Algérie

Rencontre autour de la vie et de l'œuvre de l'auteur



Rencontre autour de la vie et de l'œuvre de l'auteur
Lors d'une rencontre à la maison de la culture de Tizi Ouzou, des conferenciers ont tenté de cerner les notes écrites par feu Ali Hammoutène. Son fils Mohamed, médecin spécialiste en pédiatrie, avait retrouvé par hasard celles-ci. Ali Hammoutène, durant toute sa vie, n'avait pas manqué une seule occasion pour démontrer avec force que l'Algérien est loin d'être ce bougnoule inculte mais qu'il était aussi capable de venir titiller l'ordre établi par les colons, en étant meilleur en classe et au travail que leur progéniture. Né le 16 décembre 1917 dans une famille modeste, il fera ses premières classes à Tizi-Ouzou, à l'école Jeanmaire. Il étudiera tout en aidant son père aux tâches quotidiennes. Il rejoindra ensuite l'Ecole normale d'Alger où il décrochera son titre d'enseignant. Il deviendra ensuite inspecteur puis directeur adjoint des centres sociaux éducatifs initiés par l'ethnologue Germaine Tillion en 1955. « Quand j'ai vu l'énorme épuisement de l'Algérie et l'énorme épuisement financier des familles, j'ai pensé que la seule chose qui était faisable, c'était de nantir les paysans algériens d'un outillage leur permettant de survivre dans une ville, c'est pour ça que j'ai conçu les centres sociaux » dira-t-elle. Dès 1939, alors qu'il était instituteur, il adhérera d'abord au PPA. Appréhendé à plusieurs reprises par les autorités militaires françaises, une mesure d'interdiction fut prise contre lui pour atteinte à la sûreté de l'Etat. Il dut alors quitter Tizi-Ouzou, pour s'installer avec sa famille à Alger où il sera assassiné en compagnie de cinq de ses collègues des Centres sociaux éducatifs d'Algérie, au niveau de la villa Château Royal de Ben-Aknoun par le commando Delta de la sinistre OAS. Abdenour Abdeslam dira qu'il fut un visionnaire car il avait écrit en 1956 : « Sur cette terre algérienne où se dresse, toujours sanglante, l'ombre hideuse du colonialisme, reverrons nous un jour la paix et la fraternité ' ».Témoin lucide de la guerre d'Algérie, militant d'une Algérie libre, il voulait aussi une école algérienne qui soit source d'émancipation, de progrès.Témoignages Un de ses anciens élèves, Mohamed Chabane, dira : « Toute sa vie il l'avait consacrée à l'éveil de la conscience des jeunes Algériens à prendre en charge leur destin et la destinée de leur pays. A chacun de ses cours, il ne manquait pas de nous parler de cette Algérie qui n'appartient à aucun autre qu'au peuple ». Ali Hammoutène avait fait naître cette flamme de nationalisme chez ses élèves, ce qui poussa de nombreux élèves à rejoindre les rangs du FLN et de l'ALN. Il écrira chaque jour des notes pour exprimer son vécu mais en apportant des réflexions sur ce qui se passait autour de lui. Des réflexions regroupées dans un livre posthume intitulé « Réflexions sur la guerre d'Algérie » publié une première fois à la Sned en 1983 avant qu'il ne soit réédité en 2013 par l'Enag. « J'ai mis longtemps avant de voir enfin les notes de mon défunt père acceptées par un éditeur. Ce fut en France aux éditions publisud avant qu'il ne soit enfin édité en Algérie en 1983 » nous dira son fils pour qui cet ouvrage est « une belle page d'histoire qui a nécessité plusieurs années de travail et de recoupement puisque j'ai pu reconstituer ce livre à partir de documents et de cahiers entremêlés dans les affaires ayant appartenu à mon regretté père ». Sa réédition a obéi à la demande de nombreux libraires et lecteurs « qui nous avaient sollicités en cette année du 50e anniversaire de la Révolution algérienne et du 52e anniversaire des évènements sanglants du 17 octobre 1961, tout cela pour faire connaître Ali Hammoutène aux jeunes d'aujourd'hui qui ne connaissent que le nom, tout cela en imprégnant aussi ces mêmes jeunes des valeurs de la révolution et du négativisme. Abdenour Abdeslam dira que « toute la réflexion d'Ali Hammoutène sur la guerre d'Algérie s'articule