Rencontres du cinéma français à Alger : une immersion cinématographique dans une société en crise

Les Rencontres du cinéma français d'Alger, tenus du 20 au 25 octobre, auront permis au spectateur local d'effectuer une immersion dans des milieux sociaux divers en France à travers un regard sur les réactions, parfois extrêmes, des individus face à des situations de crise dont la caractéristique est d'être à la fois sociales, morales et spirituelles.
Constituant un aperçu représentatif de la "nouvelle création française", ces rencontres qui prennent fin ce jeudi en soirée à la cinémathèque d'Alger, ont proposé au public neuf longs-métrages récents mettant en scène des conflits intimes dans le monde du travail, le monde rural ou les milieux de la police, sur fond de pressions caractéristiques de la société française d'aujourd'hui.
Des réalisateurs comme Jean Marc Moutout se sont inspirés des récentes vagues de suicides d'employés d'entreprises pour dresser le portrait d'un salarié d'une banque (Jean-Pierre Daroussin) en échec professionnel, acculé au meurtre de son supérieur, avant de mettre fin à ses jours dans "De bon matin".
En reconstituant par bribes la désagrégation familiale et professionnelle de ce cadre enfermé dans son bureau après avoir commis l'irréparable, le réalisateur décortique par une mise en scène intelligente, l'accumulation d'incidents et d'échecs ayant conduit à un acte extrême, faisant ainsi partager au spectateur une interrogation morale sur l'ambiguïté du statut de victime ou de bourreau.
Dans "Polisse", la jeune Maîwen a choisi d'accompagner les agents de de la brigade de protection des mineurs dans leur pénible travail, en concentrant l'attention sur les effets dévastateurs de la lutte quotidienne contre la pédophilie sur l'équilibre psychologique des policiers.
Le film joue sur les tentatives de ces policiers pour dépasser l'horreur par l'humour et la révolte, reléguant au second plan la souffrance des victimes au profit de celle des policiers, et qui a trouvé un écho favorable chez les spectateurs, non sans avoir provoqué le malaise chez certains d'entre eux.
Sur un registre plus philosophique, "Hors Satan" de Bruno Dumont invite le spectateur à un voyage poétique dans la campagne française maritime où un homme aide une femme à tuer son beau-père qui a abusé d'elle.
Une méditation cinématographique sur le bien et le mal d'inspiration religieuse, comme en témoigne les nombreuses scènes de prière, qui amène progressivement le spectateur par un mise en scène dépouillée et un rythme lent à s'interroger sur le personnage central dont on ne sait s'il est un ange ou un démon.
D'autres réalisateurs à l'instar de Chloé Scialom et de Nicolas le Bras se sont intéressé dans des documentaires aux franges de la société comme les sans-abri dans "La ballade de Quidam et de Lambda", tandis que la lutte des paysans contre l'expropriation de leur terre est magnifiée dans "Tous au Larzac", un documentaire de Christian Rouaud.
Le dernier film devant être projeté en clôture des Rencontres est "Holy Motors" de Leos Carax, un drame fantastique salué par la critique, récemment primé au Festival international du film de Chicago (Etats-Unis).
Dans un registre plus classique, les rencontres du cinéma français ont par ailleurs vu la projection d'un cycle consacré à Alain Resnais, auteur du célèbre Nuit et brouillard (1955), un des premiers documentaires sur la déportation des Juifs d'Europe pendant la deuxième guerre mondiale. Nonagénaire, Resnais a signé son dernier film en 2012.
Les Rencontres du cinéma français se poursuivent les 29 et 30 octobre à la Cinémathèque d'Oran et à la Cinémathèque de Tlemcen.