Algérie

Retard injustifié à Boumerdès



Depuis notre article paru en 2003 sur la première expérience en Algérie dans le domaine de l'utilisation des eaux usées épurées dans l'agriculture, en 18 ans, les trois stations d'épuration (STEP) de la wilaya de Boumerdès ont produit plus de 12 milliards de mètres cube de cette eau.Le secteur agricole de cette région a utilisé moins de 4 millions de mètres cube grâce à l'initiative de deux fellahs ? El Flissi et Rahmoune ? installés dans la commune de Corso. Le reste de cette eau est jeté à la mer. Etant donné que cette eau épurée est, certifient les spécialistes, fertilisante, ce qui permet une augmentation de la production intensive (arboriculture et vignoble), elle revient donc moins chère grâce à deux avantages : disponibilité de l'eau et diminution de la fertilisation classique. Partant de ce constat, l'on peut considérer que les deux fellahs cités plus haut ont amorti plusieurs fois leurs investissements consentis en 2002 avec leurs propres moyens. Le défi qui se présente désormais devant les autorités et les agriculteurs de la région de Boumerdès consiste à créer, à partir des rejets liquides humains, une industrie de production de l'eau d'irrigation et des fertilisants. On parlera dès lors réellement de l'économie circulaire qui, plus est, préserve l'environnement. En la matière, nos voisins de l'Ouest nous devancent largement puisque, semble-t-il, des cultures maraîchères irriguées avec des eaux usées épurées sont exportées vers les pays de l'Union européenne avec toutes les exigences sanitaires qu'impose l'UE. Le Maroc envisage, selon une étude rendue visible sur Internet par une ONG européenne, d'utiliser à l'horizon 2030, 59 000 000 m3 d'eau épurée dans les secteurs de l'agriculture et l'industrie et une partie sera injectée dans les nappes phréatiques de ce pays.
Notre pays enregistre, malheureusement, un énorme retard tout à fait injustifié. Il y a fort heureusement des Algériens qui, sans attendre les directives des autorités ? les deux fellahs de Corso les ont largement devancées ? innovent et osent. C'est le cas de l'un d'eux, Dahmane El Flissi en l'occurrence. Il a, en effet, lancé récemment à Corso, la construction d'un véritable complexe de traitement tertiaire de l'eau usée épurée. Par ce traitement tertiaire supplémentaire qui nécessite la construction de bassins et l'installation de machines, l'eau est rendue très proche de l'eau potable du robinet. Avec cette eau, on peut irriguer les cultures maraîchères mais aussi elle peut être utile pour l'élevage intensif.
Selon les statistiques que nous a communiquées Djaffer Baraka, directeur de l'ONA (Office national de l'assainissement) de Boumerdès, les trois stations de traitement (épuration) des eaux usées de Boumerdès, Zemmouri et Thénia, conçues globalement pour 130 000 habitants, reçoivent quotidiennement ensemble 26 000 m3 d'eaux usées qu'elles transforment en eau épurée bonne pour l'agriculture (arboriculture et vignoble). Annuellement cela fait presque 6 000 m3. L'équivalent d'un barrage pour l'irrigation. En période estivale, cette quantité augmente de 5 000 m3/j à Boumerdès. Seuls 6% de cette production sont utilisés par les 2 fellahs. Le reste est refoulé vers la mer. À ce gaspillage, s'ajoute la perdition de 577 tonnes de boues produites annuellement par les trois stations et acheminées vers les décharges de la région alors qu'elles sont utilisées comme fertilisants partout dans le monde.
À noter qu'après deux décennies de tergiversations, le ministère des Ressources en eau a fini par faire signer le décret exécutif fixant la norme nationale des eaux usées épurées ? NA17731/2017. On nous dit qu'elle est similaire à la norme française. Mais jusqu'à présent rien n'est fait pour les boues. Selon nos information, le projet d'une «step» de 236 000 m3/j devant épurer les eaux usées de Khemis-El-Khechna, Keddara, Boudouaou et Boudaoua El Bahri est gelé.
Par ailleurs, selon Mme Haddad, cheffe de service assainissement auprès de la DRE (Direction des ressources en eau) de Boumerdès, la wilaya a besoin d'un financement de 100 milliards de centimes pour réaliser le projet d'irrigation de 500 hectares identifiés dans les communes de Thénia, Zemmouri et Tidjelabine. Il y a maintenant des fellahs qui ont, effectivement, formulé des demandes pour utiliser cette eau. Cependant, ils n'ont pas les capacités juridiques et financières leur permettant de mettre en place un système de pompage et de distribution de ce liquide de récupération. Ce projet compense, au moins une partie, de la perte, c'est le cas de le dire, de trois petits barrages (Chender 1,28 million de m3, Cap-Djinet 2,82 millions de m3 et Sidi-Daoud 3 millions de m3) qui devaient irriguer 1 600 hectares, mais laissés à l'abandon depuis des décennies.
Abachi L.


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