«Le roman est l'histoire des hommes et l'histoire le roman des rois.» Alphonse DaudetC'est en visionnant des oeuvres cinématographiques adaptées de romans historiques que l'on mesure le talent des écrivains comme Dumas, Féval et Druon qui ont transcendé les siècles et restitué la vie des gouvernants ou des grands de leur pays. C'est cette dimension du romanesque qui manque aux auteurs maghrébins qui n'ont pas jusqu'ici tenté d'imaginer le faste des potentats qui ont régné ici et la vie misérable de leurs sujets. Le talent d'un écrivain n'est pas seulement l'aptitude à raconter de belles histoires de mort et d'amour, à nouer de rocambolesques intrigues pour tenir le lecteur en haleine ou bien l'appâter par des descriptions détaillées faisant appel aux six sens de l'être humain ou bien en flattant ses plus bas instincts. L'écrivain talentueux est celui qui sait relier entre eux des phénomènes, des événements de la vie qui, apparemment, n'ont rien à voir entre eux. Ce savant montage de deux réalités distinctes et indépendantes font naître des idées (génératrices d'idées disait mon professeur). Je viens de l'apprendre en lisant, par hasard, une biographie succincte du célèbre romancier Alexandre Dumas père. C'est un long article publié dans une vieille revue d'histoire (revue dont le prix échappe heureusement aux ministres de l'Education, de la Recherche, du Commerce et des Finances). Une de ces vieilles revues, jetée soigneusement sur le trottoir et qui n'attire pas les chalands occupés, par ailleurs, à essayer des lunettes de soleil proposées par un Africain! Une de ces vieilles revues, qu'un nostalgique de la culture à bon marché aligne chaque matin au pied du mur d'une gare routière et qu'il remet chaque soir dans un vieux sac! Toujours les mêmes gestes! Un vrai travail de Sisyphe! Dans cette revue dédaignée par tout le monde, se trouve une interview fictive d'Alexandre Dumas père réalisée par l'historien Alain Decaux, ce talentueux conteur d'histoires du temps passé. Le plus passionnant dans cet entretien fictif est le passage relatif à La Tour de Nesle, mélodrame qui eut un succès considérable auprès du public parisien en 1832. Tout le monde connaît ce douloureux et ténébreux épisode de l'histoire des rois de France (des reines devrait-on dire!). Pendant que le bon peuple sommeillait, les femmes de la famille royale se payaient du bon temps à la Tour de Nesle, en compagnie de jeunes soudards recrutés dans les tavernes de la capitale. Au petit matin, après une nuit passée au septième ciel, les amants d'une nuit étaient précipités du haut de la Tour percés par les flèches des gardes du roi. Le romancier fait intervenir pendant ces joutes lubriques, le veilleur de nuit dont la voix ponctuait les nuits obscures d'un Paris moyenâgeux. «Il est minuit, chrétiens: dormez en paix» disait la voix du veilleur, aux milliers de gens qui, après une journée de dur labeur, trouvaient dans le sommeil une juste trêve. Pendant ce temps, les nantis, ceux qui ne se fatiguent pas la journée se livrent à mille complots et turpitudes pour s'enrichir davantage ou pour dépouiller le bon peuple de ses maigres ressources. Et si le monde n'était qu'un vaste pays où sont érigées d'innombrables Tours de Nesle' Bien sûr, les débauches des uns ne dérangeaient personne s'il n'y avait mort d'hommes, mais dans les nombreuses Tours de Nesle de certains pays, les acteurs de la politique passeraient des nuits blanches à échafauder des plans, non seulement pour accaparer le pouvoir, (les coups d'Etat ont lieu, en général, la nuit), mais aussi pour dépouiller les innocentes gens qui dorment du sommeil du juste. Inventer mille subterfuges pour piller un pays serait leur unique préoccupation. De quoi perdre le sommeil!Quand on songe aux deux cents milliards de dollars qui sommeillent dans les coffres virtuels, on ne peut s'empêcher de frémir et de penser aux innombrables entrepreneurs et importateurs qui attendent, la gueule ouverte, que les biffetons leur tombent grâce aux décisions généreuses de ceux qui veulent équiper le pays d'éphémères gadgets pour améliorer «le cadre de vie».
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Posté Le : 19/04/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com