Les Achoura se
suivent et ne se ressemblent pas au pays d'Omar khayyam. L'antique Perse vit
ces jours un des tournants les plus importants, sinon le plus important, de son
histoire.
De jeunes
iraniens ont choisi de s'opposer ouvertement à un régime qui ne leur convient
plus. Que ce soit à cause de sa désuétude, de son inadéquation avec les temps
modernes, de sa différence avec l'Occident, de son entêtement à vouloir arriver
à posséder une arme nucléaire, de la haine qu'il ne cache nullement à l'égard
d'Israël, des turbans qu'il continue à vouloir porter, du tchador qu'il impose,
de la pauvreté, des contraintes ou autre chose, il s'agit d'une révolution
d'une partie de la jeunesse iranienne contre le régime en place. Il faudrait
cependant être aveugle pour croire à une révolution spontanée et ne pas y voir
une part importante de manipulation par une partie de ce régime aidée, on ne
peut ne pas le dire, par un occident aux abois. Tout observateur aura deviné,
il y a des mois déjà, que les chosent étaient éligibles à une tournure
pareille. Depuis les dernières élections présidentielles, un clan du pouvoir
est en train de jouer sa dernière carte. Ou vaincre et prendre le pouvoir à
ceux d'en face ou alors perdre et disparaître à jamais, soit sous la botte
impitoyable de l'adversaire soit dans les antichambres des studios des TV
occidentales pour y servir de danseur d'occasions. Si certains éditorialistes
se sont pressés de mettre en valeur une quelconque «l'unanimité du monde» dans
«la condamnation de la sanglante répression des manifestations qui se
multiplient en Iran et de l'arrestation d'opposants» il est nécessaire de faire
remarquer à ce propos que ces mêmes éditorialistes ne se sont jamais sentis
concernés par une nécessaire condamnation des exactions israéliennes en terre
de Palestine.
Les deux poids deux mesures de l'occident et
de beaucoup des ses intellectuels n'est malheureusement ni une histoire
récente, ni un tatouage qui daterait de deux jours. Aussi loin que l'on
jetterait le regard dans l'histoire, cela a toujours été ainsi.
Au studio de
Pujadas Ce n'est donc pas faux de considérer avec Ahmadinedjad que, quelque
part, il est réellement question de «scénarios de sionistes et d'américains»,
des scénarios où l'on ne recule devant rien. De toute façon, le honteux montage
de Timisoara en Roumanie est encore frais dans les mémoires pour qui voudrait
prétendre à un dédouanement des sionistes et des Américains. Et si ce
stratagème n'a pas encore eu lieu à Téhéran, c'est tout simplement parce qu'ils
n'ont pas trouvé comment le reproduire. C'est ce qui explique le recours à une
autre démarche non moins honteuse et non moins dénuée de toute déontologie et
de tout respect de soi.
France 2 n'a pas
résisté à la tentation du diable. Cette chaine de télévision, connue autant
pour sa défense du sionisme que pour son mépris des musulmans, a été pêché dans
les eaux troubles de l'indécence en montrant de fausses images des
manifestations iraniennes. En effet, l'image «présentée par France 2 comme un cliché
des manifestations en Iran, dans ses JT de 13 et de 20 heures lundi, a en fait
été prise en Honduras le 29 juin dernier. La photo avait même été publiée dans
un reportage du Figaro magazine»
(www.arretsurimages.net).
Cette image était même qualifiée à dessein de
«saisissante» par France 2 qui voulait faire croire à ses téléspectateurs
qu'elle leur montrait des policiers iraniens «reculant devant des manifestants
armés de blocs de pierre». C'est à cela qu'on a droit à chaque fois que
l'hypocrisie ne pense même pas mettre des bretelles. Aujourd'hui, le procédé
malhonnête et malintentionné de France 2 est dénoncé par quelques uns de ceux
qui s'en sont sentis offusqués et la chaine pro israélienne se défend de
connaître l'origine de cette photo !!!! Comme si, en France, aujourd'hui, on
pouvait encore faire passer une image dont on ne connaît pas la provenance. On
connaît trop bien la chose pour se laisser prendre comme de simples débutants
au studio de Pujadas, n'est-ce pas David ?!
Yes, Sire !
