Algérie

Retrait de médicaments : Le pharmacien et la pharmacovigilance



La série de retraits de médicaments se poursuit, après l'affaire de l'insuline Glargine qui n'a pas fini de livrer tous ses secrets puisque une éventuelle décision de retrait de cette forme d'insuline serait imminente. Le Di-Antalvic et trois sirops pour enfants ont été jugés nocifs. Le médicament entre enjeu de santé publique et enjeu commercialDes lots de flacons concernant ces trois sirops ont été retirés des marchés, français et suisse. Selon les autorités médicales des deux pays, citées par l'AFP, ces deux formes de sirop sans sucre pour enfant ont fait l'objet d'un retrait suite à une plainte d'un citoyen suisse qui a constaté une odeur très forte qui serait selon les premières analyses chimiques due à la présence de phénol, un produit potentiellement toxique formé dans le flacon par dégradation de certains produits de conservation. Pour le Di-Antalvic, alors qu'aux Etats-Unis une décision de retrait de médicaments à base de DXP (dextropropoxyphène) a été prononcée en janvier 2009 par un comité d'experts de la FDA, en Europe, il a été retiré dans un premier temps au Royaume-Uni et en Suède à cause des taux anormalement élevés de morts par intoxication médicamenteuse liée à l'association du DXP avec le paracétamol. La décision de l'EMEA (agence européenne d'évaluation des médicaments), fondée en partie sur le taux de mortalité par surdosage, ferait suite à une action de la revue Prescrire qui a sollicité la commission européenne pour que les représentants des 27 Etats membres de l'Union européenne au sein du CHMP se prononcent rapidement sur le retrait ou non des antalgiques à base de paracétamol et de DXP en France.Alors que certains avis du milieu sanitaire français sont contre cette décision de retrait du médicament vu sa balance bénéfices/risques possibles et la faiblesse du risque suicidaire par l'association paracétamol-DXP en France, d'autres avis se réjouissent de cette décision et dénoncent l'influence des industries pharmaceutiques sur les organismes de contrôle sanitaire français pour le maintien de ce médicament vu l'enjeu économique qu'il représente puisque avec 65 millions de boites vendues par an, la France représente 95% du marché des antalgiques à base de DXP et de paracétamol. Cette série de retraits récentes n'est que le prolongement naturel d'une longue liste de retraits qui ont jalonné l'histoire passionnante des médicaments.En effet, plusieurs médicaments ont connu ce sort ingrat, introduits au marché avec un AMM (autorisation de mise au marché ) après des essais cliniques et toxicologiques longs et fastidieux, ils y seront retirés parfois après une longue période d'utilisation cas par exemple du Locabiotal, Lysopaïne à cause de risques non négligeables pour les patients, généralement des effets secondaires imprévus qui n'ont pas été révélés par les trois premières phases d'études avant AMM et ne sont apparus qu'après des études de données issues de pharmacovigilance ou d'études de phase IV (post- AMM). Dans le tableau (en bas de page), nous retrouvons, par ordre chronologique, les retraits les plus célèbres depuis 1960.Les différentes phases des essais cliniques d'un médicamentAprès la phase préclinique, qui consiste essentiellement à déterminer la DL50 de la molécule (la dose létale 50) ainsi que les effets du futur médicament sur les cellules et sur l'animal aux niveaux comportement et biologique, le futur médicament subit des essais cliniques effectués pendant une période allant de 5 à 10 ans, qui se déroulent généralement en quatre phases distinctes :  Etudes de phase I : Au cours de cette phase, on passe des essais sur l'animal aux essais sur l'homme ; on y évalue la tolérance et l'absence des effets secondaires sur un groupe limité de sujets volontaires sains (20 à 80 personnes) rémunérés pour cela ou sur des patients dits en impasse thérapeutique, pour lesquels le traitement proposé reste la seule alternative de survie (cancer, sida). Etudes phase II :Toujours sur l'homme, cette fois sur un groupe plus important (de 20 à 300 participants), cette phase concerne la détermination de la dose optimale du médicaments et le contrôle de ses effets secondaires.  Etudes phase III :Cette phase fait appel à plusieurs milliers de personnes volontaires. Elle consiste en une étude comparative d'efficacité en double aveugle par rapport à un placebo ou un médicament de référence. Les études de phases III sont des programmes très coûteux, financées généralement par les compagnies pharmaceutiques, les enjeux économiques qui en découlent sont à l'origine de plusieurs cas de dérives en matière d'éthique dans le déroulement de ces études. Etudes de phase IV :Dans la vie d'un médicament, les phases qu'on vient d'énumérer sont des études à court terme. En revanche, ceux de la phase IV (de post-AMM) sont des études à long terme, le médicament quitte les laboratoires et l'environnement scientifiques des tests contrôlés sur des sujets sélectionnés et se retrouve dans les circuits du marché des médicaments et l'utilisation à grande échelle. Cette dernière phase, qui peut durer parfois plus longtemps que toutes les autres phases réunies, consiste en un suivi à long terme, afin de détecter d'éventuels effets secondaires rares ou certaines complications tardives graves . Au cours de cette phase, la pharmacovigilance est l'instrument clinique de choix qui permet de concrétiser