Algérie

Répression totale et manœuvres dangereuses



La chose la plus visible dans l'infernal dispositif de répression mis en place est l'occupation pure et simple d'Alger par les forces de police. En plus du nombre – des milliers – de policiers déployés dans la capitale à  la veille de toute manifestation, les autorités barricadent toutes les places publiques, esplanades ou autres endroits susceptibles d'abriter un groupe d'individus. Chaque samedi, certaines places sont carrément interdites aux Algérois, même pour s'y arrêter ; marquer une brève halte pour bavarder un peu avec un copain rencontré par hasard est interdit. On est vite interpellé par les agents qui vous pressent de circuler tant ils voient en chaque passant un manifestant potentiel. Dernière trouvaille : les ceintures métalliques le long des trottoirs. L'objectif est double : le premier est technique, consistant à  empêcher toute tentative de regroupement ; le deuxième est psychologique, visant à  susciter la colère envers les organisateurs des manifestations puisque le terrain est déjà préparé par la propagande officielle que les responsables de cette situation sont ces derniers. C'est ainsi que les deux marches initiées à  Alger le 19 mars dernier, l'une à  la place du 1er Mai par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, l'autre à  la Grande-Poste à  l'appel d'un groupe de jeunes sur le réseau social facebook, n'ont pas pu avoir lieu. Non pas parce qu'elles n'ont pas pu drainer des foules comme tentent de l'expliquer certains «érudits», mais parce que rien n'est possible face un tel maillage de la capitale par les services de sécurité. Particulièrement allergique aux revendications politiques émanant de la société, le pouvoir semble n'hésiter sur aucun moyen pour réduire la contestation. Il agit aussi sur la peur : des jeunes qui faisaient campagne pour le meeting du FFS, le 5 mars dernier, ont été embarqués avant d'être relâchés quelque temps après. Ce n'est pas la manifestation organisée par le parti de Hocine Aït Ahmed qui constituait une menace. Il fallait mettre des garde-fous pour tempérer l'ardeur de jeunes militants politiques.
Les militants de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie d'Oran ont eu à  subir les mêmes pressions et les mêmes dépassements. Ils ont été arrêtés et molestés alors qu'ils faisaient campagne pour les activités de leur organisation. Cela, au mépris évidemment des résolutions du dernier Conseil des ministres qui avait insisté pourtant sur l'autorisation des marches sur tout le territoire national, excepté Alger. Totalement autiste, le Pouvoir est allé jusqu'à interdire une manifestation qui allait avoir lieu à  Batna. Niant ainsi ses propres engagements, le gouvernement montre son vrai visage en recourant à  des procédés odieux en mobilisant des groupes de baltaguia contre des manifestants pacifiques. Plus dangereux encore est de jouer sur la division des Algériens. Le pouvoir trouvera en effet un autre stratagème pour tuer dans l'œuf la contestation estudiantine. Les étudiants, meneurs de la fronde, subiront une énorme pression. A Boumerdès, on leur proposera carrément l'admission d'office. A Annaba, les doctorants ont été, comme le rapportait notre journal, menacés de bloquer la soutenance de leurs thèses. A Tlemcen, l'administration universitaire a averti les têtes d'affiche du mouvement, comme partout ailleurs, de retarder la présentation de leurs projets et mémoires de fin d'étude. En somme, c'est la répression sur tous les fronts. Arrivé en fin de cycle et surtout contesté de toutes parts, le pouvoir tente parallèlement de gagner du temps en multipliant les initiatives politiques à  travers ses supports et ses appendices.
La promesse de réformes politiques globales s'apparente à  une vraie manœuvre, une ruse qui laissera passer le vent de la révolte et de la remise en cause des régimes en place en Afrique du Nord et dans l'Arabie. Mais le risque est gros. En matant la revendication pacifique, ce qui s'est passé hier au quartier Climat de France, à  Alger, pourrait se produire dans tout le pays.               
 


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