Algérie

Rente, prébende et monnaie



"Prendre toutes les mesures que vous jugerez utiles en vue de renforcer le dispositif de contrôle et de détection des infractions de change." C'est ce qu'on peut lire dans une correspondance adressée par Sellal à Djoudi. Et... "dont l'APS a obtenu une copie".Apprécions le réflexe investigateur et le sens du scoop de l'agence.
Le gouvernement algérien a l'habitude de renforcer le dispositif de contrôle et de détection des infractions de change. Sans trop de succès.
"C'est cette loi qui a amené les choses où elles en sont, comme l'affaire Khalifa et d'autres affaires, qui ont touché de plein fouet le système bancaire." Ainsi justifiait Ouyahia l'amendement de 2003 de la loi sur la monnaie et le crédit qu'il accusait d'être à l'origine du scandale Khalifa. Or, tout le monde sait d'où Khalifa tenait ce statut qui, justement, le mettait au-dessus de la loi ! Cette loi, amendée et re-amendée, n'a donc pas empêché les scandales de surfacturations et autres procédés d'évasion financière. Pas plus que "l'ordonnance sur la répression de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger", moult fois "améliorée", elle aussi. Une loi a besoin d'être appliquée par une justice indépendante et... une banque centrale autonome.
La directive du Premier ministre parle de renfoncer les moyens humains et matériels des douanes. Il omet la question des pourcentages perçus sur les marchés publics et directement mis en dépôt à l'étranger, des excédents du produit de la rente et de la corruption, des surplus de l'économie parallèle convertis au square Port-Saïd et transférés en bagage, etc. On parle même de pétrole vendu au noir à partir de Londres ! Le pouvoir est partagé entre orthodoxie monétariste et culture soviétique de la gestion monétaire et financière : il veut bien libérer le change pour permettre l'acquisition d'équipement et soulager ainsi l'Etat de la tâche d'investissement, pour assurer les approvisionnements utiles au peu d'économie productive qui existe et pour ravitailler un marché de consommation que l'Etat ne peut plus pourvoir et organiser. Mais, dans la conception du régime, le pouvoir c'est d'abord la capacité d'enrichir qui il veut et de tenir loin de la rente qui il veut. Cette fonction le contraint à laisser ouvertes les voies discrètes de transfert à l'intention des privilégiés de la rente. Et, pour faire diversion, il nous "menace" sans cesse de sévir.
Bien sûr, pas question d'envisager la convertibilité du dinar, même comme perspective. Cela rendrait inutiles tous les trafics de devises et ôterait aux privilégiés la plus-value de change qui fait la différence entre les enfants gâtés du système et le reste des Algériens. Cela dévoilerait la réalité de notre productivité et de notre niveau de développement. Et surtout cela mettrait à nu le niveau de la gestion financière, économique et sociale du pays. On préfère passer la bombe à retardement aux générations et gouvernements futurs.
Pour l'instant, flottant entre bureaucratie et marché, le système financier et monétaire national ressemble à ces mécanismes de distribution d'eau, traditionnels mais sophistiqués qu'on trouve dans le M'zab, par exemple. On connaît la destination de la part de la rente mais les voies du dispatcheur d'eau, ou de rente, restent impénétrables.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
Nom
Adresse email


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)