Algérie

Retour sur une tripartite… politique


Retour sur une tripartite… politique
La présence du DG du BIT à la tripartite de Biskra a reflété clairement la volonté des gouvernants de souligner à l'adresse de la communauté internationale «la nature sociale et démocrate de l'Etat algérien moderne».Biskra a donné raison au secrétaire général de l'UGTA qui tenait à ce que la 18ème tripartite soit un «rendez-vous éminemment politique.» Objectif donc atteint par Abdelmadjid Sidi Saïd qui a précisé avec insistance ce caractère prononcé de cette rencontre. «La participation du directeur général du BIT à cette 18ème tripartite est un acte de confortation et de respect du processus du dialogue social que nous avons initié par une première bipartite en octobre 1990 et par une première tripartite en novembre 1991,» a-t-il dit, jeudi dernier, à Biskra, à l'ouverture de la rencontre des partenaires sociaux, gouvernement, UGTA, patronat. Il a qualifié ce partenariat d'«assemblée du tripartisme qui symbolise l'acte civilisationnel du compromis». Il a fait savoir à l'invité de l'Algérie, Guy Ryder, que «cette solidité de l'esprit constructif» a été bâtie «difficilement (…) particulièrement durant les périodes cruciales telles que celle du terrorisme(…), grâce à cette volonté animée par le patriotisme et la conviction des acteurs de la tripartite, notamment durant cette période difficile dans les domaines politique, économique et social et dans un contexte d'absence de solidarité internationale». Il lui précisera que «la ferme détermination des partenaires sociaux à porter le consensus social a fortement contribué à la stabilité sociale et à l'assise de la paix, notamment par la réconciliation nationale initiée par le président de la République». «La participation collective des partenaires sociaux dans le processus de la réconciliation nationale a été un facteur significatif dans la protection des valeurs républicaines et démocratiques au sein de notre société (…)». Le SG de l'UGTA a ainsi tenu à souligner à l'attention de son hôte : «n'oublions pas que notre pays a affronté le terrorisme en consentant d'énormes sacrifices humains par 200 000 martyrs du devoir républicain dont un millier de syndicalistes (…) ; en plus de ces pertes humaines irremplaçables, nous avons subi des destructions de structures économiques et sociales évaluées à 24 milliards de dollars». Ceci est un rappel de Sidi Saïd de «l'histoire récente d'un pays auquel le monde entier a tourné le dos pendant les longues années de terrorisme qu'il a vécu.»SIDI SAID VEUT CHARMER LE BITIl l'a fait à l'attention de son hôte, avec en option, les actions, objectifs et défis que se fixe l'Algérie en mettant en avant le pacte national économique et social qui, a-t-il dit, «a été promu en pacte national économique et social de croissance en 2014» pour consacrer «l'accélération du développement de l'outil national de production, la mise en valeur de la gouvernance économique et enfin la promotion du progrès social et de la dimension humaine à travers l'amélioration des conditions de vie et du travail des travailleurs, des retraités et de leurs familles». Sidi Saïd donnera d'autres éléments «nationaux rassurants» au DG du BIT entre autres «notre attachement au dialogue social(…) face à la crise mondiale multiforme (…), afin de mettre en évidence les politiques adéquates et d'établir des stratégies d'actions communes pour renforcer le pouvoir d'achat, la protection sociale et l'entreprise source de richesses dans la durée(…) ; à ce titre, l'espoir, l'avenir et la sécurité économique nationale et sociale, sont aujourd'hui au centre de nos actions pour construire une économie équitable, juste et durable.