Algérie

Rolf Sachs. Designer



Rolf Sachs. Designer
Rencontré à son expo Typish Dutsch ' à Cologne, il nous livre sa réflexion sur l'identité allemande...-D'où vient l'idée de l'expo Typish Dutsch 'Chaque pays a des traits de caractères qui le différencient des autres. Les Allemands sont précis, ils travaillent dur, ils sont ponctuels mais ils ont aussi une certaine propension à la poésie et à la philosophie. J'ai essayé de créer des objets pour montrer toutes ces facettes de l'Allemagne. Les Allemands sont sérieux. Ils ne sont pas, par exemple, aussi drôles que les Anglais, ils n'ont pas leur excentricité. Vivant à l'étranger, j'ai pu remarquer, durant ces dix dernières années, le changement de la perception des Allemands dans le monde. Nous sommes passés par des périodes très dures durant le XXe siècle (que j'évoque aussi dans mon expo) mais, avec le temps, l'image de l'Allemagne s'est nettement améliorée.Je me suis donc intéressé aux réalisations de l'Allemagne, non seulement en poésie et en philosophie mais aussi dans les sciences et l'industrie. Avec la Deuxième Guerre mondiale, l'Allemagne avait perdu un grand nombre de scientifiques qui se sont exilés et ont brillé à Princeton, Cambridge, Oxford et d'autres grandes universités du monde. Aujourd'hui, il y a un mouvement inverse avec une très forte immigration vers l'Allemagne. Tout cela pousse les Allemands à s'interroger sur leur identité. Les visiteurs de l'expo viennent souvent me dire: «Ah oui, nous sommes vraiment comme ça '». Le défi c'était aussi de traiter de ce sujet sérieux avec humour et légèreté. C'est important de savoir rire de soi. On devient plus tolérant. Et puis, ça montre que les Allemands peuvent faire preuve d'humour quand même !-Vivre à l'étranger vous a-t-il aidé à acquérir un regard extérieur sur votre pays 'Bien entendu. Quand on vit en Allemagne, les arbres nous cachent la forêt. De l'extérieur, on a une vision plus globale et particulièrement à partir de l'Angleterre qui a une vision problématique vis-à-vis de l'Allemagne. Certes, je suis quelqu'un de très «international», mais je n'aurais pas pu faire cette exposition si je n'avais pas vécu de trois à huit ans en Allemagne avec ma grand-mère. Cette période a fait que l'identité allemande est gravée en moi. Sans cela, il était impossible de se permettre une telle exposition. J'ai vécu plus longtemps en Angleterre, mais je ne pourrais pas faire la même chose sur les Anglais. L'identité est une question de ressenti.-Donc, malgré votre histoire cosmopolite vous vous sentez simplement allemand 'On me pose souvent la question de mon identité. Et ma réponse est : je suis Européen. Mais, au fil de mes expositions, je me rends compte que mon background et ma personnalité artistiques sont allemands. Je fais partie d'une famille assez connue ici en Allemagne (Ndlr : entre autres ancêtres prestigieux, Ernst Sachs, fondateur de ZF Sachs, Adam Opel, fondateur d'Opel et Gunter Sachs, son père, personnage fantasque qui fut un temps le mari de Brigitte Bardot). Donc, pour résumer, je suis un Européen allemand.-Est-ce que les Allemands intègrent les stéréotypes que vous énumérez dans leur vision d'eux-mêmes 'Absolument. Les visiteurs se reconnaissent dans les traits de caractère et les traditions que je relève. Ce qui est intéressant aussi, c'est un certain changement dans la perception de ces clichés par les étrangers. Avant, on se disait en souriant : Ah les Allemands, ils sont tellement ponctuels, tellement sérieux, tellement propres... En somme, tellement ennuyeux ! Maintenant, ces traits deviennent des modèles. Avec la rude concurrence, notamment des Asiatiques qui partagent quelques-uns de ces traits, et nous dépassent même pour certains aspects, tout le monde doit être ainsi.-Vous montrez aussi des traits de caractère allemands plus négatifs...Devant la porte du musée, j'ai placé cinq poubelles avec les mots Schadenfreude (ndlr : sadisme, joie tirée du malheur des autres) ; Sturheit (rigidité) ; Intoleranz (intolérance) ; Neid (jalousie) ; Spießigkeit (conformisme, étroitesse d'esprit). Ce sont certains traits de l'identité allemande qui sont problématiques pour moi et que je rejette symboliquement à travers cette installation. Vous avez aussi des aspects profondément allemands qui ne sont pas portés vers l'efficacité mais qui m'intéressent aussi comme «l'angoisse» (Ndlr : ce mot popularisé par les travaux de Freud et des philosophes existentialistes dérive d'ailleurs de l'Allemand Angst).A partir de la Réforme protestante (XVe et XVIe siècles), l'Allemagne devient très sérieuse et portée sur le travail. Mais, à la fin du XVIIIe siècle, les intellectuels ont commencé à sortir, à s'ouvrir sur le monde. Les Romantiques ont exprimé cette angoisse mieux que quiconque. Elle vient aussi d'un sentiment d'inquiétude typiquement allemand. L'Allemand a souvent peur de l'avenir. Cela explique aussi sa prudence, un autre aspect que j'évoque dans mon exposition.-Si vous deviez garder un seul trait de caractère de l'Allemand, ce serait lequel 'Pour moi, la valeur la plus importante c'est le travail. Travailler dur est une chose à laquelle je crois et qui est reconnue au-delà même du particularisme allemand.-Les caractéristiques que vous évoquez ont-elles évolué avec le temps 'Bien sûr, les mentalités changent, notamment avec l'immigration, mais le c?ur de tous ces traits de caractère reste quand même très perceptible.-Vous avez un certain rapport avec l'Algérie de par votre mère. Racontez-nous cela...Ma mère était pied-noir, elle a grandi à Alger. Avec l'arrivée de Charles de Gaule et l'Indépendance algérienne, la famille a dû quitter le pays. Mais je garde un certain lien avec la culture maghrébine. Je me souviens du temps où on mangeait du couscous à la maison. Aujourd'hui, quand il m'arrive d'aller au Maroc, je me sens à la maison. Ce n'est pas tout à fait l'étranger pour moi. Ce sont des racines qui restent tout de même assez fortes.-Vous verra-t-on monter une exposition «Typiquement Algérien» 'Je n'y arriverai jamais (rires) ! Même si je vais vivre à Alger, je ne pourrais pas le faire ! Il en va de même pour l'Angleterre ou la France que je connais pourtant très bien. Par contre, un Typiquement suisse, c'est possible pour moi. Certes, il existe beaucoup de points communs entre la Suisse et l'Allemagne. Mais le caractère suisse est différent. Prenez les artistes contemporains allemands : Richter, Polke, Baselitz, Rosemarie Trockel, Kieffer... Tous ces gens sont très sérieux. Par contre, les Suisses (comme Urs Fischer, Fischli & Weiss ou Tinguely) ont beaucoup d'humour.




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