Algérie

Réquisition collective des praticiens privés


Les gynécologues obstétriciens préfèrent quitter la wilaya que d'avoir à faire à la justice. Les parturientes qui présentent des risques sont évacuées vers les hôpitaux de Annaba.Une réquisition du wali d'El Tarf a été adressée aux 17 gynécologues obstétriciens privés d'El Tarf pour assurer la prise en charge dans les établissements publics de ce lourd et sensible fardeau de la santé publique. La réquisition collective, non nominative, non individuelle, et non limitée dans le temps, était simplement accompagnée de la liste de garde pour le mois de décembre.
En vérité, elle indique que ce dispositif est installé jusqu'à l'affection de gynécologues dans les hôpitaux, ce qui, bien entendu, est très aléatoire, et elle précise encore que les gardes devraient s'effectuer uniquement à l'hôpital d'El Kala, parce que c'est l'établissement le mieux doté, même s'il se trouve à 70 km de Drean ou de Bou Hadjar. Les praticiens privés n'ont, bien entendu, pas tenu compte de cette réquisition, qui ne répond pas aux règles ni dans la forme ni dans le fond.
Pour ce qui les concerne, c'est encore un coup de force de l'administration et du directeur de la santé et de la population (DSP) nouvellement installé et avec lequel se sont tenues deux réunions qui n'ont pas abouti à une entente devant l'intransigeance du DSP. Les praticiens assurent qu'ils ne cherchent pas du tout à se dérober à leurs obligations professionnelles, comme celle d'assurer les gardes dans les établissements publics, mais que cela soit fait dans les règles.
A commencer par l'établissement d'une convention conformément aux textes qui déterminent clairement les responsabilités en cas de complications. Selon le DSP, cette histoire de responsabilité pourrait aisément se régler avec un registre quotidien de passation de consignes entre le gynécologue et un médecin généraliste qui prendrait la relève à 8 h du matin. «Ni l'un ni l'autre n'accepterait ce marché de dupes», nous ont répondu les médecins.
Les privés sont en effet échaudés par le traumatisme vécu cet été par l'un de leurs collègues, le docteur Ouannas Khereddine, traîné devant les tribunaux par la famille d'une parturiente qui a perdu son bébé dans un hôpital de Annaba (El Bouni), autre que celui où il assurait sa garde (El Kala). Il n'a même pas bénéficié de la solidarité et de l'assistance de cet établissement. Il s'est retrouvé seul à la barre avant d'être relaxé. Depuis au moins 10 ans, il n'y a plus de gynécologues obstétriciens dans les hôpitaux d'El Kala, d'Al Tarf et de Bou Hadjar, et plus récemment celui de Besbès.
Des sages-femmes font tourner les services jour et nuit et s'il y a des complications, on évacue vers les hôpitaux de Annaba. Pour le DSP, ce problème est national et il est dû à l'insuffisance de la formation. Il faut que le service obstétrique fonctionne 24h/24 et 7 jours/7 pour assurer la continuité des gardes en cas d'urgence et les interventions en cas de complications.
Or, ce n'est pas le cas à El Tarf, où les gynécologues du service public sont inexistants. «Il y aurait en ce moment 6 postes qui cherchent preneurs. Ceux qui étaient ici ont fui la wilaya et ceux qui y sont affectés s'arrangent pour ne pas y venir», nous explique-t-on, en ajoutant que «l'administration de la santé a la mauvaise réputation d'être arrogante et humiliante vis-à-vis des médecins». Ce qui n'est pas tout à fait faux, puisque nous avons eu à le constater.
A différentes occasions, en effet, les responsables successifs de ce secteur ont refusé d'admettre le caractère libéral de la profession des praticiens privés. Au motif qu'ils leur délivrent des agréments et les contrôlent leurs activités, ils les assimilent à des subordonnés, plutôt que de les considérer comme des partenaires avec lesquels il faut établir des relations conventionnelles. Faute de gynécologues publics, le DSP veut aussi contraindre les privés à assurer des gardes diurnes. Ce qui pose une autre série de problèmes juridiques et financiers d'un tout autre ordre.
En fait, le DSP veut faire tourner les services d'obstétrique de 4 hôpitaux avec une quinzaine de praticiens privés qui sont déjà bien installés avec leur clientèle et leur vie privée. A coups de réquisitions illégales, de menaces de fermeture ou de recours à la justice pour «non-assistance à personne en danger», rien que ça.
«Il serait mieux inspiré de se bouger un peu pour organiser et doter ses services et convaincre aimablement les praticiens du service civil à revenir dans la wilaya», nous a-t-on encore déclaré. Aux dernières nouvelles, des représentants de la profession ont pu rencontrer le wali et lui faire part de l'incohérence de la démarche de l'administration. Ils sont tout à fait prêts à répondre à toute réquisition délivrée dans les cas d'urgence et qui doivent être adressées à deux praticiens seulement pour qu'ils s'entraident éventuellement.
Ceci dans la mesure où l'établissement hospitalier assume complètement toute complication post-opératoire. «Nous ne pouvons pas exercer sous la double menace de la fermeture de nos cabinets par représailles de l'administration ou celle de la prison, comme cela a été le cas de notre collègue, victime indirecte de la chasse aux sorcières déclenchée après le décès cet été d'une parturiente à Médéa.»
D'un autre côté, on affirme que les gynécologues privés cherchent aussi par tous les moyens à se soustraire aux gardes. Ce qui est tout à fait vrai, mais l'administration, en voulant les contraindre par autoritarisme et intransigeance, a ouvert tellement de brèches dans son offensive qu'il est impossible de ne pas admettre leurs arguments.
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