Algérie

Réorganisation du secteur public marchand industriel



Réorganisation du secteur public marchand industriel
Depuis 1988, année de promulgation de la loi 88-01 relative à l'autonomie des entreprises publiques (EPE), le secteur public marchand a fait l'objet de nombreux "arrangements institutionnels et organisationnels", pour reprendre la terminologie universitaire, sans pour autant parvenir à lui faire opérer les mutations et les performances attendues.Durant ces 26 ans, beaucoup d'articles, de livres et de thèses ont été consacrés pour comprendre cette problématique d'une transition inachevée et inefficace. J'y ai, comme vous le savez, pris ma part. Mais comme ce n'est pas l'espace pour procéder à l'état de la réflexion en la matière, je me contenterai d'évaluer dans ces colonnes les chances de succès de cette nouvelle démarche.Même si le passé (391 milliards DA de valeur ajoutée seulement) et même le passif de ce secteur (seul 10% des EPE atteignent 2 milliards DA de chiffres d'affaires) n'incitent pas à l'optimisme, la réussite indéniable des entreprises publiques chinoises peut servir de bon exemple. Mais les plus libéraux disent déjà que cela sera un énième gaspillage de fonds publics en surévaluant au passage les montants affectés aux assainissements partiels opérés précédemment. Sauf qu'il n'y a pas de plan B. Pourquoi ' Parce que ni la taille ni les capacités financières et technologiques du secteur privé algérien ne lui permettent, à l'heure actuelle, de réaliser, seul, l'objectif de ré-industrialisation du pays. Or sans cela il n'y aura ni création massive d'emplois ni une forte croissance diversifiée. On peut le regretter, mais les faits sont là (enquête ONS 2011 sur les entreprises algériennes). Alors tout le reste n'est qu'idéologie. Ceci étant, on mesure bien l'enjeu que constituera pour l'économie algérienne la réussite ou, à l'inverse, l'échec de cette réorganisation du secteur public marchand industriel.Il est clair que si l'on se reporte à la résolution du Conseil des participations de l'Etat (CPE) prise le 28 août, des enseignements ont été tirés des échec précédents. Les fictions juridiques (fonds de participations, holdings, SGP), qui ont été au passage autant d'intermédiaires inutiles et de barrières entre l'EPE et son marché, sont supprimées. A la place, on aura tout simplement des groupes industriels qui auront en charge les missions "corporate" (stratégie, relations avec les actionnaires, R/D, formation, image et consolidation bilancielle) avec des filiales opérationnelles produits. Ces groupes industriels devront avoir "une taille critique, des synergies et des complémentarités ainsi qu'un potentiel de déploiement sur les marchés nationaux et internationaux". On se conforme, ce faisant, aux pratiques internationales en la matière. Ni plus ni moins. Pour la mise en ?uvre de cette opération, un comité de pilotage est mis en place sous l'autorité du ministre en charge de l'industrie et l'appui de cabinets spécialisés.Pour autant, je considère que ces "arrangements institutionnels et organisationnels" pour nécessaires qu'ils soient seront insuffisants pour garantir le succès final de ce processus. Il y a en effet deux leviers supplémentaires qui, me semble-t-il, ont été omis à ce jour et sur lesquels il va falloir agir de façon concomitante, même s'il est vrai que leur inertie est très forte. Le premier levier qu'il va falloir activer est celui du renouvellement des conditions d'exercice du management dans ces nouveaux groupes industriels. D'abord en termes de levée du risque pénal de gestion qui pèse à ce jour sur les administrateurs et les gestionnaires du secteur public économique. Peu de progrès ont été enregistrés dans ce domaine, malgré les orientations de la plus haute autorité de l'Etat. Ensuite, le statut professionnel et salarial des dirigeants d'EPE dont les rémunérations sont toujours dérisoires (moins de 100 000 DA), à l'exception de celles du secteur de l'énergie. Ces cadres dirigeants sont humiliés mensuellement à la vue des salaires dérisoires qu'ils perçoivent. Comment voulez-vous que, pris en tenaille entre un risque de gestion élevé et des rémunérations médiocres, ces managers prennent des initiatives hardies et obtiennent des performances élevées dans un milieu concurrentiel ' Le maintien et/ou le recrutement sélectif de managers à haut potentiel pour diriger ces groupes ne pourront être réalisés si les deux contraintes indiquées plus haut ne sont pas traitées. Deuxième chose qui porte quant à elle sur les capacités technologiques et opérationnelles de ces groupes. L'état d'obsolescence technologique et opérationnel de la majorité de ces groupes est avéré, du fait de plusieurs raisons (désinvestissement, outil de production non maintenu et non modernisé, etc.). Les audits externes prévus vont sans doute le confirmer. Le retour de ces groupes sur les marchés ne peut s'effectuer sans une "croissance externe" rapide et appropriée qui ne peut être obtenue que par des fusions acquisitions internes mais surtout internationales, d'autant que le marché de actifs industriels et technologiques est favorable aux acheteurs. Aucune disposition ni instrument n'existent pour accompagner les groupes privés et publics dans ce type d'acquisitions. On parle de l'élargissement à cet effet des prérogatives du Fonds national d'investissement (FNI) en attendant la création d'un fonds souverain. Mais rien n'est sûr s'agissant de cette question dont le débat, ouvert il y a quelques années, avait été vite refermé. Cette croissance externe aurait pourtant été utile pour développer rapidement les EPE du BTPH, dont la faible taille actuelle ne leur permet de participer à la réalisation des grands programmes de logements que prennent dès lors les grands groupes étrangers. Alors il faudra que cette option d'acquisition internationale d'actifs au profit des EPE et du secteur privé soit ouverte de nouveau. Ce tabou peut tomber, d'autant plus facilement que le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, a lui-même précisé que ce processus de réorganisation des participations publiques sera ouvert à l'actionnariat privé. Pour conclure, on peut affirmer que la priorité du prochain quinquennat devrait être celle du développement de l'entreprise algérienne publique et privée, sans lequel la diversification économique recherchée serait illusoire. Avec en plus une diminution de notre capacité d'achat auprès du reste du monde. Si les choses restent en l'état.M. M




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