Pour Mustapha Kara, il n’y a aucun doute que le réchauffement de la planète représente un risque majeur pour l’Algérie. Le pays subit déjà et subira davantage dans les prochaines décennies les contrecoups du réchauffement de la planète. « Ce phénomène, explique-t-il, influe directement sur nos ressources hydriques. »
« En 2025, dit-il, nos ressources actuelles, environ 10 milliards de mètres cubes/an, seront insuffisantes pour satisfaire les besoins locaux. » Les modèles climatiques développés par le secteur de l’environnement sur l’Algérie, pour la période 1991-2025, font ressortir, selon cet expert membre du groupe intergouvernemental chargé de l’étude du phénomène, une hausse de la température moyenne qui sera comprise entre 0,8° C et 1,1° C et une baisse des précipitations moyennes de l’ordre de 10% à 20%, (l’équivalent de 2 milliards de mètres cubes en moins). L’intensification de l’évaporation due à l’augmentation de la température, s’ajoutant à la baisse des précipitations, entraînera, à la lumière de ces projections, une réduction de l’ordre de 40% de la vitesse d’écoulement annuel des eaux de surface, ce qui se répercutera particulièrement sur les capacités de mobilisation des eaux de barrages. Aussi faudra-t-il s’attendre, d’après les mêmes calculs mathématiques, à un déplacement vers le Nord à la fois des isohyètes (une courbe joignant les points recevant la même quantité de précipitation) surtout au niveau des Hauts-Plateaux et des régions steppiques et à l’avancée du désert. Concernant ce dernier point, les spécialistes s’attendent à un déplacement agroclimatique de 1°, soit de 100 km vers le nord du pays. Par conséquent, c’est toute l’option Hauts-Plateaux, retenue pour soulager le littoral et stabiliser les populations, qui peut être ainsi remise en cause. Pour un pays aride et semi-aride, comme l’Algérie, le risque de désertification est à prendre très au sérieux, souligne M. Kara. « Il faut que les décideurs prennent conscience de la gravité de la question… 2025 c’est demain », assène l’expert. Le réchauffement climatique poserait à l’Algérie une multitude de problèmes qu’il faudra d’ores et déjà penser à contenir. « Les sécheresses successives de 1974 et 1984 sont dues aux bouleversements climatiques, appelés à s’aggraver dans les années à venir, c’est-à-dire que l’Algérie et le Maroc, les calculs le démontrent, vont subir un assèchement et une désertification de plus en plus grands. » D’après le directeur de l’ANCC, les sécheresses successives, durant la décennie 1970, ont fait environ 320 000 morts dans le Sahel et le Hoggar et c’est à cette période que l’Algérie a connu ses premiers « réfugiés climatiques ». A l’horizon 2025, les flux migratoires provenant du Sud concerneront, d’après les estimations, quelque 50 à 60 millions des populations du Sud.
La réponse africaine
En guise de stratégie préconisée par l’ANCC pour contrecarrer une éventuelle pénurie des ressources hydriques, M. Kara met en avant la nécessité de mobiliser de nouvelles ressources d’eau à l’extérieur du pays, en plus de la réalisation des nouvelles infrastructures prévues par le programme du ministère des Ressources en eau. La réponse, dit-il, il faut aller la chercher en Afrique, un continent qui renferme, paradoxalement, le plus grand réservoir d’eau douce de la planète. « Si on arrive à capter 5 à 6% des eaux du fleuve Congo, cela suffirait au projet du canal transafricain qui transportera 100 milliards d’eau douce, en traversant plusieurs pays pour venir se déverser dans bassin de Melhrir », a déclaré, sans une once d’utopie, le directeur de l’agence nationale pour la surveillance des changements climatiques. Loin de partager l’« alarmisme » de M. Kara, le directeur de l’Agence nationale des ressources hydrauliques, Rachid Taibi, se veut plutôt « confiant » et « rassurant ». « Considérant l’importance des moyens mis en place par l’Etat et le programme mis en œuvre, on ne devrait pas avoir de pénurie en 2025 », répond-il. Le déficit hydrique serait largement compensé par l’apport des 12 barrages en construction jusqu’en 2020 et surtout par les stations de dessalement qui sécuriseront amplement l’alimentation en eau. « 98% de la population seront alimentées en eau en 2025 via ces dispositifs, y compris dans le scénario de l’année sèche, qui correspond à une réduction de 50% des écoulements d’eau », nous signifie-t-il. Ajoutant que dans ses prévisions, l’agence des ressources hydrauliques, qui vont jusqu’à 2030, les simulations réalisées ont été poussées beaucoup plus loin que ce que prévoient les modèles climatiques qui nous disent qu’il y aura une réduction de 10% de la pluviométrie, mais dans la réalité on a connu déjà pire que ça, avec des réductions de 30 à 40%. Ce sont autant d’éléments, affirme M. Taibi, qui n’ont pas été pris en compte dans l’analyse de M. Kara, qui seraient, d’après le directeur de l’ANRH, partis d’une vision « statique » des moyens. D’après ce responsable, les changements climatiques font l’objet, depuis trente ans, de suivi grâce au réseau d’observation hydro-climatologique et des stations hydrométriques qui permettent de constater l’évolution du débit d’eau dans les rivières et le niveau des nappes phréatiques. Lors de ces 20 dernières années, il a ainsi été constaté un recul dans l’écoulement d’eau, seulement 10 milliards de mètres cubes, et qu’en région Ouest, la pluviométrie a connu un déficit de 30%. Tout en réitérant le fait que l’Algérie demeure un pays « pauvre » en matière de ressources en eau, M. Taibi rassure quant à l’efficacité des mesures prises par l’Etat. Des mesures « d’adaptation » au changement climatique, incluant la nécessité de revoir profondément la gestion de l’eau sur laquelle il faudra encore travailler.
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Posté Le : 30/01/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : Aziri M.
Source : www.elwatan.com