Par ailleurs, le
jeune Obama qui donne l'impression de se faire dicter ses positions par le
lobby sioniste, qui l'a parrainé lors des dernières élections, n'a pas oublié
d'être parmi les premiers turbulents à se bousculer devant la porte des
condamnations pour s'indigner quant à la «répression sanglante» et à
«l'arrestation d'opposants». Lorsque le prix Nobel de la paix est offert en
prime pour service rendu, il n'y a rien à attendre de celui qui l'a touché.
Mais il n'y a pas
que France 2 ou, si l'on veut, il y a beaucoup de France 2 face à l'Iran. la
chaîne de télévision britannique BBC en persan (comme par hasard) ne s'occupe
pour ainsi dire que de ce qui se passe en Iran. Du matin au soir, et à l'image
de ce qui se passait pour les pays de l'ex-Europe de l'est avec la radio
«Europa Libera», les britanniques ne cessent de présenter ce qu'ils veulent et
comme ils veulent de ce qui se passe en Iran. Un jeune est renversé par une
voiture et c'est, pour la BBC, une élimination physique d'un opposant par le
régime, même s'il s'agit d'un simple accident de la route comme cela se passe à
Londres des dizaines de fois par jours. Une bagarre s'enclenche dans un lieu
public est c'est, pour la BBC, une bataille rangée entre l'opposition et les
policiers du régime... la pire c'est que lors des manifestants arrêtés dimanche
dernier, figurait un ressortissant... Britannique. Comme quoi, du côté anglais,
lorsqu'on n'aime pas l'Iran on ne se contente pas de parler uniquement. Yes,
Sire !
De mauvaises
choses...
Mais revenons en Iran. Dire que le régime en
place est blanc comme neige serait se moquer du monde aussi. Au Pays de
Mossadegh, beaucoup de mauvaises choses s'entassent et leur poids, comptabilisé
par des clans et des factions violemment opposées malgré le sourire bien affiché,
commence à se faire sentir.
Le dictat des chefs religieux, trop
conservateurs du moment que la fermeture au progrès sert leurs intérêts
individuels et de corporation, commence à peser sérieusement et à rendre
difficile l'ambition au pays du rêve et de la poésie. Si la jeunesse de tous
temps est connue pour porter les germes fertiles des changements, celle
d'aujourd'hui, et parce qu'elle a plus de moyens de savoir et donc de comparer,
porte en plus un argumentaire solide quand à la précipitation de ces changements.
En Iran, les contraintes imposées par le régime des chefs religieux réduisent
les espaces de la jeunesse à quelques activités d'embrigadement mille fois
contrôlées. Elles en font des gens égarés dans un monde qui n'est pas le leur
et c'est ce qui explique pourquoi beaucoup de jeunes iraniens ne se sentent pas
à l'aise dans leur pays. Ce cas n'étant pas particulier aux Iraniens, il y a
lieu de le généraliser à tous les régimes qui s'accrochent aux vieilles veines
lorsqu'on veut comprendre les mouvements terribles de migration de la jeunesse
qui veut s'en aller ailleurs par tous les moyens.
La lutte menée
dans la rue iranienne ces jours, n'est en fait que l'autre facette d'une autre
lutte, bien plus sournoise celle là, entre des éléments qui sont au pouvoir et
qui veulent y rester et, de l'autre côté, des éléments qui étaient au pouvoir
et qui veulent y retourner. La lutte ne peut en fait être que pour le maintien
ou la défense de privilèges. Et comme ceux qui sont en train de faire bouger
les choses connaissent les tares et les points faibles du régime, pour y avoir
participé de leur temps, il ne fait pas de doute qu'ils font mal là où ils
choisissent de taper. Il est à remarquer que ceux qui ont choisi de devenir
«les chefs de l'opposition» misent fortement sur la jeunesse et pour cause...
ils ont eux-mêmes contribué à l'oppression de cette jeunesse lorsqu'ils étaient
de l'autre côté. Ils savent à quel point les poitrines des uns sont prêtes à
exploser et à quel point leur oppression était forte dans ce pan de la
population iranienne.
Sur un autre plan, la mystification de l'imam
sur laquelle on s'appuie actuellement dans le pays où il y a le plus de chi'ite
au monde, a plus desservi le régime actuel qu'elle ne l'a servi. En effet, lors
des manifestations de Achoura dernier les «mort au dictateur» visait Khameney
c'est-à-dire le moins apte à commettre d'erreurs dans la perception chi'ite des
choses (Ma'som). Cette audace est une remise en cause, non pas du régime en
place, d'Ahmadinedjad ou de Khameney lui-même, il s'agit plutôt de la remise en
cause de la philosophie de base du chiisme, ce qui laisse croire que ce qui se
passe actuellement en Iran ressemble à un point d'inflexion essentiel dans la
vie des Iraniens.