(…), d'où l'exigence de valoriser et de faire confiance à l'entreprise, qu'elle soit publique ou privée(…), l'objectif étant d'inscrire notre industrie dans une dynamique d'autonomie de notre économie vis à vis de la dépendance des hydrocarbures(…) pour entrer dans le groupe des économies émergentes avec une économie nationale à forte croissance». Le tout, lui explique-t-il, «nous porte sur la nécessité de nous diriger vers un développement durable, c'est-à-dire une économie non seulement soucieuse des aspects liés à la protection de l'environnement mais aussi garante de la cohésion sociale.» Le SG de l'UGTA a ainsi tenu à faire savoir au responsable de l'une des plus importantes organisations internationales qu'est l'OIT, que l'Algérie a vécu «son printemps noir durant le terrorisme» mais «s'est relevée toute seule et s'est fixé des objectifs précis qui prennent en compte tous les indicateurs imposés par la communauté internationale pour s'assurer la paix sociale et la sécurité».LE CLIN D'ŒIL DE RYDER POUR «LA LIBERTE SYNDICALE»Le DG du BIT prend acte, en tant que premier responsable d'une organisation, «que vous avez choisi comme témoin de votre rencontre.» Guy Ryder estime alors que «l'esprit de votre pacte et le mandat de l'OIT sont étroitement liés». Ryder préconise en outre, que «le système multilatéral dans son ensemble doit soutenir les initiatives nationales telles que la votre dans un esprit de solidarité et d'équité(…). Je vous encourage donc à continuer d'aller de l'avant, à bâtir sur vos remarquables acquis (…).» Seul bémol du DG du BIT, c'est lorsqu'il a affirmé que «c'est un début d'une dynamique dont le succès dépendra du renforcement des conditions essentielles du dialogue social en Algérie, notamment la poursuite du renforcement de la liberté syndicale et des relations professionnelles dans leur ensemble et la consolidation du code du travail». Ceci, pour reprocher insidieusement aux partenaires sociaux que l'UGTA reste toujours le seul et unique syndicat à être admis dans la sphère de la concertation et du dialogue social.La présence du DG du BIT à la tripartite de Biskra a permis cependant aux gouvernants de souligner clairement à l'adresse de la communauté internationale «la nature sociale et démocrate de l'Etat algérien moderne voulue par ses pères fondateurs et exprimée dans l'appel du 1er novembre 1954 dont nous célébrons dans quelques jours le 61ème anniversaire», comme souligné par le 1er ministre dans son allocution d'ouverture. Abdelmalek Sellal a complété ainsi l'intervention de Sidi Saïd en précisant que même si l'Algérie voit ses ressources financières se contracter, elle s'impose comme principes «ne jamais transiger avec l'indépendance et la souveraineté nationale, ne reconnaître d'autre pouvoir que celui du peuple, ne jamais abandonner le faible et le nécessiteux». Le 1er ministre expliquera que «la gestion rationnelle des finances publiques et les décisions d'anticipation prises permettent à l'Algérie de mieux encaisser la baisse brutale des prix du pétrole. A nous maintenant de transformer cette capacité de résilience en levier de transformation de notre économie vers la création de richesses et d'emplois.»LES DISCUSSIONS «TRENTENAIRES»Sellal confortera Sidi Saïd dans son rappel de l'histoire et affirmera que «les Algériens ont balayé le colonisateur et ont opposé à la barbarie et l'obscurantisme la paix et la réconciliation nationale(…) ; ce n'est certainement pas une conjoncture économique, certes difficile, qui nous empêchera de bâtir une Algérie du 21ème siècle avec une économie réellement émergente.» Il préviendra toujours comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises que «nous savons tous qu'il y aura des résistances au changement auquel les habitudes ou les intérêts essayeront de s'opposer, mais on ne peut échapper à notre devoir de construire une économie forte sans compromission.»Ce recentrage politico-économique est voulu aussi par le 1er ministre pour répondre «à ceux, dit-il, qui se complaisent dans la critique et poussent au renoncement et à la démission collective(…)». Le reste, tout le reste de ce qui a été évoqué comme questions, mesures ou propositions pour réussir «le pari d'une croissance positive et d'un développement durable» n'est qu'un copier-coller des ordres du jour et discussions de toutes les tripartites précédentes qui se sont tenues tout au long des ces deux dernières décennies. Ce sont des redondances «trentenaires» pour reprendre un des propos du président de la CAP (Confédération algérienne du patronat). «Sortir du carcan des hydrocarbures, on en parle depuis, pas 10 ans, pas 20 ans mais depuis 30 ans(…), tout le reste est accessoire,» a noté Marakchi. Sellal lui répond, entre autres «nous aurons prochainement une réunion avec les 5 organisations patronales pour définir toute l'action que nous aurons à mener.»