autour de la nature de la France. Faisant un parallèle avec « Le journal » de Mouloud Féraoun, le conférencier notera : « Si ?'Le Journal de Mouloud Feraoun se veut une description sur le vif des événements cruels dans une ambiance des plus barbares, ?'Les réflexions sur la guerre d'Algérie d'Ali Hammoutène écrites sont une analyse politique qui dissèque les causes qui ont provoqué ces mêmes événements. La qualité et l'analyse de ces réflexions, empreintes d'objectivité et de réalisme, ont pendant longtemps manqué à une meilleur intellection et compréhension des sources qui ont conduit au drame algérien ». « Les deux ouvrages sont très complémentaires sur l'histoire de la guerre d'Algérie » fera-t-il remarquer ». Revenant sur son analyse des deux France relevées par Ali Hammoutène, Abdenour Abdeslam soutiendra que pour l'auteur, « il y a la France en France qui est républicaine avec son génie, ses traditions d'humanisme. Et la France en Algérie qui est colonialiste sans génie, inhumaine, avec sa barbarie, son expansionnisme colonialiste et sa dictature ». « Voilà pourquoi, dit-il, que Ali Hammoutène exige que la première France soit condamnée et la seconde France proscrite ». D'ailleurs il en fera une parabole sur l'actualité présente : « La revendication de l'algérianité que de fois soulignée par Dda Ali dans ses cahiers reste encore à ce jour le centre du problème politique qui empêche l'Algérie de se réconcilier avec elle-même ». Abdenour Abdeslam relèvera aussi la profondeur de l'analyse de Ali Hammoutène sur la guerre d'Algérie. « Il portera la contradiction à l'entourloupette du journaliste de l'époque, Jean Daniel, dans L'Express du 8 août 1956 qui, pour absoudre sournoisement les méfaits de la colonisation française en Algérie, cite le cas du peuple égyptien pourtant indépendant mais que Nasser asservissait en écrivant : « Que l'Egypte soit un Etat semi féodal, que le fellah de la vallée du Nil ait une condition misérable, voilà certes des faits qui ne peuvent laisser indifférent un honnête homme. Mais de là à chercher des justifications à la situation qui est faite au peuple algérien par comparaison à l'Egypte, c'est une erreur inadmissible et grossière. » « Dda Ali Hammoutène persiste et signe que l'insurrection n'a été importée de nulle part ni soufflée par qui que ce soit. Elle est l'émanation profonde d'un peuple conscient de sa condition de colonisé dont il a décidé en acteur direct et mûr de combattre » a-t-il assené. Abdennour Abdeslam trouve que l'auteur des « Réflexions sur la guerre d'Algérie » resitue le soulèvement algérien en dehors du seul sentiment religieux : « Il serait naïf de croire que les problèmes que pose l'existence d'une nation se résoudront par la grâce divine. » Ali Hammoutène « accuse ainsi le colonialisme de vider par le discours trompeur la révolution algérienne de sa vrai nature, de sa matrice qui projetait, dès ses débuts, de fonder un futur Etat algérien inscrit dans la dynamique de la pensée moderne » précisera-t-il. Le professeur Zemerli notera la similitude dans le cheminement de Ali Hammoutène avec Féraoun. « Tout porte à croire que la destinée en avait fait des jumeaux tant les deux hommes sont nés dans la même région, dans une famille modeste et humble. Ils ont connu la même misère et étaient animés d'une même volonté, celle de surclasser l'intelligentsia coloniale en fréquentant pratiquement les mêmes établissements pour devenir ensuite des éducateurs et des enseignants et voir leur vie à jamais scellée ensemble ». Mohamed Hammoutène, pour sa part, tout en témoignant du vécu avec son cousin, ne manquera pas d'exhorter les pouvoirs publics à donner une autre dimension à l'œuvre de Ali Hammoutène. Des propositions pour organiser un colloque scientifique, mettre en place une fondation Ali Hammoutène, mais aussi traduire ses livres en langue arabe, ont fusé de la salle. Abdennour Abdeslam a promis de traduire ces notes en tamazight.




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