cet objectif. Elle est définie par L'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « la science et les activités concernant la détection, l'évaluation, la compréhension et la prévention des effets indésirables, ou de tout autre problème éventuel lié aux médicaments ».Le rôle du pharmacien d'officine dans la pharmacovigilance Le rôle du pharmacien d'officine est de sécuriser son conseil et sa dispensation, substituer un générique à une spécialité onéreuse, et enfin prodiguer l'information nécessaire sur les médicaments prescrits afin d'en améliorer l'observance. Il ne se limite pas uniquement à ces prérogatives qui lui sont propres. Mieux, il contrôle l'emploi de ces médicaments pour évaluer leur efficacité et leur sécurité dans le temps. Le pharmacien d'officine a une responsabilité déterminante dans cette tâche. Par le biais justement d'une des nombreuses disciplines de l'exercice officinal, la pharmacovigilance est considérée comme un indicateur du niveau de qualité des soins dispensés dans un pays et de sa politique de santé. Les programmes nationaux de pharmacovigilance permettent d'identifier les travaux de recherche nécessaires pour mieux comprendre et traiter les maladies causées par les médicaments. Le pharmacien d'officine en tant que membre de l'équipe de soins dispose d'atouts, que les autres membres ne possèdent pas : Proximité et facilité d'accès. Gestion et suivi des traitements notamment dans le cadre du tiers payant . Capacité de fournir la liste de tous les produits pris par un patient.  Facilité d'usage de l'outil informatique.  Le pharmacien est une source d'informations fiables et exploitables. Avec son niveau de formation, le pharmacien est capable d'assurer une détection précoce des nouveaux EIM et autres problèmes liés aux médicaments et d'identifier certains sous-groupes de patients présentant des sensibilités exceptionnelles.En ce qui concerne notre pays, si les études de phases I, II et III sont difficilement réalisables pour des raisons évidentes d'insuffisance en matières de politiques de financement ainsi qu'en infrastructures et moyens technologiques, les études de phase IV ne nécessitent pas de gros moyens pour leur réalisation, compte tenu des orientations de notre pays dans sa politique de promotion du génériques et de la production pharmaceutique locale. Donner à la pharmacovigilance l'importance qu'elle requiert dans notre système de santé est primordiale pour la qualité des soins. En effet, seule une politique de contrôle poste AMM avec un réseau de pharmacovigilance efficace et performant nous permettra d'assurer à nos concitoyens une sécurité optimale des soins, en particulier le médicament. Nous nous limiterons ici à citer les recommandations de la FIP qui, dans sa déclaration la (Fédération internationale des pharmaciens) FIP approuvée par son Conseil en août 2006 au Brésil, reconnaît le rôle-clé du pharmacien d'officine dans la phase post-AMM. Les pharmaciens, souligne-t-elle, quel que soit leur mode d'exercice, sont les professionnels de santé qui sont les plus à même de rendre efficaces les programmes de pharmacovigilance et propose les recommandations suivantes :Les intervenant dans la formation des pharmaciens doivent 1 - S'assurer que les programmes de formation abordent l'importance du rôle du pharmacien dans la pharmacovigilance.  2 - L'étude de la contribution du pharmacien et de la profession pharmaceutique devrait aussi couvrir les diverses disciplines pharmaceutiques qui permettent de mieux appréhender la sécurité des médicaments.Les pharmaciens en exercice doiventPrendre conscience du rôle essentiel qu'ils doivent jouer dans le contrôle de la sécurité d'emploi des médicaments. Le rôle du pharmacien dans la pharmacovigilance varie d'un pays à l'autre, toutefois la responsabilité professionnelle reste identique, quel que soit l'environnement juridique.Les associations de pharmaciens doivent Négocier avec les gouvernements pour élargir l'autorité du pharmacien et sa responsabilité fondamentale dans le domaine de la pharmacovigilance. Cette négociation devrait comprendre : 1. La promotion du rôle du pharmacien auprès des consommateurs et des prescripteurs. 2. L'inclusion des activités de pharmacovigilance dans les programmes de formation continue et de développement professionnel continu. 3. Le versement d'une rémunération et la fourniture d'outils à l'appui de cette responsabilité élargie.Il faudrait que les gouvernements et les agences officielles en charge du médicament : reconnaissent le rôle essentiel des pharmaciens dans la pharmacovigilance, et s'assurer que les ressources et les mesures incitatives nécessaires sont bien orientées de manière à tirer un bénéfice maximum de la participation des pharmaciens ; fournissent une méthode de déclaration concise, par voie électronique, et compatible avec l'exercice de la pharmacie ; cherchent à sensibiliser davantage aux EIM et autres problèmes liés aux médicaments, en mettant l'accent sur leur importance, leur reconnaissance, leur gestion et leur prévention. Cette sensibilisation étant importante pour encourager une prescription plus sûre et plus rationnelle ; fassent du pharmacien le principal responsable de la collecte des données de pharmacovigilance, tout en lui offrant les outils nécessaires et une juste rémunération.L'auteur est Docteur Pharmacien d'officine-Diplômé de la Faculté d'Alger


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