Algérie

Retour sur la fausse bonne idée de «100 locaux commerciaux par commune»



Annoncé officiellement en octobre 2003 lors d'une réunion sur l'emploi entre le chef de l'Etat et les walis, le projet de 100 locaux par commune attendra trois autres années la mise en place du cadre juridique. Une démarche «égalitaire» et bureaucratique critiquée par des experts en développement.
Ils n'ont pas été entendus. A l'heure où les élections communales approchent, le point sur ce qui a été une fausse bonne idée.
L'idée était généreuse et intéressante en apparence : les 1541 communes du pays devaient réaliser 100 locaux chacune pour héberger des activités artisanales ou commerciales devant créer 300.000 emplois. Un objectif tentant dans le cadre de la création d'activité dans toutes les contrées du pays, de la résorption du chômage et de la lutte contre le marché informel. Le projet se basait également sur sa capacité à drainer les aides consenties aux jeunes et moins jeunes dont les porteurs de projets pour l'auto-emploi dans le cadre de l'Ansej, l'Angem et la Cnac. Pour ses concepteurs, cela pouvait également participer d'une amélioration de l'environnement et de l'urbanisme commercial dans les petites communes. Les chantiers de construction des locaux eux-mêmes étaient une occasion de soutenir les petites entreprises locales. D'un point de vue plus stratégique, le programme consacrait la participation des collectivités locales au développement économique local et pouvait les habiliter à passer à la vitesse supérieure en matière de compétitivité des territoires et d'attractivité économique. Pour toutes ces raisons, le programme était défendable sur le papier.
DES TENTATIVES DE REDRESSER LA BARRE
A mi-parcours, des efforts avaient été fournis pour tenter de redresser la barre et de récupérer le programme. Les obstacles d'ordre bureaucratique ont été les premiers à avoir été désignés. La distribution des locaux aurait été confrontée à des contraintes d'ordre réglementaire, qui selon les gestionnaires du projet ont été levées suite à la promulgation le 16 mars 2011, du nouveau décret exécutif régissant les 100 locaux. Celui-ci levait toute conditionnalité, y compris celle relative aux activités commerciales, pour l'accès aux locaux pour les jeunes réalisés dans le cadre du programme "100 locaux par communes". On en attendait une accélération de l'opération de distribution du reste des locaux réalisés et la création d'un nombre important de postes d'emplois. Aujourd'hui bon nombre de ces locaux demeurent, à ce jour, inexploités. Selon le ministre, une enquête est en cours sur ces locaux.
DES ACTEURS MECONTENTS
Au bout de trois ans de mise en 'uvre, le projet semble avoir fait faillite et il a fini par être stoppée. Le premier à le reconnaître est le responsable du secteur de l'intérieur et des collectivités locales qui en a la charge. Lors des réunions qu'il a tenues courant octobre avec les walis du Centre, de l'Est et de l'Ouest du pays, M. OuldKablia a reconnu qu'il est toujours très gêné lorsque le président de la République lui demande où en est l'opération des 100 locaux commerciaux par commune. En effet, sur les quelque 117 000 locaux réalisés, seuls 74 000 ont été attribués. Dans ce chiffre-là, le nombre de ceux qui sont réellement opérationnels doit certainement représenter une part extrêmement réduite. Du point de vue financier, les sommes allouées au programme frisent les 200 milliards de dinars entre autorisations de programme et crédits de paiements. Seul 63,8 milliards de DA, soit près de 70% des crédits accordés ont été consommés.Les données partielles recueillies mettent en avant un mécontentement de l'ensemble des acteurs du programme. Les présidents d'APC qui les ont construits se plaignent d'avoir été embarqués dans ce programme sans aucune forme de participation. Dans la plupart des cas, les élus des petites communes se sont retrouvés avec des locaux quasiment inexploitables parce que non encore achevés, non raccordés aux réseaux ou tout simplement totalement non attractifs pour les jeunes de la commune qui considèrent que leurs localités ne présentaient pas un potentiel commercial avéré. En effet, l'idée de mettre une petite commune rurale et un grand centre sur un pied d'égalité n'était pas forcément la meilleure.
LE PROGRAMME A MANQUE D'AUDACE
L'idée d'une meilleure répartition a soulevée par des experts en développement qui ont préconisé une répartition moins administrative. Il était, selon eux, possible d'envisager ce programme dans un développement intercommunal qui aurait consisté à construire des locaux dans les communes importantes, même si c'est plus de 100 et de consacrer l'équivalent budget à la satisfaction de besoins plus urgents tels que les infrastructures de base pour les communes "non commerciales". Cela aurait été un deal qui aurait profité à des groupes de communes qui auraient ainsi été initiées à des programmes plus audacieux de développement intercommunal. Il aurait été même possible de réserver des quotas de locaux pour les résidents de petites communes limitrophes des centres plus importants en termes de population et d'attractivité commerciale. Autre coup de pied au chauvinisme local et bon apprentissage de la démocratie participative. La démarche bureaucratique qui a caractérisé ce programme est une caricature du genre. Elle a, sans le dire vraiment, fini par imposer une forme de planification qui ne pouvait réaliser qu'un modèle de local jugé souvent, du fait notamment de son exiguïté, comme impropre à la plupart des activités prévues par les porteurs de projets. L'opération de résorption du commerce informel ne tombe pas vraiment à pic pour sauver le programme. Il est prévu que les jeunes qui exercent dans l'informel soient intégrés dans le circuit formel par le biais du programme des cent locaux. Mais rien ne peut présager que les blocs de petites boutiques mal finies alignés tristement dans la plupart des petites communes, où leur vacuité est encore plus perceptible, puissent un jour se transformer en marchés de proximité achalandés et rutilants de couleurs.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)