Rien que de
mauvaises choses
Cette tournure des choses n'est pas sans
plaire à certains arabes, voisins ou pas, qui ont vu ces dernières années une
extension «colonisatrice» du chiisme aux pays sunnites. Que ce soit en effet en
Algérie, en Egypte, en Arabie Saoudite, au Maroc ou ailleurs, le Chiisme a bien
pris place aussi bien dans les mosquées que dans les amphithéâtres et les cafés
alors qu'au Yémen, la guerre engagée par les Houthiyine est une preuve de la
violence de cette conception du monde. Certes, chacun est libre de choisir le culte
qui lui convient, à condition de ne pas en gêner les autres. Cette réalité,
aussi simple soit elle, n'a malheureusement pas été prise en considération par
le régime iranien (le même depuis la fin des années 70) et cette «omission» n'a
pas été sans gêner les voisins arabes et la grande majorité des pays musulmans.
Aussi, ces derniers regardent-ils les évènements en Iran avec un sourire au
coin de la bouche.
Même en Palestine nombreux sont ceux qui
doivent sourire en ce moment vu le rôle indirect des l'Iran dans la
fragmentation des Palestiniens ce qui n'a pas été sans conduire aux graves
conséquences que l'on connait. Le mouvement Hamas qui a longtemps bénéficié de
l'appui et de l'aide de l'Iran a compris, de son côté, que la probabilité
existe que les choses puissent prendre un mauvais virage dans un temps
prochain. Ceci pourrait expliquer pourquoi le 14 décembre dernier, «Haniyeh a
appelé toutes les factions à former un vaste gouvernement d'accord national
pour mettre fin au statut de division entre les Palestiniens» et ceci pourrait
aussi expliquer pourquoi le Fatah refuse maintenant la proposition du Hamas.
Sur un air de divergence profonde
irano-iranienne, le tam-tam des médias occidentaux ne cesse de résonner en
cette fin d'année. Ce n'est pas tant ce que ces médias font qui étonne, c'est
plutôt comment ils le fait qui révolte. Que les policiers iraniens soient
qualifiés de tous les noms parce qu'ils lancent des grenades lacrymogènes
contre les manifestants, on n'en disconvient pas si les soldats de Tsahal son
qualifiés au moins des mêmes noms lorsqu'ils détruisent les maisons ou
lorsqu'ils tirent à balles réelles sur des femmes, des enfants et sur tout ce
qui bouge... mais ce serait croire réellement au père Noël que de croire qu'un
jour les médis occidentaux condamneraient Israël et les sionistes pour un
palestinien ou pour un million de palestiniens.
A quoi s'attendre
alors Il est difficile de prévoir ce qui peut arriver prochainement en Iran. Le
niveau atteint par l'affrontement entre les deux clans ne laisse pas croire à
un retour à la normale parce que désormais c'est vraiment «malheur au perdant».
Si, toutefois, les manifestations de la rue continuent et que le régime est
acculé avec plus de force, il se pourrait que le pouvoir radicalise sa
réaction. C'est justement ce qu'attendent certaines parties pour donner une
autre tournure aux choses. Il n'est pas à éloigner alors une attaque
israélienne de certaines centrales nucléaires iraniennes ou une série
d'attentats, version Irak, au coeur même de Téhéran ou des autres grandes
villes. Une révolution est en train de se passet en Iran. Elle a sans doute son
bon côté mais, comme toutes les révolutions, elle a nécessairement ses mauvais
côtés. Si elle était conçue par les iraniens pour les iraniens, cela aurait été
formidable et l'on aurait applaudi, mais ce qui fait mal dans cette histoire
c'est que c'est conçu dans les cabinets étrangers et que cela ne doit servir
que ces étrangers. Si maintenant des jeunes iraniens doivent y laisser leur
vie, cela ne fera pas pleurer des mères ailleurs qu'en Iran. «Réveille donc
toi, toi qui a l'ombre légère»... disait un jour dans ses quatrains Omar
Khayyam...
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Posté Le : 31/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Aissa Hirèche
Source : www.lequotidien-oran.com