Le séisme d'octobre 88 en Algérie a marqué la fin d'une époque. Les violentes émeutes qui ont éclaté à travers l'ensemble du territoire national -où plus de 500 victimes et des milliers d'arrestations ont été enregistrées- ont rapidement mené vers le passage au multipartisme.De nouveaux journaux ont été alors créés, des partis longtemps interdits ont réapparu, des revendications culturelles ont été proclamées au grand jour...C'était la fin du parti unique.Le soulèvement «spontané» de tout un peuple avait ébranlé profondément l'Etat et la société.Il s'agissait du printemps algérien qui avait réussi à se frayer un chemin et à arracher une ouverture démocratique. Mais la dynamique, non canalisée et non cristallisée par les partis politiques de l'époque, s'est vite essoufflée. Le pôle démocratique qui tentait de se constituer a éclaté avant même de naître. Les partis de l'opposition n'ont pas réussi à surpasser leurs différends qui étaient loin d'être d'ordre idéologique.Il s'agissait et il est toujours question de luttes de leaderships. La lutte pour les revendications portant sur la nécessité de réformes profondes du système politique, la fin du parti unique, la garantie des libertés démocratiques n'a ainsi pas été menée. Après avoir connu un court moment d'euphorie démocratique, l'Algérie s'est enfoncée dans l'engrenage tragique de la violence : près de 150 000 morts durant les années 90. Une décennie qui a meurtri les esprits. Le terrorisme en Algérie a limité les attentes du peuple qui n'aspirait plus qu'à la paix. Il n'y avait plus aucune autre revendication que l'apaisement. Avec le retour progressif au calme et à la paix, lareconstruction d'une dynamique de la société civile était un travail des plus ardues. Surtout que la société s'est refermée sur elle-même et que beaucoup de recul dans les libertés a été enregistré à cause notamment de l'Etat d'urgence, instauré pendant plus d'une décennie pour faire face à la situation sécuritaire du pays. La mise en veilleuse des contre-pouvoirs, justifiée par la lutte contre le terrorisme, a, au fil des années, décapité l'embryon démocratique, né un certain octobre 88.Cet état de fait a empêché l'avènement de leaders d'opinions et de dynamique d'émancipation sociale de la tutelle d'un système abortif. Toutes les tentatives de structurer la société ont échoué ouvrant la voie à des mouvements de protestation catégorielle, régionale qui ont pris des formes violentes en raison, justement, de l'absence de cadres organisés, crédibles et représentatifs. Aujourd'hui, la société civile algérienne n'a pas d'existence effective au sens d'un contre-pouvoir qui canalise les mécontentements sociaux et qui empêche les dérives des contestations anarchiques.Ce qu'on appelle abusivement actuellement «société civile», n'est au mieux qu'un conglomérat d'organisations faiblement implantées, cristallisées autour d'intérêts sectoriels et au pire une clientèle qui a fait allégeance au système sans pour autant avoir un quelconque effet sur la société. Près d'unetrentaine d'années après octobre 88, le système qui est revenu à ses réflexes monolithiques, a compromis toutes les chances d'émancipation sociale à travers l'avènement d'un contre-pouvoir crédible empêchant de facto la mise en place de soupapes de sécurité qui auraient pu éviter le printemps noir et toutes les émeutes, parfois sanglantes, et éventuellement offrir des alternatives à la crise du système, dont la mise à nu a été manifeste à l'occasion de cette présidentielle. L'impasse dont parlent les observateurs se traduit aussi par la crise de la société algérienne orpheline de leaders d'opinions et d'idées novatrices.H.Y.
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Posté Le : 28/02/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hasna Yacoub
Source : www.latribune-online.com