La levée progressive des subventions au profit d'un mécanisme de transfert monétaire pourrait être différemment ressentie, en fonction des critères de sélection des ménages éligibles à l'aide de l'Etat.Le projet de budget de l'Etat pour 2022 remet au goût du jour les intentions de réforme des subventions généralisées ; l'Exécutif prévoyant de mettre en place un "dispositif national de compensation monétaire au profit des ménages qui y sont éligibles".
Ce programme de transfert monétaire au bénéfice des ménages déshérités devrait ainsi se substituer au dispositif des produits soutenus, aussi généreux qu'abusif et pesant pour le budget de l'Etat.
Une évaluation préliminaire du niveau des subventions montre que celles-ci ont coûté à l'Etat en moyenne 3 250 milliards de dinars par an sur la période 2012-2017 (soit environ 19,3% du PIB), ce qui représente entre 30 et 41 milliards de dollars en fonction de la fluctuation du taux de change.
Les subventions explicites, mobilisées au titre de soutien aux familles et aux prix des produits de première nécessité ne captent que 20% des dépenses injectées annuellement dans le cadre de la politique sociale volontariste de l'Etat.
En revanche, les subventions implicites, constituées notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80% du total des subventions.
La levée progressive des subventions des produits de base au profit d'un mécanisme de transfert monétaire pourrait être différemment ressentie, en fonction des critères de sélection des ménages éligibles au salaire de compensation.
Les économistes redoutent, en revanche, que les classes moyennes, appauvries et trop ponctionnées depuis 2016 surtout, soient à nouveau laissées en marge.
"Ce sont les classes moyennes à revenus fixes qui risquent, en effet, de supporter, à nouveau, l'essentiel des sacrifices exigés par la crise. La classe moyenne libérale a, quant à elle, les moyens d'y faire face."
Cela dit, du point de vue technique, "la mise en ?uvre de cette réforme des subventions s'annonce aussi complexe que sensible, étant donné le poids de l'informel dans l'économie et l'absence d'un système fiscal fiable", estime Mourad Ouchichi, enseignant d'économie à l'université de Béjaïa. Selon une étude publiée en 2020 par le cabinet Ecotechnics, il ressort que les deux postes alimentation (produit de l'agriculture et de la pêche et Industrie agro-alimentaire) et les transports et communications totalisent 76,4% de la consommation des ménages.
La hausse des prix nourrit toutes les craintes
Pour les ménages les plus pauvres, la levée progressive des subventions des produits alimentaires et énergétiques sera amortie par le revenu complémentaire envisagé par l'Exécutif dès 2022. Cependant, les classes moyennes, laminées par les hausses des prix des produits énergétiques et des loyers depuis 2016, risquent d'être à nouveau confrontées à des difficultés semblables à celles des plus pauvres.
Surtout lorsque l'on sait que les dépenses de logement représentent plus d'un tiers de leur budget, alors que les dépenses transport et communications, qui pèsent 16% dans l'indice des prix de l'ONS, risquent de croître si le gouvernement venait à procéder au dégraissage des subventions aux produits énergétiques. Un effet retour de manivelle n'est pas à écarter étant donné que les sous-postes "transports et autres dépenses" pour véhicules, carburants compris, représentent 5,3% dudit indice des prix.
La hausse des prix des carburants et de l'électricité de ces dernières années n'a pas été sans conséquence sur les classes moyennes ; se retrouvant souvent à devoir arbitrer entre le logement qui représente un tiers de leur budget et d'autres dépenses de consommation.
"Cette réforme annoncée va entraîner naturellement une inflation qui, à son tour, viendrait aggraver les inégalités sociales et précipiter les classes moyennes dans les mêmes difficultés auxquelles se heurtent les plus pauvres. Un dysfonctionnement du système est à craindre. Cette réforme doit se faire dans une conjoncture qui permet à l'Etat de mettre en place des systèmes de compensation aussi bien au bénéfice des pauvres qu'au profit des classes moyennes", estime Mourad Ouchichi.
L'Algérie des ni pauvres ni riches se retrouve désormais en mauvaise posture, car trop taxée et peu aidée. Cette volonté de réformer le dispositif des subventions alimente les angoisses des classes moyennes, en raison de la quasi-stagnation des revenus ces dernières années, due aux différentes crises financières qu'a connues le pays.
Et même si le niveau de vie s'est globalement amélioré ces dernières années, cela s'est accompagné d'une hausse des taxes et des charges et des dépenses injectées dans le logement, les assurances, les factures, alors que la part des dépenses libres s'est nettement rétrécie.
Ali TITOUCHE
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Posté Le : 25/10/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali TITOUCHE
Source : www.liberte-algerie.com