«NOUS NE CHANGERONS PAS NOS BILLETS DE BANQUE»Les travaux de la tripartite ont duré jusqu'à un peu plus de 13h, c'est-à-dire près de quatre heures durant lesquelles le 1er ministre répètera au moins 5 fois que «l'Etat algérien ne compte nullement changer les billets de banque, l'Emir Abdelkader mourra ici ! (référence à l'effigie de la monnaie nationale).» Pour lui, une telle rumeur est pour «pousser les gens à changer leur argent pour le transférer en dehors du pays.» Il est pourtant clair qu'un pays peut penser à changer sa monnaie lorsqu'il bute contre une importante contrefaçon de ses billets ou alors n'arrive pas à formaliser des masses d'argent qui tournent en dehors de ses circuits bancaires et financiers légaux. En fait, l'appel pressant du gouvernement à la bancarisation de l'argent informel n'a toujours pas eu l'écho escompté au sein des «trabendistes». Le 1er ministre a tenu à le réitérer à partir de Biskra et à promettre d'ailleurs encore une fois que les acteurs de l'informel (s'ils déposent leur argent dans les banques, ndlr) «il n'y aura contre aucun d'entre eux aucune poursuite ni bancaire, ni fiscale, ni judiciaire.» Il leur conseille même «enrichissez-vous, vous allez enrichir le pays.» Sellal dit «notre décision, notre rôle, notre défi c'est de créer des entreprises productrices de richesses.» Et «la seule manière d'aller au combat, parce que c'est un combat,» a-t-il dit «c'est que toutes les communes créent leurs zones d'activités industrielles et libèrent l'accès au foncier, ça suffit ! Il n'y a pas de problèmes de foncier, il y a une mauvaise vision, les walis doivent se débrouiller !» Sellal annonce une restructuration des domaines avant avril prochain. «Il y aura un check-up du contentieux des domaines en matière de concessions et de cessions, wilaya par wilaya,» a-t-il dit.«LES SGP, C'EST FINI !»Le président de la CGEA (Confédération générale des entrepreneurs algériens) lâche sans hésiter «nous n'avons pas d'industrie, il va falloir avoir une stratégie.» Le 1er ministre rebondit «la première usine privée de production de ciment se trouve à Biskra et entrera en production d'ici à la fin de l'année, dans peu de temps, on exportera du ciment, de l'acier et même du fer.»Le président du FCE, lui, relèvera entre autres «le décalage entre la volonté affichée au plus haut niveau de l'Etat d'adapter nos modes de gouvernance aux nouvelles réalités économiques et sociales et la lenteur de notre organisation administrative à les assimiler et à les traduire dans les faits.» Haddad proposera l'ouverture «d'un débat national d'où émergera, comme nous le souhaitons, un consensus sur la place, le rôle, les droits et les devoirs des principaux acteurs du développement national». Encore une proposition «trentenaire» quand on sait que le pays a, à plusieurs reprises, abrité des conférences économique et sociale qui devaient construire ce consensus mais en vain.Après l'intervention du PDG de Cosider, le 1er ministre affirmera «l'entreprise publique est un groupe où le ministre est la tutelle politique, le chef doit s'occuper de la stratégie et l'entreprise doit s'occuper de la production, c'est un management clair, il ne faut pas qu'il y ait des excès ! J'en parlerai un jour». Il recommande aux gestionnaires publics «gérez-bien ! Laissez l'entreprise produire ! Le meilleur manager ne peut gérer plus de 9 personnes, il faut voir dans ça ! Il exigera «votre gestion doit être privée, vous appliquez les règles de production privées, les SGP et autres, c'est fini !» » L'idée de la création de filières et de filiales semble être retenue pour revoir encore une fois l'organisation du secteur public. Le ministre des finances appelle ça de «la chirurgie fine».