Nous l’avons rencontrée chez elle,un modeste studio à Alger où elle demeure depuis quelques années, loin du foyer familial , à Batna. La lauréate du concours «Regards croisés» est mise à l’honneur à la Bibliothèque nationale d’Algérie. Ce concours photographique vise à sensibiliser les jeunes de la Méditerranée et faciliter le dialogue entre les deux rives dans le domaine religieux et culturel. Il est financé par l’Union européenne.
Les travaux des 17 gagnants seront exposés au cours d’une exposition itinérante qui est partie de Rome pour visiter L’Algérie, L’Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, les Territoires palestiniens, la Syrie, la Tunisie,la Turquie, Chypre, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, Malte et enfin la Slovénie.
A propos du concours, Sabrina nous a dit : «Grâce à ce concours, j’ai représenté mon pays, et grâce au message que j’ai pu passer, il y a 16 personnes qui veulent venir voir ce pays ».Elle a ajouté : «Aujourd’hui, si l’on peut aimer en 5 jours, j’ai donc aimé chacun de ces pays . L’Union européenne m’a offert le plus grand cadeau auquel j’aurai rêvé durant toute ma carrière de photographe. C’est grâce à elle que j’ai exposé dans 17 pays».
Pour Sabrina la photographie, est loin d’être un passe temps. Dès son jeune âge, elle commence à manipuler le boîtier. «J’ai fait de la photographie durant toute ma vie, elle est l’une de mes plus belles histoires d’amour», nous confie-t-elle.
Contrairement aux autres photographes, Sabrina a développé son propre style. à travers des portraits, cette artiste de talent traite des sujets d’actualité et expose sa propre vision de l’Algérie d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
«A travers mes photos, j’ai essayé de parler de mon pays de manière simple, tel que je le perçois. Ce que je représente n’est pas forcément une vérité absolue, mais c’est ma vérité», nous dit-elle.
Qui saurait décrire ces photographies mieux que leur créatrice…
«Regards croisées» est l’une des plus belles et plus expressives photographies de son Press book. Elle est couronnée du Prix de la photo artistique en mai 2004. Elle représente le portrait d’une femme au vissage énigmatique, prise de trois angles différents. La moitié de son visage finit toujours par s’effacer dans l’ombre. Avec courage et fierté, Sabrina rejoint, à travers cette image, le front de l’égalité des sexes, et combat ce qui lui semble être juste, à côté des plus grandes figures féminines.
«C’est ma vision de la femme algérienne; elle démontre surtout le jeu entre dominant et dominé (…) cette conjointe est-t-elle réellement dominée ou fait-t-elle semblant ? Est-elle dominante mais en silence ? Un jour une personne m’a décrit cette photo en me disant –c’est la schizophrénie-, j’ai aimé sa description, étant donné quelle c’est un peu cela. C’est la schizophrénie dans laquelle peut vivre la femme algérienne, dans ce jeu de rôle où elle doit faire semblant (…). Pour moi, le plus dur, c’est qu’elle joue pendant toutes sa vie le rôle de la soumise, or je ne pence pas que la femme est soumise».
Si cette photo contient ce nombre impressionnant de questions, c’est qu’elle doit être le fruit d’une souffrance infinie.
Sabrina nous confie : «le jour de la composition, une personne m’a dit –tu dégages une force qui ne va jamais te permettre d’être heureuse, la force de la femme réside dans sa faiblesse- cette dernière phrase m’a fait du mal, la femme algérienne est-elle faible ou fait-elle semblant ?. C’est dans ce questionnement que cette photo est née».
Ce portrait est tout simplement une voix artistique qui se lève contre les lois de la vie, injustes, bien souvent.
La gent masculine n’a pas été oubliée par cette talentueuse philosophe des temps modernes. A travers «Retour à la vie», trois profils d’un seul homme «jeune, fort et beaux». L’artiste se transforme en historienne, en résumant l’histoire de l’Algérie, depuis l’indépendance à nos jours, en la partagent en trois étapes.
