Algérie

Revers de quotas !


Photo : Riad
Par Amirouche Yazid
Vu et entendu à la Télévision nationale. «Nous remercions le mari pour avoir permis à son épouse d'être l'invitée de notre émission». C'est la phrase qu'a choisie, Ahmed Bensebane, journaliste-animateur à l'Unique en guise d'introduction de l'émission Vous aussi, proposée hebdomadairement aux téléspectateurs algériens. Celle du mercredi 7 mars 2012, soit la veille de la célébration de la Journée mondiale de la femme, se voulait visiblement comme une tribune pour présenter une des femmes algériennes ayant réussi dans un domaine précis. D'emblée, il faut noter qu'il y a urgence à revoir le sens des mots et des verbes. Car notre confrère animateur tenait à attribuer à son invitée «un parcours exceptionnel» là ou il n'y a rien, franchement rien, d'inédit. Car le parcours de la native des Zibans ne diffère nullement de celui des milliers et des millions d'Algériennes ayant surmonté, notamment dans le dur univers de la ruralité, les obstacles d'ordre socioculturel pour s'imposer dans leurs études et se retrouver, cheminement naturel, dans le monde du travail. Une telle conception de la réussite, au féminin comme au masculin, gagnerait ainsi à être abandonnée. Définitivement. A moins qu'on s'entête à utiliser un baromètre byzantin pour évaluer des actes de contemporains. Mais les remerciements formulés à l'adresse du mari M, à qui on reconnait -en direct de surcroit- «l'?uvre» d'autoriser sa femme F à participer à un débat télévisuel, sont encombrants. Ils révèlent incontestablement un archaïsme sans frontières au sein de notre société. Y compris là où on s'évertue à voir des signes de la modernité et de l'égalité entre hommes et femmes. C'est aussi révélateur de la vanité de la logique des quotas qui a amené le pouvoir politique à souhaiter une forte présence féminine dans les assemblées élues. C'est manifestement un sujet en vogue en cette période pré-électorale. Tout le monde en parle. Le sujet constitue même un cheval de Troie électoral. Ministres et représentants de partis politiques saluent ainsi cette logique de quotas qui devrait permettre aux femmes de se retrouver plus nombreuses au sein des assemblées élues. Il y a visiblement ceux qui soulignent que cette mesure est la bienvenue. Sans se voir obligés de crier victoire. Il y a cependant ceux qui en font leur plat saisonnier. En rappelant- à qui '-les sacrifices de la femme algérienne durant la Guerre de libération. Pur populisme de la part d'orateurs qui développent un discours contraire à l'esprit de la guerre d'Indépendance. Et ce sont ainsi les mêmes cercles qui ?uvraient pour s'accaparer l'amour de l'Algérie, qui s'agitent pour s'approprier un texte sans assise réelle. Si le modèle des quotas peut générer une représentation féminine significative dans les assemblées élues, il ne faudrait pas néanmoins omettre qu'un tel réajustement ne changera pas la réalité algérienne. Il n'est pas inutile de relever que les femmes qui seraient élues lors des prochaines consultations électorales vont intégrer des instances sans réelles forces de décision. A l'image d'une APN qui ne sert pas plus qu'à une façade de multipartisme. Et à bien y regarder, cette logique de quotas n'est pas de nature à stimuler les femmes pour renforcer leurs luttes afin d'arracher de nouveaux acquis. Autrement dit, cette logique de quotas délimite d'avance l'espace au delà duquel il n'est pas permis aux femmes d'évoluer. C'est à ce niveau que ce procédé ne fait pas qu'?uvre positive. A première vue, il renvoie la femme à un chiffre, à un pourcentage. Ce qui ne traduit pas forcément une avancée. La logique des quotas reste ainsi riche en revers. Elle sacrifie le critère du mérite et de la compétence. Il convient à cet effet de noter que des femmes se sont bel et bien imposées dans la sphère politique avant que cette représentation ne soit gérée par les textes. Louisa Hanoune est porte-voix du Parti des travailleurs sans que cette position ne soit tributaire d'un texte, ni d'un quelconque pourcentage. D'autres femmes, au prix d'une présence militante remarquable, sont également parvenues à des postes de responsabilités, qualifiés d'élevés. Moralité : la logique des quotas ne doit pas sacrifier le facteur du mérite, ce critère objectif et froid dans toute désignation ou élection.
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