Algérie

Rien n’arrive par hasard de Aomar KhennoufSur le chemin de la vie



Rien n’arrive par hasard de Aomar KhennoufSur le chemin de la vie
Publié le 07.01.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

Après un premier livre intitulé Mes transhumances Aomar Khennouf revient avec le second volet de son récit autobiographique : Rien n’arrive par hasard (Les Presses du Chélif). L’écrivain y raconte son expérience professionnelle dans le domaine du BTP, les soubresauts qui ont secoué l’Algérie des années 80 et 90, et sa rencontre avec la future mère de ses enfants. D’Alger aux Hauts-Plateaux de la Medjana, Aomar Khennouf alias Weiss Djebrane invite le lecteur à le suivre sur le chemin de la vie.

L’exil l’a toujours chatouillé. Weiss se voyait vivre sous d’autres cieux. Un peu plus au nord de cette planète, comme ses anciens copains de promo. En attendant de remplir son bas de laine pour payer son billet d’avion, il fallait travailler. C’est ce qu’il a fait !

En décembre 1981, à 24 ans, le voilà à la tête d’un grand projet sur les Hauts-Plateaux de La Medjana, Bordj-Bou-Arréridj. Il s’agit de créer un immense complexe agro-alimentaire, une tâche ardue, compliquée par l’antipathie et les multiples croche-pieds de certains collègues aigris, envieux, bêtes et méchants. «J’ai eu droit à de nombreuses impolitesses et à des postures hautaines, dédaigneuses et condescendantes à peine voilées de la part de certains subordonnés qui n’avaient de respect que pour leur ancien chef. Le coordinateur de la section syndicale ne cachait pas sa solidarité avec celui qu’il aurait aimé voir à ma place. Même le représentant du maître d’ouvrage ne voyait pas d’un œil l’irruption d’un gosse sur son projet».

Le nouveau directeur observe de drôles de comportements, dans son staff. Les équipements de protection fournis par l’entreprise pour garantir la sécurité des travailleurs sur le chantier sont revendus au marché. Une pratique généralisée, en dépit du règlement intérieur de la société. «Si je fermais les yeux sur le respect du port de bleu de travail, je renvoyais systématiquement celui qui enfreint l’obligation du port du casque. Je sanctionnais les contrevenants avec un avertissement versé au dossier. En cas de récidive, c’est d’une mise à pied de trois jours qu’ils écopent. Un jour un frimeur ayant oublié son casque a mis sur sa tête un bidon en plastique qu’il a récupéré au niveau de la cantine du chantier. Devant l’insolite spectacle qu’il offrait avec son bocal fixé sur sa tête par une mentonnière de fortune qu’il a confectionnée avec une cordelette, je n’ai pu retenir un fou rire».

Indésirable en tant que directeur, le personnel lui taille des croupières. Les médisances sur des prétendues beuveries organisées dans son logement de fonction, du faubourg de la gare (Langar) alertent les inspecteurs des services généraux qui le prennent en filature pendant plusieurs jours.

Pendant les années passées à Bordj-Bou-Arréridj, Weiss a pu décrypter les us et coutumes des habitants de cette région «... deux choses sont exceptionnelles à Bordj. D’abord cette merveilleuse tradition qui consiste à fêter l’avènement de la saison du printemps, comme l’Aïd Esseghir. Une multitude d’étals colorés de bonbons et de confiserie égaye les marchés et les commerces. Les enfants sont habillés avec de beaux vêtements traditionnels et chacun reçoit un tout petit couffin, une tallâa ; garnie de ces bonbons succulents, d’un œuf dur et des fruits. Les familles passent le premier vendredi du printemps dans les champs de verdure en communion avec la nature. La seconde chose exceptionnelle est que lorsqu’un enfant du bled décède, l’avis de sa disparition est affiché partout en ville.»

À ses heures perdues, Weiss compose des poèmes. Il en profite également pour découvrir la région et prendre des photos avec son Minolta XG1 semi-professionnel. Le service militaire se rappelle à son bon souvenir. Son instruction se passe à Arzew où il rencontre de joyeux drilles. «Dans ce contingent, nous sommes 480 conscrits futurs sous-officiers, répartis en trois compagnies (...) Nous nous découvrons rapidement des affinités. Je laisse pousser ma moustache.
Tous les amis qui m’ont précédé m’ont juré que les moustachus jouissent d’une certaine considération et sont absous du bataillon des corvées spéciales, comme le nettoyage des latrines et des cuisines, entre autres. Il semble que tout le monde connaît la ficelle. Nous sommes cent-soixante moustachus dans ma compagnie. Personne n’échappe aux corvées spéciales.»

L’idée de migrer sous d’autres cieux ne quitte pas ses pensées. Mais un événement va renverser la donne. Il fait la connaissance de sa voisine qu’il appelle Margareth. Elle est prof de français au lycée et partage avec lui sa passion pour la poésie et la littérature. Weiss hésite encore à renoncer à son rêve de jeunesse. «Mon dilemme me tarabuste et je n’arrive pas à prendre une décision. J’hésite encore. Moi l’ex-communiste dont l’ancestralité berbère s’est éparpillée entre les montagnes majestueuses des Babors et la banlieue algéroise, l’enfant d’une famille ruinée par l’OAS et les vicissitudes postindépendance, vais-je m’allier aux charmes discrets de la petite bourgeoisie des Bibans ? Malgré ma pudeur de militant de gauche, je constate à mes dépens que le cœur a des raisons que ma raison ignore.»

Weiss Djebrane finira par céder à l’amour. Une nouvelle vie commence alors pour l’ex-Algérois qui a trouvé à Bordj-Bou-Arréridj, sa ville d’adoption, paix, bonheur et plénitude.

Né à Alger en 1957, Aomar Khennouf est diplômé de l’Institut national de formation en bâtiment. Depuis sa retraite, il se consacre à l’écriture.
Meriem Guemache

Rien n’arrive par hasard, Aomar Khennouf. Les Presses du Chélif. 2023. 236 p. 1 000 DA.

MERIEM GUEMACHE



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