Algérie

Revenir vers le Miséricordieux



Revenir vers le Miséricordieux Il faut tout d’abord examiner la place de l’homme dans la création et le sens que l’on donne à la notion de salut pour pouvoir enfin comprendre et saisir l’importance de la portée de nos actes durant notre vie ici-bas. Dans cette relation de l’homme avec Dieu, l’Islam ne met l’accent ni sur une incarnation ou manifestation de l’Absolu, ni sur la nature déchue, imparfaite et pécheresse de l’homme. Il envisage plutôt l’homme tel qu’il est dans sa nature primordiale adamique (filtra) et Dieu tel qu’Il est dans son absolue Réalité. Il est vrai que dans sa condition ordinaire l’homme se présente comme un être faible, égoïste et injuste ; il est habituellement esclave de ses désirs, de sa convoitise et de ses passions animales, ignorant le plus souvent sa réalité d’être qui fait de lui le réceptacle de la conscience universelle. L’Islam, sans aucunement méconnaître la faiblesse et les limites de la nature humaine, ne considère pas l’homme comme une volonté pervertie, mais essentiellement comme l’être qui a reçu le dépôt (amana), de cette présence divine. En cela, il est le représentant (khalifa), de Dieu sur terre. Si l’essence de l’Être divin est impénétrable et absolue, Il est, par contre, par Ses attributs (sifat), proche de toute Sa création. Par eux, l’homme se rapproche de Lui. En cela il est à l’image de son Créateur, comme un miroir reflétant de manière consciente cette présence divine. Cette nature originelle est avant tout une intelligence qui peut discerner le réel de l’illusoire, et qui d’une manière naturelle conduit à l’unité (tawhid). C’est ensuite une volonté qui peut choisir librement entre le vrai et le faux. Enfin c’est le pouvoir de la parole par lequel s’exprime la relation entre l’homme et le divin mais aussi entre lui et ses semblables. L’intelligence, la volonté, et la parole sont en leur essence les qualités divines que Dieu a confiées à l’homme et à l’aide desquelles il chemine vers Lui. Ainsi : «Les actions ne valent que par leurs intentions» a dit le Prophète Mohammed. En effet, c’est bien l’intention qui fonde la valeur des actes conduisant l’homme vers le salut ou l’éloignant de celui-ci.Elle se nourrit, se conçoit et s’appuie sur la conscience. Car en vérité la raison ne se suffit pas, elle nécessite d’être fécondée par la conscience, qui a besoin elle même d’une direction pour naître et croître. Là interviennent les enseignements spirituels et religieux qui ont accompagné l’humanité depuis toujours. Par l’entremise de l’intervention divine, à travers les prophètes, les sages et les envoyés, s’est transmis un enseignement d’éveil qui nourrit et fait croître notre conscience individuelle jusqu’à ce qu’elle se réalise dans la conscience universelle. C’est lorsque il est arrivé à cette ultime étape que l’homme s’unifie et atteint l’équilibre parfait de sa personnalité, d’où l’importance d’une éducation d’éveil ; plus notre état de conscience grandit, plus l’être que nous sommes s’affine. L’action de l’homme vertueux d’œuvrer pour le bien dans la société au sein de l’humanité devient alors une nécessité pour sa quête et un impératif dans sa relation avec le Divin, et non seulement un devoir moral ou religieux. Elle est le salut de l’âme ici bas sans attendre de récompense future dans l’Au-delà. C’est le chemin de l’Amour désintéressé qui conduit vers la paix, la fraternité et l’élévation vers le Divin, Source de Miséricorde, qui octroie à l’homme par Sa grâce salvatrice le salut éternel. Si par contre cette notion de salut s’attache à l’attribution d’une récompense future et à la crainte du châtiment éternel, elle conditionne notre comportement à suivre aveuglément un credo, un dogme, une morale comme seule voie exclusive de salut. Elle devient alors un réfèrent lourd de conséquence face à la liberté d’autrui et au respect dû à celui, différent, qui ne pense pas ou qui n’a pas la même foi que nous. Cette conception du salut ne fait pas de nous des êtres fraternels, ouverts vers l’universel, mais au contraire des êtres pensant que seuls ceux qui sont de la même croyance que nous sont dans le vrai et méritent le salut. On se prive par cette attitude de reconnaître l’immense miséricorde divine capable d’accueillir en son sein toutes les créatures. Cette diversité et ces divisions permettent à l’homme de s’interroger, de chercher. Dans le domaine de la foi, la Vérité n’est jamais figée. Cheikh Khaled Bentounès


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