Algérie

Retour de manivelle'



Retour de manivelle'
[Que sont les révolutions tunisienne et égyptienne dévenues']Que sont les révolutions tunisienne et égyptienne dévenues'
En cette fin de semaine, les regards du monde sont tournés vers la Tunisie et l'Egypte. Les deux seuls pays qui aient échappé jusque-là à la destruction programmée par le printemps arabe. Un air de provocation se fait sentir dans ces deux pays frères. Ici c'est une exposition d'art, aux desseins inavoués, qui met le feu aux poudres, à une stabilité très fragile; là c'est l'amputation et la dissolution du Parlement et la promotion du candidat revenant, homme fort du système Moubarak, qui risquent de mettre le feu à un pays où tout est encore précaire. On a comme le sentiment qu'il y a un retour de manivelle quelque part.
Tunisie: l'état du coup
Le peuple frère tunisien a opté pour un changement. Il n'appartient à personne de lui dire quelle route prendre, ni pourquoi, ni comment. A un moment aussi crucial de leur présent et aussi déterminant pour leur devenir, les Tunisiens attendent de leurs frères et amis plutôt l'aide que le conseil. Mais, malheureusement, de nos jours, les amis, qui peuvent mettre la main à la poche, la ressortissent toujours avec deux ou trois sous et beaucoup de conseils à caractère obligatoire, alors que les frères préfèrent, quant à eux, ne prodiguer que les conseils, la main sur le coeur, c'est-à-dire trop loin de la poche.
Victime d'une part, entre ceux qui se précipitent pour pousser la Tunisie dans un univers incertain, aux lendemains dangereux, et ceux d'autre part, qui se dépêchent de l'empêcher de prendre la route qui lui convient le mieux, le présent de ce pays inquiète et son avenir fait peur. Ce serait dommage, vraiment dommage que le désir du peuple lui soit confisqué, que les sacrifices consentis pour sa liberté soient comptabilisés parmi les pertes inutiles.
Ce qui se passe en Tunisie n'est pas clair, seuls les contours de mauvais desseins se configurent progressivement, des contours qui ne veulent aucun bien au pays. Passent encore les manifestations répétées et les heurts violents avec les forces de l'ordre, pour un oui, pour un non, mais là où cela devient inquiétant c'est à partir du moment où tout est fait pour mêler le religieux à toutes les bêtises humaines.
Des individus, que personne n'a mandatés, s'érigent en décideurs pour ce que doit être le système de valeurs de la société et sa culture et s'en vont demander, en force, l'application de leur dérive comme constante du pays. D'autres, que personne n'a sonnés, s'autoproclament prêcheurs d'une fausse morale laïque et s'en vont provoquer avec de bas graffitis qu'ils surnomment «exposition d'art», une tranche de la population. Pourquoi en est-on arrivé là' Et comment' Le temps le dira certainement et lèvera le voile sur les véritables commanditaires.
En attendant, ce ne sont certainement pas les Tunisiens sages et soucieux de la stabilité et de l'avenir de leur pays qui seraient à l'origine aussi bien de la provocation que de la réponse apportée. Cela sent la manipulation d'un côté comme de l'autre. Une manipulation au moment où le pays tente de mettre pied sur la première marche du chemin de l'avenir, en tant que société libérée du joug de la dictature et épanouie dans le pré du respect de l'autre.
Les responsables du Parti Ennahda semblent avoir bien saisi l'enjeu et le risque, et le fait d'avoir annulé in extremis leur appel, lancé précédemment à manifester pour hier vendredi, les crédite d'un bon point. Dans l'attente de voir comment ils vont s'y prendre pour éviter au pays des tournures des plus dangereuses, il reste à comprendre le pourquoi de ce coup où il y a manifestement une atteinte délibérée à conviction d'autrui. Sont-ce les restes de l'ancien système qui tentent d'empêcher la perte définitive de leur mainmise sur le pays ou bien est-ce une partie quelconque qui s'oppose au fait que ce soit un parti religieux qui ait gagné les élections' Est-ce une réelle crainte de l'inconnu ou bien une haine envers le religieux et la religion' Il ne fait pas de doute que le temps donnera réponse à toutes ces questions.
Egypte: le coup d'Etat
