Algérie

REPONSE À ALI MEBROUKINE Boumediène, le marbre dur, le dogme mou et les poncifs éculés



Par Abdellali Merdaci
Dans une contribution sur la crise du livre et de la lecture en Algérie ( Le Soir d'Algérie, 6 octobre 2011), j'ai rappelé un moment décisif dans le basculement radical de l'Ecole algérienne : celui des réformes tous azimuts entamées peu de temps avant le décès du président Boumediène, prolongées par ses successeurs dans une accumulation d'échecs, aujourd'hui insurmontables. Cette réflexion me vaut une diatribe du professeur Ali Mebroukine, donnant le sentiment au lecteur que la substance principale en était le seul président Boumediène et qu'elle était attentatoire à sa mémoire.
Dans cette contribution, Houari Boumediène, initiateur des premières mutations rigides de l'Ecole algérienne, est cité au même titre que Chadli Bendjedid, qui lui a succédé, et les ministres de l'Education les plus visibles sur le plan des réformes, de «l'éphémère exécutant» Lacheraf à l'inamovible Benbouzid, décidant des orientations politiques de l'enseignement des langues en Algérie, même s'il est vrai que ni les uns ni les autres n'en écrivaient les programmes et n'en élaboraient les contenus. Mais il est incontestable que sur l'apprentissage de la lecture et sur la médiation du livre dans les cycles de la formation générale (école, collège, lycée), le législateur scolaire algérien a obtempéré aux attentes des politiques. Je proposais, dans le cadre d'un débat ouvert, des éclairages sur l'érosion de la lecture et sur la précarité du livre dans la société dont le facteur le plus évident et le plus discutable reste la continuelle transformation de l'Ecole algérienne et de ses objectifs d'enseignement. J'ai apporté sur ce phénomène une analyse institutionnelle, plus particulièrement entée 1°/ sur l'enseignement de la langue française et sur la part qu'il assigne à la lecture des textes littéraires ; 2°/ sur les évolutions qu'il a enregistrées depuis la rentrée scolaire de septembre 1962. Cette explication s'appuyait sur des données techniques et des faits vérifiables que sont les programmes et les directives ministérielles de différents gouvernements depuis la fin des années 1970. C'est sur des aspects précis de cette histoire de l'Ecole algérienne que j'ai appelé l'attention des lecteurs du Soir d'Algérie. Au lieu du nécessaire échange sur la crise du livre et de la lecture et sur la responsabilité qu'y prend l'institution scolaire, Ali Mebroukine préfère l'incrimination incivile et le querelleur procès d'intention sur lesquels il n'est pas souhaitable de s'attarder. S'engage-t-il dans l'énoncé d'une guerre linguistique en Algérie, rameutée dans le sérail du FLN, bruissant du hourvari d'un «courant islamo-conservateur», que je ne trouve ni sérieuse ni crédible ' Agite-t-il une étonnante «refrancisation» de l'enseignement en Algérie que les plus farouches francophiles désavoueraient ' Provocation kitsch ou débilité politique ' Des nombreux indicateurs que j'ai développés dans mon exposé sur le tarissement de la lecture dans l'Ecole algérienne, rendu inévitable par la dégradation de l'enseignement des langues, plus spécialement la langue française, qui méritaient d'être discutés parce qu'ils témoignent des choix aventureux de l'Etat, Ali Mebroukine n'a retenu que l'exclusive référence à Boumediène. Son intérêt pour l'histoire contemporaine de l'Algérie, plus précisément à ce qui se rapporte au bilan — âprement controversé — du président Houari Boumediène, est connu. Sur le président défunt, sur sa conception du politique et sur ses réalisations, plus généralement sur l'Algérie des années 1960-1970, j'ai lu des textes de Mohamed Bouhamidi et de Maâmar Farah, d'une grande sérénité, qui fondent le partage des idées, la rigueur de la critique et disent la passion — toujours émouvante — d'une époque boumediéniste à l'enseigne d'une justice sociale, aujourd'hui dévoyée. Le professeur Mebroukine se caparaçonne dans la sévère toge du légataire universel du boumediénisme. Tient-il la gageure de couler la pensée de Boumediène dans le marbre dur, de l'embaumer dans le dogme mou et de la débiter en poncifs éculés ' Alors même que le règne du président Boumediène appartient désormais à l'histoire de l'Algérie et des Algériens et que rien ne peut justifier de ne pas en discuter de manière contradictoire, Ali Mebroukine se plaît à en circonscrire un indépassable périmètre, sautillant gardien du temple, dispensateur d'oracles. Il a exonéré le président Boumediène sur son parcours dans la guerre d'indépendance et dans la postindépendance, sur ses échecs dans l'agriculture, l'industrie, l'urbanisation des villes et tutti quanti. Et aujourd'hui sur l'Ecole, avec un argumentaire qui tient plus du mensonge et de la démesure que de la lecture informée des faits. La prétention d'Ali Mebroukine à se poser en censeur de «la vérité historique» et à s'ériger en procureur, flagellant «une opération de révisionnisme extrêmement dangereuse pour la mémoire collective», est à la fois navrante et grand-guignolesque.


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