Algérie

Réquisitoire contre l'amnésie Film. Le repenti de Merzak Allouache



Réquisitoire contre l'amnésie Film. Le repenti de Merzak Allouache
Mercredi dernier, ce film est sorti en salle dans plusieurs villes de France.
Très d'un an après sa sélection à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, où il avait obtenu le label Cinema Europa, Le Repenti de Merzak Allouache est présent dans 25 villes et, dans les plus grandes, dans plusieurs salles (5 à Paris). Une distribution appréciable pour un film qui n'est pas une superproduction hollywoodienne et se distingue surtout par son originalité.
Concorde civile, rahma, repentance' Autant de vocables qui n'ont cessé d'interroger Merzak Allouache dont la «trilogie» à part, L'autre monde (2000), Bab el Oued City (1993) et, désormais, Le repenti (2012), a connu la chape de plomb en termes de visibilité publique ,alors même que les récompenses dans les festivals internationaux (surtout pour Le Repenti) se sont additionnées durant l'année 2012 avec 9 nominations et 4 prix. Au point de se poser la question du blocage systématique de ses projets (en particulier Le Repenti) auprès du ministère de la Culture et de sa commission de lecture des scenarios' Qu'importe, Allouache n'est pas homme à renoncer facilement. Avec un budget des plus modestes, il s'est rendu dans la région d'El Bayadh en plein hiver, à la lisière du Sahara, pour raconter une sorte de huis clos à trois personnages qu'il a su approcher dans toute leur complexité, laquelle signe la force du film.
Le récit s'ouvre sur la course éperdue dans les Hauts- Plateaux enneigés de Rachid qui a fui le maquis islamiste pour bénéficier de la clémence des autorités et se réinsérer dans la société. De ce personnage central, on ne saura jamais rien en termes de véracité. A-t-il les mains couvertes de sang ' Son endoctrinement épouse-t-il plus le faisceau des circonstances qu'une idéologie vraiment partagée ' In fine, n'est-il pas autant victime que bourreau ' A toutes ces interrogations, Allouache refuse les réponses simples ou univoques. L'originalité du récit et son développement dramaturgique écartent clichés et stéréotypes, pour baigner dans un non-dit permanent qui privilégie les silences et les omissions ramassées par des ellipses, d'autant que l'économie, sinon la rareté, des dialogues invite le spectateur à la réflexion personnelle plutôt qu'à consommer du prémâché.
Un contact va s'établir entre Rachid le repenti (Nabil Asli) et Lakhdar (Khaled Benaïssa), pharmacien de son état, séparé de son épouse Djamila (Adila Bendimerad) et réveiller une tragédie qui a frappé le couple cinq ans auparavant, et dont les tenants et les aboutissants ne nous seront livrés que lors du dénouement final où s'invitera la grande Faucheuse, qui rappelle que vingt ans après, le terrorisme islamiste continue de frapper et d'endeuiller des familles.
Les scènes de «réinsertion» dans la vie sociale de Rachid s'emboîtent subtilement de manière à cerner la personnalité d'un être soucieux au fond de sauver sa propre tête. A travers les scènes avec le commissaire de police et le patron du café (Hacene Benzerari) qui va l'employer comme serveur, on constate combien les blessures du passé et les fractures sont loin d'être réparées et que la rahma n'efface guère ce qui s'est résumé à une guerre, contre l'Etat certes, mais surtout contre un peuple dont on a voulu forcer le destin.
Les principaux comédiens, remarquablement dirigés, ont largement mérité les prix d'interprétation qu'ils ont glanés ici ou là sur la scène internationale.
En conclusion, on pourra déplorer que pareil film ne puisse faire l'objet d'un débat public qui aurait eu le mérite d'éclairer une des pages les plus sombres de l'histoire de l'Algérie contemporaine, lorsque la République a vacillé dangereusement sur son socle sous les coups de boutoir d'un terrorisme aveugle dont la finalité relève autant de l'idéologie salafiste que de la psychiatrie. De fait, l'Algérie demeure une société malade et traumatisée dont le cheminement vers la modernité n'a jamais été celui d'un long fleuve tranquille.


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