Nina Bouraoui signe avec « Tous les hommes désirent naturellement savoir », un roman inspiré de sa vie, où la violence règne. Elle choisit trois périodes de son histoire familiale : la rencontre de ses parents et leurs premières années de vie ensemble, son enfance en Algérie, entre nature brute et violence de la guerre civile, puis les nuits au Kat, boîte de nuit pour femmes. Chaque période équivaut à un type de chapitres : savoir, se souvenir, devenir. Cette structure implacable corsète la narration. Trois catégories pour étiqueter sa mémoire.
Une violence symbolique de la structure, qui reflète celle, réelle, de sa vie. À chaque apparition des hommes, la menace plane. Les grands-parents invitent un ami à se reconstruire chez eux après la guerre, il est pédophile. La nourrice n’a plus de mari, elle l’a fui car il la battait. La pharmacienne est égorgée, c’est son fils Tarek qui a demandé à des connaissances de « mettre une bonne leçon à sa mère », parce qu’elle vit « à l’occidentale ». La brutalité s’infiltre jusque dans les descriptions. Les arbres jaillissent, les portes écrasent, les hommes violent, battent, tuent et les femmes ne réagissent pas. Les mots s’accumulent et constituent des phrases paragraphe. Un tourbillon étourdissant, qui s’achève par le couperet d’une sentence courte et définitive.
Peu de moments de tendresse et d’innocence dans ce livre où certains thèmes sont ressassés : violence, vice, dégoût, humiliation, absence, solitude, homosexualité rejetée, peur, mort, secret, amour et finalement acceptation. Ce dernier sujet est la trame du récit. Il lie des moments de vie publiés en désordre et donne un souffle d’espoir, si nécessaire. Un roman qu’on ne peut pas lâcher, au risque d’une insolation à la plage. Un livre foisonnant et fascinant.
« Tous les hommes désirent naturellement savoir » de Nina Bouraoui. JC Lattès. 256 p. 19 €.
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Posté Le : 20/08/2018
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : ANAÏS RIBOT
Source : letelegramme.fr