Résistance désarmée
Bel exemple de citoyenneté agissante que celui donné par la population de Fréha, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Pour la libération d'un des leurs, les habitants de la localité et de tous les hameaux et villages qui constellent les hauteurs d'Ath Jennad se sont mobilisés des jours durant, assumant le risque et le défi de dénoncer à visage découvert les auteurs des enlèvements à répétition dans la région.Le même acte de bravoure et de solidarité avait été également le fait des citoyens de Boghni en avril dernier, lorsqu'un vieil entrepreneur à la retraite avait été kidnappé. Un élan qui s'est exprimé la première fois dans le sillage de l'enlèvement d'un restaurateur issu de la région d'Issennadjene, dans la même wilaya, en novembre 2009. Autant de sursauts qui étaient improbables il n'y a pas si longtemps, tant la peur et l'usure ont donné l'air d'avoir profondément atteint la société et neutralisé ses ressorts d'indignation.Les exemples de mobilisation citoyenne en provenance de cette Kabylie qui endure une épaisse atmosphère chargée en menaces sur la sécurité physique des gens sont sans doute à adjoindre à ceux, encore plus glorieux, de la résistance que des villages entiers ont menée contre la déferlante intégriste dans les années 1990. L'on sait l'apport décisif que ces sursauts de dignité ont eu sur le terrain des « opérations » et leur effet déterminant sur le moral national, au moment où le doute avait ébranlé bien des convictions. Aujourd'hui, les gens d'Ath Jennad, sans tutelle politique et avec des moyens qui peuvent sembler dérisoires devant le caractère mortifère du fléau dénoncé, participent à la réhabilitation, à l'échelle locale du moins, d'un militantisme dont la carence continue à entraver sévèrement toute aspiration à la formation d'une société civile ayant son mot à dire sur la vie de la collectivité. Il demeure certain, cependant, qu'il faudra plus qu'un îlot ou deux de mobilisation citoyenne pour que se ressoudent les liens autour de l'intérêt commun et pour que l'engagement se sublime en dynamique politique dans la durée.Plus prosaïquement, les initiatives de la population d'Ath Jennad et de toutes ces contrées vivant dans la hantise des rapts et des attentats doivent être reçues, par ceux chargés de la sécurité des biens et des personnes, comme une apostrophe sévère qui les rappelle à leurs devoirs. La région, où ne tient plus l'excuse de l'hostilité aux gendarmes dans le sillage du mouvement des archs, subit la pression assidue des groupes terroristes et de réseaux mafieux dont les nuisances ne peuvent être contrées par les seuls marches et rassemblements de civils. Les citoyens ont pris leur responsabilité, à l'Etat d'assumer la sienne.
Posté Le : 13/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mourad Slimani
Source : www.elwatan.com