«Je devais parler de manière différente de l’Algérie», nous dit elle : «Toute personne qui veut parler de l’Algérie, prend des photos de la nature …une idée m’est venue, et si l’Algérie devait être un être humain, serait-elle être un enfant, un adulte ou un vieux ? Mon attention s’est logiquement porté sur ce jeune algérie. Il y a une fusion entre les trois visages, qui font un mouvement, c’est fait exprès. C’est pour les répartir dans le temps. J’ai parlé de l’Algérie en trois phases : l’Algérie heureuse et insouciante, la décennie noire et l’Algérie qui renaît de ses cendres. C’est comme ça que je vois l’Algérie. Ai-je raison ou tort ? Je ne sais pas». Son florilège d’images mélange l’originalité et la vérité et offre, ainsi, un débordement de créativité. Mais d’où vient cette innovation qui se démarque de ses clichés?
Elle nous dit : «Je prends des photo quand je ressens quelque chose au niveau de l’estomac qui pince», avant d’ajouter, «Ca vient de l’intérieur, ça monte jusqu'à ce que j’arrête le moment sur le bout de papier qui est la photo».
Un papa toujours présent…
Dans son «capharnaüm», Sabrina parle beaucoup d’un être cher à son cœur, à qui elle doit une éducation, des plus accomplies aussi bien artistique que physique, «je crois que je suis amoureuse de mon père», nous dit-elle en plaisantent, avant d’ajouter : «c’est le meilleur papa au monde, c’est grâce à lui que mes sœurs et moi avons pu faire énormément de choses. Je lui dois toutes mes réussites (…) il nous a appris à faire deux choses à la fois ; à finir nos études et à vivre nos passions à fond.
Quand il a fondé une famille, il a continué à vivre à travers nous, il nous a fait faire tout ce qu’il a fait en étant jeune»! «Caméléon», Sabrina l’est. Un petit coup d’œil sur son «Curriculum vitae», vous laisse ébahi.
Native de Batna, après l’obtention de son bac en 1995 -série sciences exactes-, Sabrina s’installe à Alger où elle prépare un DES en Chimie à l’Université des Sciences et de la technologie «Houari Boumediene» (USTHB). C’est en 2001, qu’elle commence à faire de la photographie professionnelle, en suivant une formation dans une école de photographie, située en plein cœur d’Alger, et obtient un "Diplôme de reporter photographe". En 2005, elle suit une formation en infographie et montage vidéo.
Sabrina, n’a pas négligé son côté artistique. Au contraire, dès son jeune âge, elle suit des cours de dessin, de musique tout en exerçant son amour, pour la photo en amateur.
Sportive de haut niveau, deuxième dan en karaté et ancien membre de l’équipe nationale, elle est nommée six fois championne d’Algérie. A 15 ans , elle est déjà entraîneur de la J.B.A.C. (Jeunesse batnéenne athlétique club). Ses exploits ne s’arrêtent pas là, en 1989, elle obtient le titre de vice- championne d’Algérie de natation (100 m dos crawlé).
Le sport l’a beaucoup aidée dans le domaine artistique, ainsi que dans le domaine professionnel : «c’est grâce au sport que j’ai forgé ma personnalité (…), c’est grâce au sport que j’ai appris à avoir confiance en moi», explique-t-elle.
Elle est, même élue dauphine au concours Miss Algérie en 1997.
Sabrina Draoui reste optimiste sur son avenir. Passionnée aussi par tout ce qui est montage cinéma, elle espère faire carrière dans l’audio-visuel. «Malgré toutes ces réussites, je dirais que j’ai réussi dans ma vie, mais que je n’ai pas réussi ma vie». Son objectif demeure «la maîtrise et la réussite dans tout ce que la vie m’offre de faire», écrit dans son curriculum vitae.
Au moment de se quitter, elle a le sourire auxs lèvres. Quant à son regard, il est déjà en quête d’autres exploits, cherchant un visage avec lequel elle pourra exposer une autre vision du monde qui l’entoure.
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Posté Le : 15/04/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Abdel Raouf Aziri
Source : www.algerie-femme.com