«LES CLANDESTINS NOUS CREENT DES PROBLEMES»Le président de la CGB-BTPH (Confédération générale du patronat du bâtiment) se plaindra de l'affluence des migrants clandestins vers les chantiers. «Les émigrés clandestins venus de certains pays africains commencent à nous créer des problèmes,» dira-t-il. Il n'expliquera pas de quoi s'agit-il. Sellal ne relèvera d'ailleurs pas mais se contentera de demander «veillez à la qualité quand vous construisez !» Le président de la CACI a revendiqué «l'allégement de la fiscalité pour créer des emplois et des richesses. Laïd Benamor fera savoir qu' «on exporte pour 40 millions d'euros de dattes alors que nos voisins en exportent pour 80 millions d'euros». Entre autres réactions de Sellal, «la CNMA doit aider les agriculteurs à obtenir des crédits, elle doit les accompagner.» Mais, affirme-t-il à l'attention des entrepreneurs, «on vous compte sur les doigts, tirez l'économie, il faut une révolution de la création d'entreprises.»Le ministre des Finances résumera encore une fois la situation financière du pays par un propos simple «nous sommes dans un jeu de vigilance.» Il en explique l'esprit : «les mesures de gel ou de report n'ont pas touché l'essentiel, nous avons gardé le seuil de nos réalisations de logements, à savoir entre 2 500 et 2 600 milliards de dinars par an, on y est et on y sera,» Il est question de diminuer, selon lui, de la marge détenue par les partenaires étrangers. «Nos entreprises publiques peuvent gagner sur cette dépense publique(…) ; nous ne sommes pas à l'austérité mais à la rigueur budgétaire,» note-t-il. Benkhalfa veut que l'assiette fiscale soit élargie pour pouvoir diminuer la pression fiscale et aller à l'émergence de filières, parce qu'affirme-t-il, «le PIB est trop exigu pour un pays continent comme l'Algérie».Le ministre continue, «nous nous engageons dans un nouveau modèle économique, on doit sortir progressivement du budget pour aller vers le marché». Il indique que «l'équipement sera toujours en tête» et rassure que «les banques publiques ont remplacé par l'épargne privé ce que nous avons perdu en épargne de Sonatrach.»SELLAL NE VEUT PAS DE RETRAITE ANTICIPEELe Professeur Chemseddine Chitour conseille que «la promotion du développement durable doit être faite par les APC (…), il faut créer l'éco-citoyen de demain, ça commence à l'école». Le professeur note que «de l'ébriété dans laquelle nous sommes, nous devons passer à la sobriété, il faut aller vers les énergies renouvelables, il y a beaucoup à faire». Il suggère même la mise en œuvre d'un baccalauréat en développement durable».Le 1er ministre affirme «on sait où on va jusqu'à 2030 ; nous avons des hypothèses basses et des hypothèses hautes, on n'a pas dit que c'est la rente qui va financer l'économie mais qu'il faut accélérer le processus de reconversion». Il avouera au passage qu' «à Hassi Messaoud, on exploite 18% de nos capacités, on demande aux experts de réfléchir pour des initiatives pouvant nous permettre d'atteindre 28 à 29%». Il rappellera aussi qu'il n'est pas question de permettre une retraite anticipée à… 48 ans. «Ca ne frôle pas l'esprit(…), d'autant que la CNR est déficitaire, nous avons été obligé de puiser dans les caisses de la CNAS pour payer les pensions». Autre déclaration du 1er ministre, «on n'arrête pas les importations, mais on revoie la structure et on augmente les prix de certains produits importés, celui qui veut manger du kiwi, il le paiera plus cher». Il conclura «nous ne sommes pas un gouvernement de misère».Il faisait très chaud à Biskra. A la pause-déjeuner, après avoir bien mangé, les invités de la tripartite ont tous ou presque, afflué vers un point précis, celui dans une palmeraie privée où il leur a été remis des boîtes de la belle Deglet Nour. Les rares personnes qui n'y ont pas eu droit étaient restées à l'ombre d'une kheima pour savourer les dernières cuillères d'une excellente Tchakhtchoukha que seules les Biskriettes savent préparer.


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