Algérie

REVELATIONS D'UNE ANCIENNE HAUT RESPONSABLE AMERICAINE : «La France a financé Aqmi»



L'ancienne ambassadrice des Etats-Unis d'Amérique à Bamako a révélé que la France a versé 17 millions de dollars à Al Qaïda au Maghreb islamique pour tenter d'obtenir la libération de quatre otages enlevés en septembre 2010 au Niger. En violant la règle de non-versement de rançon, Paris et plusieurs pays européens ont participé directement au financement de ce groupe terroriste. Le gouvernement d'Amani Toumani Touré a servi d'intermédiaire.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - La France a bien versé une rançon pour tenter d'obtenir la libération des otages enlevés, en septembre 2010, dans la base de vie d'Areva à Arlit, au nord du Niger. La révélation — qui est en fait une confirmation — est de Vicky Huddleston, ex-ambassadrice des Etats- Unis au Mali et ancienne sous-secrétaire adjointe à la Défense en charge des affaires africaines. «Il y a deux ans de cela, Al Qaïda au Maghreb islamique avait pris des Français en otage dans une mine d'uranium, au nord du Niger. Et pour faire libérer ces otages, la France a payé une rançon. La rançon était d'environ 17 millions. Bien sûr, la France n'est pas allée à la rencontre de ces salafistes en leur disant : tenez, voici vos 17 millions de dollars. Les rançons, comme toutes les autres, ont été payées indirectement. Elles ont terminé entre les mains du gouvernement malien et ensuite ont été retournées, du moins une partie, aux salafistes», a déclaré la diplomate à la retraite lors d'une interview exclusive accordée, jeudi, à iTélé. La correspondante la chaîne française d'information continue à Washington demande à Vicky Huddleston de donner plus de précisions sur les otages concernés par le versement de cette rançon. «Dans le désert, là où se trouve la mine d'uranium, il y a eu une prise d'otages particulièrement réussie par Aqmi. Et afin de libérer ces otages, les Français ont payé une rançon en passant par le gouvernement malien qui a remis cette rançon à Aqmi.» Ce versement était inutile puisque la France n'a pas obtenu pour autant la libération des otages français Thierry Dol, Daniel Larribe, Pierre Legrand et Marc Féret. Débarrassée de l'obligation de réserve, la diplomate accuse non seulement la France et le gouvernement Sarkozy mais aussi les gouvernements européens qui, au total, ont versé «89 millions de dollars entre 2004 et 2011» à Al Qaïda. «C'est le chiffre dont j'ai entendu parler et que j'ai vu noir sur blanc.» Les pays européens concernés seraient l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche et, bien entendu, la France. La diplomate ne manque pas de revenir sur le rôle du gouvernement malien dirigé à l'époque par Amadou Toumani Touré. Une preuve qu'il existait bien des connexions entre le gouvernement d'ATT et les chefs terroristes. Hier, l'ancien ministre de l'Intérieur a tenté de démentir les propos de Vicky Huddleston. «Ce n'est pas parce qu'une ancienne ambassadrice des Etats-Unis déclare ce qu'elle vient de déclarer que c'est la vérité. Je maintiens que la France, l'Etat français, n'a jamais rien payé pour la libération d'otages», a soutenu Claude Guéant sur iTélé. Mais il est extrêmement difficile de démentir une personnalité comme Huddleston. «Je connais cette diplomate, c'est une vraie professionnelle et elle est très crédible», a tenu à préciser le professeur Yahia Zoubir, directeur de recherche en géopolitique à Euromed Management Marseille. «La France semble être en violation de l'esprit de la Résolution 1904 des Nations Unies portant sur l'incrimination du versement de rançons aux groupes terroristes. Cette résolution, introduite par l'Algérie, a été soutenue par les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Rappelez-vous que ce dernier a refusé de payer les preneurs d'otages du citoyen britannique Edwen Dyer en 2009, celui-ci fut d'ailleurs exécuté par ses ravisseurs de l'Aqmi. Les rançons sont utilisées pour acheter des armes et des munitions. Donc, il est certain qu'une partie des 17 millions de dollars payés par la France a permis à l'Aqmi de s'approvisionner en armes», a souligné le professeur Zoubir. Il est évident que cette sortie médiatique de l'ancienne ambassadrice des Etats- Unis à Bamako porte un coup fatal à la réputation de la France, pays engagé militairement au Mali. Yahia Zoubir y voit surtout un soutien direct aux autorités algériennes. «Mme Huddleston n'est plus au gouvernement ; donc, elle n'est plus tenue par le droit de réserve. Indirectement, elle soutient l'assaut des forces de sécurité algériennes à In Aménas qui ont refusé de négocier avec les terroristes. Cette attitude reflète celle du gouvernement américain qui a encouragé les membres de la communauté internationale à ne pas payer de rançons», dira-t-il. Alger, qui a été particulièrement réactive hier, a profité des révélations de Huddleston pour réitérer sa condamnation du versement de rançons. «Pour avoir proclamé solennellement, et à maintes occasions, sa position doctrinale qui consiste à rejeter catégoriquement le paiement de rançons aux groupes criminels, l'Algérie est déterminée à persévérer dans ses efforts, en collaboration avec certains de ses partenaires au sein de l'ONU, pour parvenir à la criminalisation effective de cette pratique qui constitue la source principale du financement du terrorisme et du crime organisé», a déclaré à l'APS le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.


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