Nous avons souligné depuis quelque temps (L'Expression du 31 mai 2012) que l'élection présidentielle risque de causer des soucis aux Egyptiens et de déstabiliser leur pays pour une longue période. La récente tournure des événements avec la fameuse triple décision de la justice n'est sans doute pas pour pousser à un optimisme quelconque. La tension est extrêmement forte depuis que le tiers du Parlement, dominé par les Frères musulmans, a été invalidé, que le Parlement se voit objet de dissolution à cause de son amputation de ce tiers et que la candidature de l'ex-Premier ministre de Moubarak a été rendue entièrement légale par l'abrogation des articles de loi qui interdisait la candidature de membres de l'ancien système. Les jeunes et les citoyens de tout âge, qui ont mené la révolution pour un éventuel changement, se découvrent les mains vides. Tout ce qu'ils avaient entrepris pour mieux vivre, pour apporter un souffle nouveau dans leur pays, semble totalement évaporé. Le système qu'ils ont voulu chasser leur semble revenir par l'intermédiaire du candidat Ahmed Chafik avec tout ce que cela représente sur le plan émotionnel. Du coup, les sacrifices, le sang, les larmes et tout ce dont ils ont arrosé la place Tahrir tombent sous l'enseigne de l'inutile, du vain et de l'insignifiant. Ils estiment qu'il y a remise en cause de leur révolution. Aussi, les menaces fusent-elles dans l'air depuis mercredi et l'ambiance est de plus en plus chargée.
Les Egyptiens sont partagés quant à l'opportunité de boycotter ou pas les élections. Les candidats s'opposent bien entendu au boycott mais, qui les entend au lendemain de ce que toute la presse internationale a qualifié de véritable coup d'Etat' Il est difficile, très difficile, de dire de quoi sera fait demain dans ce pays frère.
La Haute Cour constitutionnelle d'Egypte n'a, de toute évidence, pas pris les décisions à l'origine du malaise, extrêmement profond, pour le plaisir de le faire. Tout laisse croire qu'elle a agi afin de permettre aux militaires d'avoir un contrôle sur le cours des évènements à venir. En effet, l'Egypte se trouve ces jours-ci devant une situation très difficile à résoudre. Du moment que le Parlement est dominé par le mouvement des Frères musulmans, la victoire du candidat de ces derniers signifie que «l'Egypte sera totalement livrée aux Frères musulmans» comme aiment à le rappeler certain médias occidentaux. Pour empêcher cette situation il existe deux possibilités.
La première consiste à faire perdre Ahmed Morsi, le candidat des Frères musulmans, de sorte que l'Egypte ait un Parlement contrôlé par les Frères musulmans et un Exécutif contrôlé par les libéraux. Mais c'est chose pratiquement pas aisée sachant que tous les partis religieux allaient appeler à voter pour Morsi ainsi que tous les révolutionnaires dont une majorité de jeunes dont la proportion est loin d'être négligeable.
L'autre possibilité est de faire gagner Ahmed Chafik, revenant du système Moubarak, et qui représente aussi une certaine partie de la population égyptienne opposée à l'idée de voir l'Egypte gouvernée par les religieux comme les nostalgiques, les ex-bénéficiaires de ce système, les non-musulmans avec en prime, bien entendu, la satisfaction de certaines parties de l'extérieur dont Israël n'est pas le dernier. Seulement, cette possibilité bute sur deux obstacles et pas des moindres. Le premier est l'inéligibilité d'Ahmed Chafik du point de vue des lois en vigueur et le deuxième est la tendance clairement observable des électeurs à élire son adversaire. Pour changer la donne, on a commencé par abroger la loi qui remet en cause la candidature du libéral Chafik. Une fois que cette candidature est devenue légale, le reste, tout le reste, devient jouable. On n'a qu'à se rappeler l'appel d'il y a quelques jours, des militaires pour l'acceptation des résultats du scrutin. Un appel qui sonnait comme un avertissement. Ensuite et, au cas où malgré tout ce sera le candidat Morsi qui sera élu, on a décidé d'amputer le Parlement de son tiers afin de le dissoudre en vue d'une reconfiguration future au profit des autres tendances pour ne pas «tout donner aux religieux». Tout est ainsi aisé à saisir. Quelque chose comme un coup d'Etat en somme, d'où il est nécessaire de poser la question suivante: est-ce le système Moubarak qui refuse de disparaître ou est-ce la haine du religieux qui serait à l'origine de ce qui se passe en Egypte'
Difficile pour le moment de se prononcer, mais dans les deux cas, on se contente de dire que l'Egypte mérite mieux. En attendant, espérons que les choses ne prennent pas une mauvaise tournure dès la première marche, là aussi.
aissah@hotmail.com




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)