Photo : Saïd Oussad aux côtés d’Amar Ingrachen ©Menasria/Liberté
L’auteur Saïd Oussad a présenté son roman lors d’une rencontre animée au siège d’Interface Média (Alger). Il est revenu également sur les traumas refoulés causés par la décennie noire.
Entre témoignage et récit imaginaire, dans son roman non fictionnel Le temps de mourir, l’auteur et journaliste Saïd Oussad revient sur l’une des périodes les plus sombres de notre histoire : la décennie noire. À l’occasion de la sortie de son ouvrage en Algérie par les éditions Frantz-Fanon, notre collègue, chef de bureau du quotidien Liberté à Oran, a animé dernièrement une rencontre au siège d’Interface Média, aux côtés de son éditeur Amar Ingrachen.
Publié en France par L’Harmattan en 2014, sous le titre Les chemins inutiles, la trame se déroule dans une Algérie “secouée par la guerre civile. Un journaliste, cherche à donner un sens à son métier. À sa vie. Il part avec Kader, un photographe de presse, à la rencontre d’un chef terroriste pour l’interviewer. Sur son chemin, son instinct investigateur reste intact. Mais plus il se croit proche de son objectif, plus la sémantique de la vie se confond dans sa tête. Sous le ciel d’Allah, la mort se banalise et la vie glisse entre les doigts d’un présent de plus en plus désespéré”, peut-on lire dans la quatrième de couverture.
À propos de son écriture, Saïd Oussad explique que “ce roman est une catharsis. J’ai vécu beaucoup de choses que j’ai refoulées durant la décennie noire. C’est un trauma refoulé qui a été pris en charge par le romancier”. Et de renchérir : “C’est le journaliste qui refoule et le romancier qui vomit.” Toujours dans ce sillage, il a indiqué qu’il faut “dissocier le travail de journaliste et celui de romancier”.
Ce récit fictionnel tout en étant autobiographique est “un huis clos même si l’histoire se passe sur la route. C’est une sorte de road movie d’une journée”. Agrémenté par des témoignages et des articles de presse, Le temps de mourir évoque, notamment les massacres de Ramka, les escadrons de la mort, et cette démarche selon l’auteur avait pour but de “prendre un peu de distance et de montrer ce que disait la presse. Ce n’est pas un travail d’historien ! Je ne suis pas dans la peau du journaliste mais dans celle d’un romancier”, a-t-il souligné.
Pour la mémoire collective
Dans son intervention, l’éditeur Amar Ingrachen a évoqué les traumas collectifs engendrés à cause de la “guerre civile”, de l’importance d’écrire et de parler de cette période pour sortir de ce choc émotionnel. “C’est un roman qui parle de la décennie noire, quand on a décidé de le publier, beaucoup d’amis, d’universitaires et de journalistes ont dit encore un livre sur le terrorisme !”, a-t-il raconté. Et de poursuivre : “Nous avons décidé de publier pas seulement un roman, mais plusieurs ouvrages qui parlent de cette période. L’Algérie a vécu une époque qui continue à générer des traumas. Et un trauma, psychanalytiquement paralyse l’inconscient.” À ce sujet, il a informé qu’un “trauma prend le monopole des structures de l’imaginaire et nous empêche de réfléchir en toute liberté et de contrôler nos réflexions”. Pour l’intervenant, la meilleure manière de reprendre le contrôle sur “les structures de son imaginaire est d’en parler, d’extérioriser, de verbaliser, et de donner une représentation symbolique à ce trauma”. Tout en concluant : “Il faut écrire sur cette période pour pouvoir un jour nous libérer et reprendre le contrôle sur nous-même. D’ailleurs, nous allons publier des romans sur ces événements traumatogènes que nous avons vécus, à l’instar du roman ‘Les amours de Shahrazade’ de Salima Ghezali.”
Sur la question des traumas, Saïd Oussad a souligné avoir assisté “à des massacres et chacun essayait de surmonter à sa manière. À chaque fois que j’écrivais je pensais à des choses que j’ai vécues”. Il a narré avoir vu dans une chambre d’hôpital un enfant de 9 mois, égorgé d’une oreille à l’autre, et cette scène a généré un choc. “C’est en écrivant que cette histoire m’est revenue (…) Le temps de mourir est un titre symbolique car il est impératif de revenir sur cette période”. Pour le conférencier, “ce n’est pas parce qu’on nous a imposé la concorde civile qu’on doit oublier ! Il faut en parler, c’est un devoir de mémoire pour les victimes”. À ce propos, il a donné comme exemple les cas de l’Afrique du Sud et de la Colombie où “le pardon n’a pas été imposé. On mettait en relation la victime et le bourreau. Alors qu’en Algérie, on a imposé le pardon sans même demander l’avis de la victime”, a-t-il soutenu. “Je ne remets pas en cause la politique de réconciliation nationale, je pense que c’est un devoir de notre part d’en parler, nous qui avons vécu cette période. Il est du devoir de chacun de nous d’aider ce pays à faire le deuil”, a suggéré Saïd Oussad. Après l’écriture de ce roman qui a permis à l’auteur de se sentir “mieux”, il a annoncé qu’il était sur deux projets, le premier à quatre mains et un deuxième sur le monde de la boxe.
Hana Menasria
Roman “Le temps de mourir” de Saïd Oussad, éditions Frantz-Fanon, 2018, prix 600 DA
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Posté Le : 21/03/2018
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : Par Hana Menasria