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Rentrée littéraire en France: Un roman sans ponctuation fait le buzz



Rentrée littéraire en France: Un roman sans ponctuation fait le buzz
Mort aux girafes, qui sort jeudi en France, rejoint une tradition qui commence à être fournie : celle du roman en un bloc
Pas besoin de scander un livre de points : une seule phrase parfois suffit, comme l'avaient montré Perec ou Sollers, et comme le confirme, par un récit loufoque mais cohérent, l'un des romans de la rentrée littéraire. Mort aux girafes (Éditions du Tripode) de Pierre Demarty, qui sort jeudi, rejoint une tradition qui commence à être fournie : celle du roman en un bloc.
«Ce n'était pas le projet au départ», confie à l'AFP l'écrivain, qui a songé à cette forme en éditant (au Seuil) Les Lionnes de l'Américaine Lucy Ellmann, monologue sans ponctuation six fois plus long, avec 1 150 pages. «J'avais écrit presque tout le livre et je le trouvais trop éclaté, sans la colle pour le faire tenir. Jusqu'au moment où j'ai écrit un monologue de 20 pages en une phrase, que je n'ai pas gardé, mais qui se tenait», raconte-t-il. Deux grands noms de la littérature s'étaient lancés dans l'aventure à quelques années d'intervalle. Ce ne sont pas leurs textes les plus célèbres, loin de là, mais en 1968, Georges Perec publiait ce qui pourrait être qualifié de nouvelle, L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, et en 1973, Philippe Sollers un roman, H, tous deux sans ponctuation.
Le premier est un bijou d'humour, qui montre avec un texte tortueux qu'un schéma bien pensé vaut mieux qu'un long écrit. Le second est abscons. «On se perdrait à chercher un sens à ce livre dont les phrases sécrètent d'une façon vertigineuse ses propres métamorphoses», estime à l'époque Le Nouvel Observateur. Pour le célèbre linguiste Roland Barthes, un ami de Sollers, entre la phrase «artefact» et «la bouillie», «une troisième forme apparaît, qui garde de la phrase sa séduction langagière, mais évite sa découpe, sa clôture» (revue Critique).
Sollers récidivera en 1981 dans Paradis, sans ponctuation encore, et plus connu. Quand il lit à voix haute ce récit, on entend des virgules et points invisibles à l'œil. «C'est un parti pris esthétique», explique-t-il alors à la télévision.
D'autres avatars à la même époque sont moins connus, depuis Eden, Eden, Eden de Pierre Guyotat (1970), inventaire d'horreurs de la guerre d'Algérie entre des milliers de points-virgules, jusqu'à La Danse du fumiste (1979) du Belge Paul Edmond, monologue d'une seule phrase... coupée par un point-virgule en plein milieu.
Parmi les expériences récentes, certaines ont rencontré un gros succès. Zone de Matthias Enard, lecture exigeante qui parle des conflits des Balkans et du Proche-Orient, a cumulé prix Décembre 2008 et prix du Livre Inter en 2009.
Les éditions du Tripode elles-mêmes avaient sorti en 2016 Anguille sous roche du Comorien Ali Zamir, où une migrante en train de se noyer revoit défiler toute son existence. «Récit éblouissant», a dit un jour le Président Emmanuel Macron devant l'Académie française. Verre cassé, monologue humoristique qui avait révélé le Congolais Alain Mabanckou en 2005, et qui ne compte que des virgules et des guillemets, a été classé 99e meilleur livre du siècle par le quotidien britannique The Guardian en 2019. «C'est un roman qui est raconté par un soûlard, qui boit tous les jours (...) Il ne devait pas être gêné par la ponctuation, il devait laisser les choses couler», avait alors expliqué l'auteur à la chaîne Africanews.
Dans Mort aux girafes, le narrateur est au contraire extrêmement lucide, et on finit par oublier l'absence de points. Son auteur voulait «que ce soit clos, grammaticalement cohérent et que tout s'enchaîne avec naturel. Laisser aller la folie du discours, et d'un autre côté maintenir une rigueur de la langue».


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