Algérie

Réserves de change : la dette américaine devient un risque politique


La notation triple A des Bons du Trésor américain est, pour la première fois, menacée d'une baisse. L'épargne mondiale, dont celle de l'Algérie, placée aux Etats-Unis en subirait une perte de valeur. Le scénario peut être évité par un accord politique sur la réduction des déficits publics américains. Les marchés ne doutent pas qu'il aura bien lieu cet été. Mais des habitués des bons du Trésor US regardent tout de même du côté de l'or et des autres placements… moins risqués.

Le bras de fer entre l'administration Obama et l'opposition républicaine au Congrès sur la réduction des dépenses publiques et la résorption des titanesques déficits des Etats-Unis gagne en intensité dramatique avec les menaces de baisse de la notation de la dette par les agences spécialisées. La menace a pris du sens avec le dépassement de la limite de 14.294 milliards de dollars, à partir de laquelle l'État fédéral ne peut plus emprunter. La situation est bloquée car aucune des parties en présence n'est disposée dans les circonstances actuelles à accepter un compromis. Tim Geithner, le secrétaire au Trésor, a donc décidé qu'une période de 30 jours supplémentaires serait concédée aux protagonistes pour aboutir à un accord. Le 2 août est la date butoir de cette période de négociations : au delà, si chacun continue de camper sur ses positions, les Etats-Unis seront dans l'impossibilité de faire face à leurs obligations financières.

 La perspective d'un défaut de paiement des Etats-Unis, tout à fait envisageable techniquement, n'effraie pas pour autant les marchés financiers qui estiment que les conditions d'un accord seront nécessairement réunies pour éviter une catastrophe d'une ampleur inimaginable. Le Chef de l'opposition républicaine John Boehner a affirmé dimanche dernier à la chaîne CBS la nécessité d'un relèvement du plafond d'endettement et a souligné qu'il n'était dans l'intérêt de personne d'attendre la «onzième heure» pour aboutir à un accord. Nul n'a intérêt à une crise de la dette américaine qui pourrait entraîner le système financier global dans des eaux aussi inconnues que très dangereuses. Ni les démocrates ni les républicains ne peuvent se permettre un tel scénario. Les partenaires étrangers, tous créditeurs des Etats-Unis, de la Chine au Brésil en passant par l'Europe et le G20 ne souhaitent pas, à l'évidence, se trouver face à la situation inédite d'un déclassement de la dette américaine qui aurait pour conséquence mécanique de dévaloriser leurs avoirs exprimés en dollars et leurs créances sur le Trésor des Etats-Unis.

Réduire les niches fiscales ou sabrer la médecine des pauvres

L'assainissement des comptes publics est demandé depuis des mois par toutes les parties matériellement intéressées à la santé de l'économie américaine et à la qualité de sa gouvernance. Ce ne sont pas pourtant les déclarations d'intention qui font défaut, Barack Obama a annoncé un objectif de réduction du déficit du budget américain de 4000 milliards de dollars au cours des douze prochaines années. Le président américain souhaite que le déficit budgétaire ne dépasse pas 2,5% du PIB en 2015. Pour atteindre cet objectif ambitieux, la Maison-Blanche entend réduire les niches fiscales accordées par les administrations précédentes aux Américains les plus riches, diminuer le volume des dépenses de défense et celui des subventions agricoles et limiter les programmes de santé. Mais ce ne sont là que bonnes intentions : le plan de réduction des dépenses de 39 milliards de dollars annoncé le 8 avril dernier est loin de satisfaire les républicains du Congrès qui n'accepteront de voter le relèvement du plafond de la dette que si un plan de rigueur budgétaire est mis en Å“uvre. Pour la droite, les déclarations de Barack Obama sont purement rhétoriques et ne traduisent pas une volonté réelle de mettre un terme à la dérive des déficits, ils en veulent pour preuve une gestion qui s'est soldée par trois années successives de déficit budgétaire supérieur à 10%. Pour certains représentants républicains, le programme pluriannuel de réduction des dépenses devrait permettre une économie de plusieurs centaines de milliards de dollars pour être efficace et crédible. Les républicains entendent sabrer prioritairement dans les programmes de santé Medicare et Medicaid qui couvrent plus ou moins les quarante millions d'Américains qui ne peuvent payer les coûts élevés des assurances médicales privées.

La banque d'Algérie et le AAA américain

Pour les experts financiers, il ne fait guère de doute qu'un accord sera trouvé sur un nouveau plafond d'emprunt et, en tout état de cause, le Trésor américain fera passer en première priorité le règlement des échéances de sa dette extérieure. L'épouvantail d'un défaut de paiement des Etats-Unis est à ce stade purement théorique mais révèle la fragilité des équilibres de l'économie américaine excessivement dépendante des financements externes. La menace qui pèse sur la notation (AAA) de la dette américaine préoccupe néanmoins les créanciers de la première économie mondiale. Les investisseurs privés ont commencé à donner des signes d'inquiétudes en reportant leurs placements sur l'or notamment qui a connu ces derniers mois une hausse tout à fait extraordinaire de sa valeur. La Chine dont les avoirs en bons du Trésor américain sont de l'ordre de deux mille milliards de dollars a commencé à diversifier ses placements et à freiner ses achats de titres américains.

 Pour l'Algérie, dont une part importante des réserves de change est constituée de bons du Trésor US, la démarche devrait être de même nature. Si l'hypothèse d'un défaut de paiement des Etats-Unis reste théorique, celle d'un déclassement de la dette américaine est une possibilité à moyen terme. Jusqu'où ira le plafond d'endettement des Etats-Unis et à quel moment les investisseurs internationaux commenceront à réorienter significativement leurs placements ? Ces questions se posent aujourd'hui à de nombreux Etats qui ne veulent pas voir leur épargne libellée en dollars et placée auprès du Trésor américain perdre de sa valeur. L'opacité qui caractérise la gestion des réserves de change, environ 160 milliards de dollars, par la Banque d'Algérie ne permet pas d'évaluer la stratégie de gestion et ses évolutions. Il est clair en tous cas que la gestion de «bon père de famille» qui semble être la ligne directrice de la Banque d'Algérie, impose la diversification des placements ou au moins une approche de moins grande concentration sur les bons du Trésor américains. Il ne s'agit là, bien entendu, que de supputations et d'hypothèses dans un contexte de pénurie flagrante d'informations et de non-débat. La crise de 2008 n'a pas modifié une culture où la communication reste minimale et où les données afférentes aux réserves– pourtant communiquées au FMI – semblent relever du secret-défense.


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