrage la famille de Ala partant vers une fête de mariage. «Il n'y a aucune propagande. Pour défendre le soldat syrien, on n'est ni dans l'opposition ni avec le pouvoir», a-t-elle dit. Sulaf Fawakherdji prépare actuellement un nouveau long métrage, Madad. «Je vais raconter une histoire sur Damas, quelque chose de différent, sur la Syrie d'hier et d'aujourd'hui.C'est un autre imaginaire. Je vais évoquer l'islam modéré. L'islam, c'est d'abord une morale, pas celui qui a été défiguré. Je ne vais m'intéresser à la mise en scène que si je sens quelque chose.. On sait que les tabous ce sont le sexe, la religion et la politique. Pour moi, le seul interdit est la Syrie, la patrie et la terre», a-t-elle ajouté. Madad sera, selon elle, un film qui s'adresse autant à l'élite qu'au grand public. Elle n'a pas écarté la possibilité d'une coproduction algéro-syrienne pour ce film ou pour d'autres projets.
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Posté Le : 10/12/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : El Watan
Source : www.elwatan.com